« Philosophie/Existence et temps » : différence entre les versions

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Tous les êtres existent, et c'est une évidence de dire que la [[pensée]] (et même l'imaginaire) et l'[[action]] supposent l'existence. Exister c'est être; être c'est exister. Ainsi l'existence est-elle quelque chose d'immédiat, qui constitue le commencement de tout.<br />
En ce sens, l'existence est le simple fait d'être, l'être conçu sans détermination aucune, sans prédicat, sans rien : l'être commence donc par l'indétermination de l'existence, indétermination du fait d'être pur et simple. Ainsi, cette première [[idée]] de l'existence nous la ferait concevoir par une [[Philosophie/Connaissance|connaissance]] immédiate. De ce point de vue :
* être et pensée sont identiques ;
* l'existence est immédiatement connue.
 
La connaissance de ce qu'est l'existence est ainsi issue originellement de l'existence même. Chacun aurait donc un savoir immédiat de l'immédiat. Ces points soulèvent quelques unes des difficultés fondamentales de la [[philosophie]] :
*si Si l'existence est connue par un moi, l'existence des choses peut-elle en être déduite ?
*l L'existence est-elle immédiatement connue par notre [[Philosophie/Conscience|conscience]] ?
* L'existence est-elle un objet de connaissance ?
 
Ces questions entraînent des distinctions :
* existence pour un moi (subjective) et existence des choses (objectives) : dans l'[[idéalisme]] moderne, c'est l'existence subjective en tant que [[pensée]] qui est absolument certaine.
 
* être et existence : on distingue entre "être" et "être un être".
*existence pour un moi (subjective) et existence des choses (objectives) : dans l'[[idéalisme]] moderne, c'est l'existence subjective en tant que [[pensée]] qui est absolument certaine.
*être et existence : on distingue entre "être" et "être un être".
 
 
=== L'origine métaphysique de l'existence ===
 
Dans cette dernière distinction, on peut estimer que la philosophie a traditionnellement choisi l'être au détriment de l'existence, ce qui se traduit par la formulation d'[[Aristote]] : ''L'objet éternel de toutes les recherches présentes et passées, le point toujours en suspens : qu'est-ce que l'être ? revient à demander qu'est ce que la substance ?'' AÀ la suite de [[Philosophie/Platon|Platon]], la recherche d'[[Aristote]] se porte donc sur l'[[concept d'essence|essence]], et non sur l'existence, et l'existence serait ainsi occultée : l'existence doit toujours métaphysiquement se penser par rapport à l'essence ; l'essence est la condition d'intelligibilité de l'existence.
 
De ce point de vue essentialiste, il découle plusieurs conséquences importantes :
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=== Philosophie de l'existence ===
 
Face à ces problèmes, on peut vouloir penser l'existence d'une manière autonome, indépendemmentindépendamment de l'essence. C'est le renversement existentiel de la métaphysique : le fait d'exister devient le point de départ de la pensée, ce qui donne sens véritablement à notre expérience. C'est l'existence sans essence, i.e. sans raison et sans hiérarchie.
 
== L'analyse de l'existence en tant que phénomène ==
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La [[réalité]] de l'existence peut être appréhendée de manière affective (cf. la sensibilité chez [[Rousseau]]), indépendamment de la [[raison]], i.e. que ce qui en est saisi ne se déduit pas de l'essence, n'est pas démontrable, est irréfutable ([[Philosophie/Nietzsche|Nietzsche]]) et semble donc surtout un phénomène irrationnel. Mais cette conscience affective peut être conçue comme une "humeur" (''Stimmung'', cf. [[Heidegger]]) a priori, i.e. une tonalité de l'existence qui précède la saisie des choses dans leur particularité. Cette tonalité est alors contemporaine de ce qui est appelé "ouverture au monde."
 
* nausée, chez Sartre, les choses perdant leur sens utilitaire ne peuvent plus être nomméésnommées ; c'est alors leur existence pure qui devient envahissante, incontrôlable. La conscience hésite entre la fusion sujet/objet et le rejet.
* angoisse : pour [[Heidegger]], l'angoisse, à la différence de la peur, n'a pas d'objet réel identifiable dans l'expérience. La peur peut être combattue par l'emploie de moyens de protections contre un danger bien identifié. L'angoisse, au contraire, n'ayant aucun objet, est une angoisse de rien, et sa source est par conséquent l'existant lui-même qui a à être de manière authentique.
* [[Philosophie/Bonheur|bonheur]] : au contraire des philosophies contemporaines de l'existence qui placent au cœur de l'existent, dans sa structure même, des sentiments plutôt négatifs, un [[philosophe]] comme [[Rousseau]] pense trouver sous la fausseté de la vie sociale le pure plaisir de l'exister qui est l'épanouissement naturel de la sensibilité : cette sensibilité est pour lui le point de départ de l'existence.
 
=== Exister, c'est être au monde (Heidegger) ===
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Pour Heidegger, dire « ''j’existe'' », cela signifie « ''je suis au monde'' ». Dans l’existence, il y a l’idée même que je suis et cette notion est antérieure à toute autre. Je prends ainsi conscience de mon existence : cette prise de conscience ne me qualifie pas pour autant, elle ne qualifie pas mon existence, simplement j’existe.
 
Notre existence, le fait même que nous existions nous projette dans le futur, qui est le monde des possibles (précisément parce que le futur est contingent). Ainsi, sans cesse, pendant que nous vivons, nous découvrons ce que nous sommes, nous dévoilons notre être, non que cet être nous préexiste car c’est bien nous qui le faisons exister, qui lui donnons une essence. EtreÊtre, c’est bien exister, non pas détenir en soi du sens.
 
C’est pourquoi il est si difficile, en philosophie, de définir l’existence, parce qu’elle est toujours cet imprévisible jaillissement. On peut retenir cette définition de Sartre : « ''L’existence, c’est la contingence''. » L’essence, au contraire, c’est la nécessité.
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=== La finitude ===
 
Dans les philosophies de l'existence, la [[Philosophie/Liberté|liberté]] est un absolu, l'essence indépassable de l'existence. Mais cette liberté ne peut être son propre fondement, car il y a une facticité originaire de la liberté qui en révèle donc la finitude insurmontable. La liberté est néanmoins l'homme même, son existence et elle définit la condition humaine : nous sommes condamnés à la liberté, nous y sommes jétésjetés, exactement comme nous sommes jetés-là dans le monde.
 
== L'art d'exister ==
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*sagesse et mort
 
Pour les philosophes de l'Antiquité, notamment EpicureÉpicure et les stoïciens, l'homme sage (celui qui aime la sagesse : le philosophe), c'est celui qui ne craint pas (qui ne craint plus) la mort.
 
Pour EpicureÉpicure, en effet, la crainte de la mort est inutile et infondée : la mort n’existe pas tant que nous vivons et nous n’existons plus quand elle est là. Il identifie la mort à une perte de sensations et en conclut donc qu’il faut jouir de son existence mortelle et non souffrir à l’avance pour une souffrance (celle de la mort) qui n’existe pas.
 
EpicureÉpicure rejette la tradition orphique, reprise par Platon, qui croit à la survie et au jugement de l’âme. L’homme qui s’attache à vivre pour atteindre le paradis après sa mort, oublie trop souvent d’être heureux ici bas.
 
« ''Philosopher, c’est apprendre à mourir'' » (Cicéron)
Quant au sage stoïcien, il présente une certaine résignation, voire une résignation certaine face aux événements qui ne dépendent pas de lui, en particulier la mort. Pour Sénèque, faire de la philosophie, c’est dépasser sa condition mortelle, donc apprendre à mourir… EpictèteÉpictète pense que c’est par nos craintes et nos peurs que nous rendons la mort terrifiante. Nous ne pouvons certes éviter la mort mais nous pouvons éviter de la craindre, puisqu’elle est de toute façon inévitable !
 
Ces philosophies peuvent apparaître séduisantes, en ce qu'elles nous permettent d'envisager de façon moins angoissante notre propre mort. Néanmoins, elles occultent tout le côté affectif lié à la mort. D'une part, elles laissent de côté la question de la fin de la vie, la crainte de la déchéance mentale et physique qui sont devenues des grandes préoccupations de notre temps. D'autre part, ces philosophies semblent oublier que, même si nous demeurons vivants et si la mort ne nous fait pas souffrir en elle-même, c’est avant tout la mort des autres, celle de nos proches, qui nous angoisse et nous fait souffrir.
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Dans le présent, grâce à la mémoire, je peux penser une réalité passée. Mais le souvenir ne correspond jamais exactement à l’événement tel que je l’ai vécu. Nos souvenirs sont toujours des interprétations, des reconstructions.
 
Cependant, ce qui importe dans le souvenir, ce n’est pas de se souvenir exactement d’un événement mais plutôt de lui donner un sens selon ce que la vie a fait de nous. '''EvoquerÉvoquer le passé, c’est donc toujours lui donner un sens'''.
EvidemmentÉvidemment, le passé en soi ne change pas, c’est l’interprétation que nous en faisons qui peut évoluer en fonction de notre présent, de notre futur. Cela montre bien l’unité de notre existence : je pense mon présent comme résultant de mon passé et s’ouvrant sur mon futur. Il y a donc bien un lien entre l’existence et le temps.
 
Nous sommes constitués par notre mémoire : nous ne pouvons faire table rase de notre passé. En revanche, '''l’homme est libre en ce qu’il interprète librement son passé'''. Il peut toujours décider d’en faire un appui positif. Cette conservation du passé par la mémoire, aussi subjective soit-elle, nous constitue. Cela signifie aussi accepter la complexité de la vie : il n’existe pas de vérité une et stable, la valeur d’un événement, le sens qu’il prend peuvent évoluer au cours de notre vie.