« Psychologie cognitive pour l'enseignant/Aborder une notion : définitions et exemples » : différence entre les versions

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On a vu dans les chapitres précédents que la mémoire est organisée sous la forme d'un gigantesque réseau d'informations interconnectées. Les informations en question sont très variés et vont d'unités de connaissances très précise à des concepts plus généraux. Dans ce chapitre, nous allons voir comment aborder des concepts abstraits. Ceux-ci sont généralement un défi pour les professeurs, tant leur abord est souvent compliqué. C'est une constatation que beaucoup de professeurs ont certainement fait dans leur carrière : les connaissances concrètes semblent plus faciles à apprendre que les concepts abstraits. La recherche en sciences cognitives semble confirmer cette observation. Mais au-delà de cette confirmation, la recherche donne quelques clés pour faciliter l'acquisition des concepts abstraits. L'idée est d'aider à connecter les concepts abstraits à des connaissances plus concrètes, plus faciles à apprendre. Vous l'avez peut-être deviné, mais l'idée est de compléter les explications abstraites avec des exemples concrets. Ce chapitre va montrer en quoi l'usage d'exemples est utile et surtout : comment les utiliser efficacement.
 
==De la représentation mentale des concepts==
==Deux approches pour aborder un concept : les définitions et exemples==
 
Pour simplifier, lesLes concepts abstraits appris en milieu scolaire sont souvent ce qu'on appelle des '''catégories'''. Une catégorie regroupe ce qui est commun à un ensemble d'individus ou d'entités, appelés des ''exemples''. Avec cette terminologie, un concept est quelque chose qui regroupe ce qui est commun à un ensemble d'exemples, c'est un regroupement de points communs. Précisons qu'une bonne partie de ce qui est appris en classe n'est pas des catégories à proprement parler, même si ces dernières sont nombreuses.
 
Pour toute catégorie, on peut en donner une définition claire et non-ambiguë. Celle-ci prend la forme d'une liste de propriétés que tous les exemples possèdent (ou non, dans certains cas, l'absence d'une propriété quelconque est partagée par tous les exemples). Pour donner un exemple de catégorie, on peut prendre l'exemple du concept de carré. On peut en donner la définition suivante : "quadrilatère convexe dont les côtés ont la même longueur et à quatre angles droits". La définition se décompose en plusieurs propriétés :
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# dont les quatre angles sont des angles droits.
 
NousCependant, nous utilisons beaucoup de catégories dans la vie courante, sans pour autant en connaitre la définition exacte. Par exemple, essayez de me donner la définition du concept "Chat". Vous aurez certainement du mal : peut-être direz-vous que c'est un mammifère de l'ordre des félins, qu'il a des poils, une queue, une petite taille, etc. Mais vous ne fournirez pas une définition complète de ce qu'est un chat. À vrai dire, l'idée intuitive qu'on se fait d'un chat comprend les propriétés principales de la définition, mais certaines sont en trop (le fait d'avoir des poils : que penser des chats de la race sphynx ?), alors que d'autres pourraient manquer. Mais sans avoir une définition parfaite, vous remarquez quand même que tous les chats se ressemblent, qu'ils ont un air de famille, des points communs difficilement formalisables et tacites mais que vous comprenez malgré tout.
Tout concept peut s'expliquer de deux manières : soit en présentant la définition, soit en utilisant des exemples. L'usage d'exemples demande que l'élève extraie de lui-même les points communs entre les différents exemples. A l'inverse, la définition n'est autre que l'ensemble des points communs eux-mêmes, qui sont donnés par le professeur sans autre forme de procès. Par exemple, pour le concept de carré, on peut en fournir la définition, mais on peut aussi utiliser des exemples. On peut, par exemple, présenter des rectangles quelconques et des carrés et demander aux élèves de les classer en deux types distincts. Les élèves vont alors remarquer qu'il y a une différence entre les carrés et les rectangles quelconques, et pourront éventuellement formaliser la définition d'un carré.
 
===Un compromis entre connectivité et distraction===
 
Un point important est que définitions abstraites et exemples ont des avantages et des inconvénients distincts. La recherche a identifié de nombreux avantages et inconvénients théoriques pour chaque approche et en faire la synthèse est quelque peu complexe. La recherche a beaucoup étudié deux propriétés des exemples concrets, l'un étant un avantage et l'autre un inconvénient.
* Le premier point est que les exemples concrets sont l'idéal pour faire des connexions avec des connaissances antérieures. Les exemples concrets sont riches en détails et sont chacun faciles à connecter à des connaissances antérieures. À l'inverse, les concepts abstraits sont pauvres en informations et en détails, ce qui les rend difficiles à connecter aux connaissances antérieures. De plus, les concepts abstraits ne se visualisent pas ou alors seulement via des analogies et des métaphores, alors que les exemples concrets se visualisent bien.
* Le second point, qui est un inconvénient, est leur capacité à distraire l'attention des points essentiels. Le fait que les exemples aient beaucoup de détails rend difficile de déceler quels sont les détails pertinents et ceux qui sont des distractions à éliminer.
 
Il y a donc un compromis entre la connectivité et la distractivité des exemples. Tous les exemples ne sont pas égaux de ce point de vue et certains arrivent à réduire la distraction tout en augmentant la connectivité. Bien choisir les exemples est donc primordial. Mais surtout, les définitions et exemples semblent opposés de ce point de vue : peu de connexions et de distractions pour les définitions, l'inverse pour pour les exemples. Autant dire qu'il vaut mieux profiter des deux approches, qui ne sont pas incompatibles, mais complémentaires.
 
===De l'abstrait au concret, ou l'inverse : quel ordre est idéal ?===
 
Il est possible de fournir une définition et ensuite de présenter une suite d'exemples. Une telle technique permet de fournir une définition qui indique ce qui est pertinent dans les exemples qui vont suivre, et donc limite l'effet distractif des exemples. Ou on peut le faire dans le sens inverse : on peut présenter une suite d'exemples, suffisante pour que les élèves en abstraient les points communs, puis de la faire suivre par une définition formelle.
 
En soi, l'ordre de présentation (définition avant ou après exemples) dépend du concept en question. Beaucoup de concepts simples seront plus simples à expliquer en fournissant une définition complétée ensuite par des exemples. Mais pour des concepts moins intuitifs, plus compliqués, ou dont la définition n'est pas facile, l'usage d'exemples en premier lieu peut se révéler être intéressant. L'approche à utiliser dans de tels cas, appelée ''concreteness fading'', est de commencer par voir des exemples concrets avant de progressivement aborder des explications de plus en plus abstraites.
 
==De la représentation mentale des concepts==
 
Nous utilisons beaucoup de catégories dans la vie courante, sans pour autant en connaitre la définition exacte. Par exemple, essayez de me donner la définition du concept "Chat". Vous aurez certainement du mal : peut-être direz-vous que c'est un mammifère de l'ordre des félins, qu'il a des poils, une queue, une petite taille, etc. Mais vous ne fournirez pas une définition complète de ce qu'est un chat. À vrai dire, l'idée intuitive qu'on se fait d'un chat comprend les propriétés principales de la définition, mais certaines sont en trop (le fait d'avoir des poils : que penser des chats de la race sphynx ?), alors que d'autres pourraient manquer. Mais sans avoir une définition parfaite, vous remarquez quand même que tous les chats se ressemblent, qu'ils ont un air de famille, des points communs difficilement formalisables et tacites mais que vous comprenez malgré tout.
 
La définition que vous avez d'un chat est imparfaite et on peut en dire autant de beaucoup des concepts que vous avez appris durant votre vie. Par exemple, essayez de me définir ce qu'est un ordinateur, un pays, un continent, un médicament, etc. Pour résumer, nous avons appris des concepts qui, soit peuvent être définis mais pour lesquels nous ne connaissons pas la définition exacte, soit pour lesquels la définition est impossible. On a donc un mécanisme dans notre cerveau qui nous permet de former des concepts, sans pour autant passer par des définitions.
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Il y a de bonnes chances qu'il vous réponde que oui. Alors que ce n'est pas la bonne réponse. Si vous réfléchissez bien vous vous souviendrez que dauphins et baleines sont des mammifères marins. Mais le second système, qui catégorise en fonction de la similarité, aura répondu Oui. Le second système, qui mémorise les définitions, est passé au second plan. Mais ce n'est pas une fatalité : dans cet exemple, la similarité l'a emportée sur la définition, mais les exemples où c'est l'inverse sont nombreux. Simplement, le fait que les dauphins et baleines sont des mammifères marins n'était pas très frais, ce qui a rendu la similarité plus forte. Mais pour beaucoup de concepts, la définition est plus forte, plus ancrée dans la mémoire, et passe en premier. En clair, la catégorisation par similarité et par définition entrent en compétition et c'est la plus forte qui l'emporte. D'où l'importance de bien travailler les deux types de représentations : exemples pour la similarité, définitions pour les règles verbales.
 
==Deux approches pour aborder un concept : les définitions et exemples==
 
Tout concept peut s'expliquer de deux manières : soit en présentant la définition, soit en utilisant des exemples. L'usage d'exemples demande que l'élève extraie de lui-même les points communs entre les différents exemples. A l'inverse, la définition n'est autre que l'ensemble des points communs eux-mêmes, qui sont donnés par le professeur sans autre forme de procès. Par exemple, pour le concept de carré, on peut en fournir la définition, mais on peut aussi utiliser des exemples. On peut, par exemple, présenter des rectangles quelconques et des carrés et demander aux élèves de les classer en deux types distincts. Les élèves vont alors remarquer qu'il y a une différence entre les carrés et les rectangles quelconques, et pourront éventuellement formaliser la définition d'un carré.
 
===Un compromis entre connectivité et distraction===
 
Un point important est que définitions abstraites et exemples ont des avantages et des inconvénients distincts. La recherche a identifié de nombreux avantages et inconvénients théoriques pour chaque approche et en faire la synthèse est quelque peu complexe. La recherche a beaucoup étudié deux propriétés des exemples concrets, l'un étant un avantage et l'autre un inconvénient.
* Le premier point est que les exemples concrets sont l'idéal pour faire des connexions avec des connaissances antérieures. Les exemples concrets sont riches en détails et sont chacun faciles à connecter à des connaissances antérieures. À l'inverse, les concepts abstraits sont pauvres en informations et en détails, ce qui les rend difficiles à connecter aux connaissances antérieures. De plus, les concepts abstraits ne se visualisent pas ou alors seulement via des analogies et des métaphores, alors que les exemples concrets se visualisent bien.
* Le second point, qui est un inconvénient, est leur capacité à distraire l'attention des points essentiels. Le fait que les exemples aient beaucoup de détails rend difficile de déceler quels sont les détails pertinents et ceux qui sont des distractions à éliminer.
 
Il y a donc un compromis entre la connectivité et la distractivité des exemples. Tous les exemples ne sont pas égaux de ce point de vue et certains arrivent à réduire la distraction tout en augmentant la connectivité. Bien choisir les exemples est donc primordial. Mais surtout, les définitions et exemples semblent opposés de ce point de vue : peu de connexions et de distractions pour les définitions, l'inverse pour pour les exemples. Autant dire qu'il vaut mieux profiter des deux approches, qui ne sont pas incompatibles, mais complémentaires.
 
===De l'abstrait au concret, ou l'inverse : quel ordre est idéal ?===
 
Il est possible de fournir une définition et ensuite de présenter une suite d'exemples. Une telle technique permet de fournir une définition qui indique ce qui est pertinent dans les exemples qui vont suivre, et donc limite l'effet distractif des exemples. Ou on peut le faire dans le sens inverse : on peut présenter une suite d'exemples, suffisante pour que les élèves en abstraient les points communs, puis de la faire suivre par une définition formelle.
 
En soi, l'ordre de présentation (définition avant ou après exemples) dépend du concept en question. Beaucoup de concepts simples seront plus simples à expliquer en fournissant une définition complétée ensuite par des exemples. Mais pour des concepts moins intuitifs, plus compliqués, ou dont la définition n'est pas facile, l'usage d'exemples en premier lieu peut se révéler être intéressant. L'approche à utiliser dans de tels cas, appelée ''concreteness fading'', est de commencer par voir des exemples concrets avant de progressivement aborder des explications de plus en plus abstraites.
 
==Du bon usage des exemples : les difficultés de l'abstraction===