« Pour lire Platon/Études de quelques passages des dialogues » : différence entre les versions

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Il a un sentiment d’injustice très fort (''"évènement intolérable"''). C'est ce que l'on appelle "l'indignation". Ce sentiment d’injustice aurait pu le conduire à une révolte stérile : la vengeance. Le sentiment est en effet spontané et peu réfléchi. Cependant, même si Platon est choqué par l’intolérable de la situation, il préfère s’en remettre à l’examen de la situation qui a conduit Socrate à boire la ciguë. Plutôt que de faire appel à la violence, à la passion, Platon examine, selon l'ordre de la raison, les conditions de réalisation de l’injustice ( "''Plus j’approfondissais'' … ").
 
Il examine donc tout d’abord les faits du procès lui-même, faits qu’il analysera dans L’apologie de Socrate. Dans un second temps, ce sont les institutions qu’il réfléchit. Les lois et les règles coutumières sont ainsi analysées. Notons que les lois, à la différence des règles coutumières, ne sauraient être variables. Par ailleurs les lois, comme le dit ici Platon, sont écrites, ce qui leur assure permanence et solidité. La coutume, au contraire, n’est pas écrite et peut, de ce fait, varier d’un groupe social à l’autre. AÀ l’issue de cet examen, que constate Platon ? Une corruption « prodigieusement grande » de ces lois et règles. Ce qui est corrompu c’est ce qui n’est pas viable, le politique est donc malade. (on notera l’importance des termes relatifs à la maladie dans ce texte) Pourquoi s’interroger sur les institutions elles-mêmes ? Pourquoi réfléchir le sens des règles et des lois ? Tout simplement parce qu’il ne saurait y avoir de justice sans la médiation de ces institutions. C’est parce qu’il y a des lois qu’une juste distance s’introduit entre l’offensé et l’offenseur. La loi, la coutume nous protègent de la vengeance où il n’y a aucune distance, où tout se règle selon l’ordre des passions (voir la vendetta). La vengeance n’est pas équitable, elle est pur rapport de force. Qu’en conclut Platon ? On ne peut agir justement si les fondations de la Cité sont mauvaises, la politique n’est pas une affaire d’ignorance. Cela explique pourquoi il insiste sur la nécessité pour lui de différer le moment de l’action politique. Pour Platon, il n’y a pas de différence entre la théorie politique et l’action politique. D’où vient la corruption du système politique ? Si l’on en reste aux faits du procès, des démagogues. Anytos, l’un des accusateurs de Socrate, en est un très bon exemple. Que fait le démagogue ? Il flatte la foule. .. et croyant gouverner cette dernière se laisse en fait gouverner par elle, prisonnier de l’image qu’il doit lui donner. Quel est le régime politique d’Athènes, responsable de la mise à mort de Socrate ? La démocratie. L’expérience que Platon fait est celle de l’échec de la démocratie athénienne incapable de rendre justice. La démocratie c’est, étymologiquement le pouvoir du peuple. Or, Platon ne voit dans le peuple qu’une foule incapable de voir l’intérêt commun. La foule est ignorante, mais gouvernée par ses passions, elle est la proie facile des démagogues. La foule ne sait pas en quoi consiste la justice qu’elle confond avec la vengeance.
 
==== '''Dans le second moment du texte, Platon élargit la problématique. Il n’y a pas que la démocratie qui est impuissante à penser la justice''' ====
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==== '''C’est pourquoi le texte s’achève sur la philosophie et son devoir de réfléchir le politique'''. ====
Comme, cependant, il n’y a pas de justice effective sans connaissance du juste, Platon confie le gouvernement de la Cité à celui qui a le « naturel philosophe ». Arrêtons-nous sur une telle expression. AÀ la différence des sophistes Platon pense que la politique n’est pas l’affaire de tous. Elle ne peut que concerner celui qui réfléchit rationnellement ou qui a reçu une révélation divine. Ces deux solutions manifestent un certain pessimisme de la part de Platon, comme si ces deux solutions étaient impossibles. Dans La République il éclaircira à l’aide d’une allégorie ce naturel philosophe destiné au pouvoir politique. Arraché contre son gré à la caverne des ombres ce « naturel philosophe » devra supporter plusieurs épreuves avant d’accéder à la contemplation du soleil, image du bien et du juste. Bien sûr, une telle élévation ne va pas sans douleur et comme le dit l’allégorie : « le premier éblouissement fut brutale ». Cependant notre élève avait une prédisposition à la philosophie : il accepta la douleur. Tout aurait pu en rester là , sauf qu’il devait redescendre. La tâche du philosophe n’est pas de rester à contempler les idées mais de les réaliser dans la cité. Il lui fallu donc redescendre dans la caverne du préjugé et supporter un second éblouissement. Il avait néanmoins vu le juste, il lui fallait le mettre en pratique. C’était sans compter sur la foule agressive à son égard, menée par ses passions. Dans cette allégorie on voit bien que la vérité échappe à la foule. C’est pourquoi dans cette lettre Platon en appelle à une dispensation divine comme s’il nous suggérait que ce qui devrait être est encore loin d’arriver. Pour finir on pourrait se demander pourquoi le philosophe est seul apte à gouverner la cité ? Bien sûr, comme nous venons de le dire parce qu’il a eu accès à la contemplation du bien et du juste mais surtout parce qu’il déteste le pouvoir. Pour Platon, seul peut gouverner celui qui n’aime pas gouverner.
 
=== --->>>>> Aller plus loin. Ce qu'Aristote dit de l'indignation : ===