« La politique monétaire/Les anticipations d'inflation » : différence entre les versions

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Mais en 1970, Lucas émis une critique quant à l'utilisation de telles relations statistiques : elles ne sont pas stables dans le temps et toute tentative des gouvernements d'utiliser ces relations pour relancer l’économie est vaine. Cette '''critique de Lucas''' part du principe que les agents anticipent la politique monétaire et réagissent en fonction. Ainsi, toute tentative de modéliser l'économie sans tenir compte des anticipations des agents et leur réaction donnera des modèles incomplets, dont les relations statistiques ne sont en réalité que des artefacts sans grande importance. Ce raisonnement, associé à des modèles théoriques, a eu son heure de gloire suite à la mort de la courbe de Phillips keynésienne, quand on montra que celle-ci dépendait fortement des anticipations des agents. Si on tient compte de ces anticipations, le fonctionnement de l'économie est plus compliqué à comprendre et à modéliser, mais le faire nous donne des résultats particulièrement intéressants. Le présent chapitre va donc détailler les modèles qui utilisent les anticipations des agents économiques et les modélisent. Du point de vue de la politique monétaire, ce sont essentiellement les anticipations d'inflation qui sont importantes.
 
==L'effet des anticipations d'inflation sur l'économie==
 
Les agents économiques essayent de prédire l'inflation future, consciemment ou non, et tiennent compte de ces anticipations lors de leurs décisions. Les décisions d'épargne, de consommation, les revendications salariales, et bien d'autres décisions demandent en effet de prédire l'inflation. Par exemple, une forte inflation anticipée peut pousser les agents à négocier leurs salaires à la hausse, ou à prendre plus de risques pour leurs investissements.
 
===L'effet sur l'inflation===
 
Toutes ces réactions font que l'inflation est performative, à savoir que le simple fait d'anticiper l'inflation suffit à la concrétiser. L'inflation totale est donc la somme d'une '''inflation anticipée''' <math>\pi^{e}</math>, à laquelle il faut ajouter une inflation non-anticipée <math>\pi^{r}</math> :
 
: <math>\pi = \pi^{e} + \pi^{r}</math>.
 
Les banques centrales ayant comme mandat un contrôle de l'inflation, elles suivent régulièrement l'évolution de ces anticipations, pour bien faire leur travail. Il est donc très important de voir dans le détail ce qui influence les anticipations d'inflation et quel est leur influence sur l'économie.
 
===L'effet sur les taux d'intérêts===
 
Dans le chapitre sur les taux d'intérêts, nous avons vu l'équation qui relie taux réel, inflation et taux nominal :
 
: <math>i \approx r + \pi</math>
 
Elle donne le taux réel d'un investissement/crédit une fois que le versement des intérêts s'est concrétisé. Il s'agit du taux réellement obtenu, aussi appelé le '''taux réel effectif'''. Cependant, les investisseurs/emprunteurs ne peuvent connaitre le taux réel à l'avance, quand bien même les taux nominaux sont connus à l'avance et fixés par un contrat. Même si le taux nominal est fixé à l'avance, ce qui n'est pas garantit, l'inflation ne l'est pas et peut varier durant la durée du crédit/placement. Cependant, un investisseur peut quand même faire une estimation du taux réel, en tentant de prédire l'inflation (au moins approximativement). Les investisseurs estiment l'inflation future et en déduisent non pas le taux réel effectif, mais un '''taux réel anticipé''' estimé sur la base des anticipations d'inflation. Sous ces conditions, l'équation de Fisher <math>i \approx r + \pi</math> se reformule comme suit :
 
: <math>i \approx r_e + \pi_e</math>, avec <math>r_e</math> le taux réel anticipé.
 
Cette équation nous dit que les anticipations d'inflation vont influencer le taux réel et le taux nominal. Deux cas sont possibles : soit le taux nominal est fixe (cas fréquent à court-terme), soit le taux réel est fixe (cas observé sur le long-terme). Si le taux réel est fixe, les anticipations d'inflation se répercutent sur les taux nominaux, sans grand effet sur l'économie. Mais si le taux nominal est fixe, alors les anticipations influencent le taux réel. Or, les taux réels sont extrêmement importants pour nombre de décisions économiques, l'investissement étant le cas le plus important. Le taux réel influence la volonté d’emprunter des ménages et entreprises et influence les décisions d'épargne. Autant dire que les anticipations d'inflation vont avoir un effet majeur sur l'économie, si les taux nominaux sont fixes.
 
==La modélisation des anticipations==
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: <math>\epsilon_t = x_t - E[ x_t | I_{t-1} ]</math>
 
==L'effet des anticipations d'inflation sur l'économie==
 
Les agents économiques essayent de prédire l'inflation future, consciemment ou non, et tiennent compte de ces anticipations lors de leurs décisions. Les décisions d'épargne, de consommation, les revendications salariales, et bien d'autres décisions demandent en effet de prédire l'inflation. Par exemple, une forte inflation anticipée peut pousser les agents à négocier leurs salaires à la hausse, ou à prendre plus de risques pour leurs investissements.
 
===L'effet sur l'inflation===
 
Toutes ces réactions font que l'inflation est performative, à savoir que le simple fait d'anticiper l'inflation suffit à la concrétiser. L'inflation totale est donc la somme d'une '''inflation anticipée''' <math>\pi^{e}</math>, à laquelle il faut ajouter une inflation non-anticipée <math>\pi^{r}</math> :
 
: <math>\pi = \pi^{e} + \pi^{r}</math>.
 
Les banques centrales ayant comme mandat un contrôle de l'inflation, elles suivent régulièrement l'évolution de ces anticipations, pour bien faire leur travail. Il est donc très important de voir dans le détail ce qui influence les anticipations d'inflation et quel est leur influence sur l'économie.
 
Avec des anticipations rationnelles, ''si les prix/salaires ne sont pas fixes'', l'inflation est prédite à la perfection et la politique monétaire a bien un effet sur les variables nominales, mais n'a aucun effet sur le PIB ou les autres variables réelles (les taux réels ou les salaires réels, par exemple). Celle-ci est parfaitement prédite par les agents économiques, qui s'adaptent et annule tout effet qu'elle aurait pu avoir. En théorie, seule l'inflation non-anticipée a un effet sur le PIB ou les taux réels. Certains auteurs ont réussi à rendre compte de l'existence d'un effet à court-terme de la politique monétaire tout en utilisant des anticipations rationnelles, mais cela demande d'ajouter des frictions dans les théories utilisées. Nous détaillerons ce genre de théories dans un chapitre à la fin du cours.
 
===L'effet sur les taux d'intérêts===
 
Dans le chapitre sur les taux d'intérêts, nous avons vu l'équation qui relie taux réel, inflation et taux nominal :
 
: <math>i \approx r + \pi</math>
 
Elle donne le taux réel d'un investissement/crédit une fois que le versement des intérêts s'est concrétisé. Il s'agit du taux réellement obtenu, aussi appelé le '''taux réel effectif'''. Cependant, les investisseurs/emprunteurs ne peuvent connaitre le taux réel à l'avance, quand bien même les taux nominaux sont connus à l'avance et fixés par un contrat. Même si le taux nominal est fixé à l'avance, ce qui n'est pas garantit, l'inflation ne l'est pas et peut varier durant la durée du crédit/placement. Cependant, un investisseur peut quand même faire une estimation du taux réel, en tentant de prédire l'inflation (au moins approximativement). Les investisseurs estiment l'inflation future et en déduisent non pas le taux réel effectif, mais un '''taux réel anticipé''' estimé sur la base des anticipations d'inflation. Sous ces conditions, l'équation de Fisher <math>i \approx r + \pi</math> se reformule comme suit :
 
: <math>i \approx r_e + \pi_e</math>, avec <math>r_e</math> le taux réel anticipé.
 
Cette équation nous dit que les anticipations d'inflation vont influencer le taux réel et le taux nominal. Deux cas sont possibles : soit le taux nominal est fixe (cas fréquent à court-terme), soit le taux réel est fixe (cas observé sur le long-terme). Si le taux réel est fixe, les anticipations d'inflation se répercutent sur les taux nominaux, sans grand effet sur l'économie. Mais si le taux nominal est fixe, alors les anticipations influencent le taux réel. Or, les taux réels sont extrêmement importants pour nombre de décisions économiques, l'investissement étant le cas le plus important. Le taux réel influence la volonté d’emprunter des ménages et entreprises et influence les décisions d'épargne. Autant dire que les anticipations d'inflation vont avoir un effet majeur sur l'économie, si les taux nominaux sont fixes.
 
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