« Psychologie cognitive pour l'enseignant/Aborder une notion : définitions et exemples » : différence entre les versions

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Il y a de bonnes chances qu'il vous réponde que oui. Alors que ce n'est pas la bonne réponse. Si vous réfléchissez bien vous vous souviendrez que dauphins et baleines sont des mammifères marins. Mais le second système, qui catégorise en fonction de la similarité, aura répondu Oui. Le second système, qui mémorise les définitions, est passé au second plan. Mais ce n'est pas une fatalité : dans cet exemple, la similarité l'a emportée sur la définition, mais les exemples où c'est l'inverse sont nombreux. Simplement, le fait que les dauphins et baleines sont des mammifères marins n'était pas très frais, ce qui a rendu la similarité plus forte. Mais pour beaucoup de concepts, la définition est plus forte, plus ancrée dans la mémoire, et passe en premier. En clair, la catégorisation par similarité et par définition entrent en compétition et c'est la plus forte qui l'emporte. D'où l'importance de bien travailler les deux types de représentations : exemples pour la similarité, définitions pour les règles verbales.
 
Tout concept peut s'expliquer de deux manières : soit en présentant la définition, soit en utilisant des exemples. L'usage d'exemples demande que l'élève extraie de lui-même les points communs entre les différents exemples. A l'inverse, la définition n'est autre que l'ensemble des points communs eux-mêmes, qui sont donnés par le professeur sans autre forme de procès. Par exemple, pour le concept de carré, on peut en fournir la définition, mais on peut aussi utiliser des exemples. On peut, par exemple, présenter des rectangles quelconques et des carrés et demander aux élèves de les classer en deux types distincts. Les élèves vont alors remarquer qu'il y a une différence entre les carrés et les rectangles quelconques, et pourront éventuellement formaliser la définition d'un carré.
 
==Du bon usage des exemples : les difficultés de l'abstraction==
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: ''Un concept peut souvent s'expliquer de plusieurs manières différentes compréhensibles par les élèves. Ces explications ne sont pas exclusives, mais complémentaires et il est préférable, si le temps et les conditions le permettent, d'aborder un concept de plusieurs manières au lieu d'en choisir une bien précise.''
 
===Les définitions et exemples n'ont pas la même charge cognitive===
 
Pour commencer, analysons l'usage des exemples et des définitions en termes de charge cognitive. Comparé aux définitions, l'induction à partir d'exemples est cognitivement couteuse. La raison principale à cela est qu'analyser des exemples demande de conserver beaucoup de choses en mémoire de travail. Les exemples sont en effet riches en propriétés, que le sujet doit filtrer au fur et à mesure pour ne conserver que les plus pertinentes. Et la mémoire de travail est impliquée dans ce processus. C'est elle qui conserve les propriétés extraites au fur et à mesure de la présentation des exemples. Le problème est que la mémoire de travail a une capacité suffisamment limitée pour que quelques exemples suffisent à la faire surcharger. Dans les faits, dès qu'un concept est un peu compliqué, l'usage des exemples va surcharger la mémoire de travail et l'apprentissage va mal se passer. Alors que fournir une définition et l'illustrer par des exemples n'a pas ce problème : les propriétés pertinentes sont fournies au début de l'explication et le sujet ne doit pas mémoriser temporairement quoique ce soit de plus.
 
Mais attention : si les définitions ont une charge cognitive moins que les exemples, cela ne signifie pas qu'il faille remplacer les exemples par des définitions. Au contraire, on a vu dans ce chapitre que les deux méthodes sont complémentaires l'une de l'autre. L'argument sert plus à dire qu'il vaut mieux commencer par une définition que d'aborder en premier des exemples. Un autre argument qui va dans ce sens est que donner une définition en premier permet de réduire la charge cognitive des exemples. La définition indique quelles sont les propriétés pertinentes et celles qui sont inutiles. Ainsi, lors de l'étude des exemples, l'élève aura une petite idée des propriétés à filtrer ou à conserver. Même s'il ne comprend pas totalement la définition, celle-ci donne des indices qui permettent de mieux analyser les exemples. Faire l'inverse, à savoir donner des exemples avant la définition, ne permet pas cela.
 
Fort de ces connaissances, revenons un instant sur la distinction entre catégories et les autres concepts et mettons l'emphase sur un point important : autant les catégories sont simples à aborder, autant les autres concepts sont plus difficiles. Pour les catégories, l’existence d'une définition rend leur enseignement plus simple. Présenter la définition et l'expliquer plus ou moins en profondeur suffit, même si il vaut mieux rajouter des exemples pour consolider le tout. Mais les autres concepts ne peuvent pas être abordés de cette manière. Pour ces derniers, on est obligé de présenter des exemples et contre-exemples aux élèves, afin qu'ils en extraient ce qui est commun. On le voit autant l'usage de définition, bien que très utile, ne marche pas toujours. A contrario, l'usage d'exemple est utile aussi bien pour les catégories que pour les autres concepts.
 
===Les définitions demandent des prérequis===
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==Deux approches pour aborder un concept : quels avantages et inconvénients==
 
Un point important est que définitions abstraites et exemples ont des avantages et des inconvénients distincts. La recherche a identifié de nombreux avantages et inconvénients théoriques pour chaque approche et en faire la synthèse est quelque peu complexe.
Tout concept peut s'expliquer de deux manières : soit en présentant la définition, soit en utilisant des exemples. L'usage d'exemples demande que l'élève extraie de lui-même les points communs entre les différents exemples. A l'inverse, la définition n'est autre que l'ensemble des points communs eux-mêmes, qui sont donnés par le professeur sans autre forme de procès. Par exemple, pour le concept de carré, on peut en fournir la définition, mais on peut aussi utiliser des exemples. On peut, par exemple, présenter des rectangles quelconques et des carrés et demander aux élèves de les classer en deux types distincts. Les élèves vont alors remarquer qu'il y a une différence entre les carrés et les rectangles quelconques, et pourront éventuellement formaliser la définition d'un carré.
 
===Les définitions et exemples n'ont pas la même charge cognitive===
 
Pour commencer, analysons l'usage des exemples et des définitions en termes de charge cognitive. Comparé aux définitions, l'induction à partir d'exemples est cognitivement couteuse. La raison principale à cela est qu'analyser des exemples demande de conserver beaucoup de choses en mémoire de travail. Les exemples sont en effet riches en propriétés, que le sujet doit filtrer au fur et à mesure pour ne conserver que les plus pertinentes. Et la mémoire de travail est impliquée dans ce processus. C'est elle qui conserve les propriétés extraites au fur et à mesure de la présentation des exemples. Le problème est que la mémoire de travail a une capacité suffisamment limitée pour que quelques exemples suffisent à la faire surcharger. Dans les faits, dès qu'un concept est un peu compliqué, l'usage des exemples va surcharger la mémoire de travail et l'apprentissage va mal se passer. Alors que fournir une définition et l'illustrer par des exemples n'a pas ce problème : les propriétés pertinentes sont fournies au début de l'explication et le sujet ne doit pas mémoriser temporairement quoique ce soit de plus.
 
Mais attention : si les définitions ont une charge cognitive moins que les exemples, cela ne signifie pas qu'il faille remplacer les exemples par des définitions. Au contraire, on a vu dans ce chapitre que les deux méthodes sont complémentaires l'une de l'autre. L'argument sert plus à dire qu'il vaut mieux commencer par une définition que d'aborder en premier des exemples. Un autre argument qui va dans ce sens est que donner une définition en premier permet de réduire la charge cognitive des exemples. La définition indique quelles sont les propriétés pertinentes et celles qui sont inutiles. Ainsi, lors de l'étude des exemples, l'élève aura une petite idée des propriétés à filtrer ou à conserver. Même s'il ne comprend pas totalement la définition, celle-ci donne des indices qui permettent de mieux analyser les exemples. Faire l'inverse, à savoir donner des exemples avant la définition, ne permet pas cela.
 
Fort de ces connaissances, revenons un instant sur la distinction entre catégories et les autres concepts et mettons l'emphase sur un point important : autant les catégories sont simples à aborder, autant les autres concepts sont plus difficiles. Pour les catégories, l’existence d'une définition rend leur enseignement plus simple. Présenter la définition et l'expliquer plus ou moins en profondeur suffit, même si il vaut mieux rajouter des exemples pour consolider le tout. Mais les autres concepts ne peuvent pas être abordés de cette manière. Pour ces derniers, on est obligé de présenter des exemples et contre-exemples aux élèves, afin qu'ils en extraient ce qui est commun. On le voit autant l'usage de définition, bien que très utile, ne marche pas toujours. A contrario, l'usage d'exemple est utile aussi bien pour les catégories que pour les autres concepts.
 
===Un compromis entre connectivité et distraction===
 
UnOutre pointla importantdifférence esten que définitions abstraites et exemples ont des avantages et des inconvénients distincts. La recherche a identifiétermes de nombreuxcharge avantages et inconvénients théoriques pour chaque approche et en fairecognitive, la synthèse est quelque peu complexe. La recherche a beaucoup étudié deux propriétés des exemples concrets, l'un étant un avantage et l'autre un inconvénient.
* Le premier point est que les exemples concrets sont l'idéal pour faire des connexions avec des connaissances antérieures. Les exemples concrets sont riches en détails et sont chacun faciles à connecter à des connaissances antérieures. À l'inverse, les concepts abstraits sont pauvres en informations et en détails, ce qui les rend difficiles à connecter aux connaissances antérieures. De plus, les concepts abstraits ne se visualisent pas ou alors seulement via des analogies et des métaphores, alors que les exemples concrets se visualisent bien.
* Le second point, qui est un inconvénient, est leur capacité à distraire l'attention des points essentiels. Le fait que les exemples aient beaucoup de détails rend difficile de déceler quels sont les détails pertinents et ceux qui sont des distractions à éliminer. Identifier les propriétés pertinentes des propriétés facultatives est compliqué pour l'élève, surtout si les exemples sont mal utilisés, peu variés, mal distribués. Mais nous avons abordé cela en profondeur auparavant.