« Mémoire/L'évolution de la mémoire avec l'âge » : différence entre les versions

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==L'amnésie infantile==
 
C'est un fait : personne ne se souvient des premières années de sa vie. Vous-mêmes avez peut-être des souvenirs d'enfance, mais il est rare que ceux-ci datent des trois premières années de votre vie. Les premiers souvenirs sont des souvenirs de vos 4 à 6 ans, parfois plus, mais les personnes qui ont des souvenirs qui datent d'avant leurs 3 ans sont très rares. Les études sur ce sujet sont formelles. Pour donner quelques statistiques, la méta-analyse de David Rubin sur le sujet a montré que sur les 11000 adultes interrogés, environ 1% ont des souvenirs d'avant leurs 3 ans. Et les souvenirs d'avant 2 ans sont presque inexistants tant ils sont peu nombreux. L'âge moyen officiel du premier souvenir est de trois ans et demi. Les souvenirs entre 3 à 6/7 ans sont généralement rares et fragmentaires. Et plus on se rapproche desde 7ans, plus la probabilité de rappel d'un souvenir augmente. Les chercheurs ont donné un nom à ce phénomène d'oubli des premières années de la vie : l''''amnésie infantile'''. Le terme amnésie n'est pas à prendre ici au sens pathologique, mais au sens propre : un oubli.
 
On pourrait se dire tout simplement que les souvenirs les plus anciens sont oubliés avec le temps. Notons à ce propos que les chiffres mentionnés plus haut sont valables pour les adultes, pas pour les enfants. Si on interroge des enfants de moins de 10 ans et que l'on vérifie que les souvenirs rapportés sont exacts, les premiers souvenirs datent d'environ 1 à 2 ans. Ce n'est qu'à partir de 10 ans que les enfants commencent à avoir des résultats proches de ceux des jeunes adultes. Tout cela implique qu'une partie du phénomène implique de l'oubli, mais il y a peu de chances que le phénomène soit explicable par un oubli causé par l'avancée en âge. Cette explication n'explique pas pourquoi on n'a aucun souvenir avant 2 ans, très peu entre 2 et 6 ans, et que les souvenirs d'après 6 ans sont relativement plus nombreux. Il faut donc trouver d'autres explications et les chercheurs ne manquent pas de pistes pour expliquer l'amnésie infantile, mais les études sur le sujet ne permettent pas de trancher entre les différentes explications, du moins pour le moment. Les théories à ce sujet sont assez nombreuses. Si les explications psychanalytiques sont aujourd'hui mises de côté et réfutées, les explications cognitives, voire neurologiques, sont cependant plus intéressantes à étudier.
 
Notons que l'amnésie infantile ne concerne que les souvenirs épisodiques et la mémoire autobiographique. Par contre, l'acquisition de connaissances déclaratives et les apprentissageapprentissages implicites ne sont pas concernés. Le fait est que les enfants ont de bonnes capacités d'apprentissage implicite. Les apprentissages de la petite enfance sont surtout moteurs et sensoriels : ils apprennent à se tenir debout, marcher, courir, reconnaitre les couleurs, reconnaitre les objets dans leur environnement, etc. Ils apprennent aussi à parler, mais les mécanismes de cet apprentissage ne sont pas clairs, même si une bonne partie de cet apprentissage est déclarative.
 
===L'absence de langage expliquerait l'amnésie infantile===
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Il se pourrait que ce soit l'absence de langage qui empêche la formation des souvenirs, ou que l'apprentissage du langage qui perturbe le rappel des souvenirs pré-verbaux. A ce propos, l'âge auquel les enfants sont capables de rappeler leurs premiers souvenirs correspond à peu près à l'âge auquel le langage apparait, à quelques mois près. De plus, l'âge des premiers souvenirs est bien corrélé à l'âge auquel le sujet interrogé a appris à parler. Plus un sujet a appris à parler tôt, plus ses souvenirs d'enfances seraient précoces. Cela reste une corrélation, cependant.
 
Une explication serait donc que le langage serait très important pour former des souvenirs. Les enfants de moins de 2 ans ne disposant pas du langage ne pourraient donc pas former des souvenirs. Ou alors, sans forcément dire que le langage serait important pour former des souvenirs, on peut supposer que l'absence de langage entraine un encodage différent que quelorsque le langage est présent. Les premiers souvenirs seraient encodés avec des mécanismes de mémorisation purement non-verbales, alors que les souvenirs ultérieurs seraient encodés avec des stratégies diverses faisant intervenir au moins partiellement le langage. Le rappel étant d'autant plus facile que les conditions de rappel sont proches des conditions d'encodage, les souvenirs pré-verbaux auraient donc un désavantage pour un rappel verbal, que n'auraient pas les souvenirs ultérieurs.
 
Notons que l'explication précédente peut être complétée par le fait que les souvenirs rappelés à l'âge adulte sont souvent des souvenirs souvent répétés. Un souvenir n'est pas seulement mémorisé dans le cerveau d'un sujet, il est souvent rappelé, voire partagé avec les proches/amis/autres, fait l'objet de discussion avec ses proches. Plus on se rappelle d'un souvenir et plus on en parle autour de soi, plus on a de chances de s'en souvenir plus tard. Les souvenirs peu rappelés, qu'on ne partage pas, dont on an’a pas l’occasion de se rappeler, onont de fortes chances s'être oubliés dans le futur. Les premiers souvenirs, ayant du mal à être verbalisé et encodés avec des stratégies non-verbales, ont donc peu de chances d'être rappelés et partagés. Alors que les souvenirs verbaux ont beaucoup plus de chances d'être rappelés, discutés, partagés, et donc ont moins de chances d'être oubliés dans le futur.
 
===Une maturation cérébrale incomplète===
 
Une autre hypothèse est que le cerveau des enfants soit trop immature pour former des souvenirs de type épisodiques, mais soit quand même capable d'apprentissages verbaux ou conceptuels. Le lobe temporal médian ne serait pas assez développé pour encoder des souvenirs de manière efficace. Même chose pour le cortex préfrontal, qui n'est pas assez développé pour utiliser des stratégies d'apprentissage efficace. Le résultat est que la formation de souvenirs épisodiques serait compromise, que l'apprentissage d'informations sémantiques serait lent et peu efficace, mais que l'apprentissage implicite serait conservé. Mais cette théorie suppose que les souvenirs de l'enfance ne sont tout simplement pas appris, alors que les observations mentionnées auparavant montrent qu'il y a une part d'oubli dans l'amnésie infantile. Certes, les enfants ont des capacités d'apprentissages assez pauvres, mais il y a aussi des souvenirs acquis lors de l'enfance qui sont oubliés plus tard.
 
Une autre explication, un peu différente de la précédente, serait liée à la formation de nouveaux neurones dans l'hippocampe. L'hippocampe a la particularité de former de nouveaux neurones tout au long de la vie, ce qui est appelé de la ''neurogenèse'' par les chercheurs. Et les nouveaux neurones s’intègrent dans l'hippocampe, mais d'une manière qui perturbent les réseaux neuronaux déjà présents dans l'hippocampe. Le résultat est que les souvenirs récents sont effacés de l'hippocampe et ce d'autant plus vite que la neurogenèse est importante et/ou rapide. Or, lors de l'enfance, la neurogenèse est bien plus importante que lors de l'âge adulte. L'hippocampe des enfants se développe rapidement et la neurogenèse est très importante. En conséquence, les enfants oublient rapidement ce qu'ils ont appris, avant que les souvenirs aient le temps d'être consolidés, transportés dans le néocortex. Par contre, a l'âge adulte, la neurogenèse ralentit, ce qui favorise le maintien des souvenirs récents et la formation de souvenirs.
 
Un point important est que ces hypothèses expliquent pourquoi des équivalents de l'amnésie infantile ont étésété observés chez les animaux. Certes, ceux-ci n'ont probablement pas de mémoire épisodique proprement dite, encore que les débats sur le sujet sont encore ouverts. Mais on a observé un phénomène d'oubli des apprentissages déclaratifs, perceptuels et même de certains conditionnements appris lors des premières années de la vie, chez certains organismes animaux.
 
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