« Psychologie cognitive pour l'enseignant/Supports pédagogiques » : différence entre les versions

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En 2009, Mayer a créé une théorie généraliste concernant la création de documents pédagogiques. Les recommandations de cette théorie, basée sur la théorie de la charge cognitive, vont vous permettre de comprendre comment diminuer la charge cognitive des documents et autres supports pédagogiques (notamment les supports numériques). Dans ce qui va suivre, nous allons voir comment utiliser au mieux le support visuel, le support texte, l'oral et les animations. Nous verrons comment les mélanger de manière optimale, d'une manière qui n'entraine pas une charge cognitive trop élevée. Cet apprentissage, qui utilise plusieurs sources, plusieurs types de supports, s'appelle l''''apprentissage multimédia'''. Mais pour le faire intelligemment, il faut gérer la charge de la mémoire de travail, qui peut être diminuée en suivant quelques règles de design simples.
 
==L'effet de modalité : quels supports utiliser en même temps ?==
 
Précisons une chose importante. La théorie de Mayer se base sur la théorie de la charge cognitive, mais aussi sur une théorie de la mémoire de travail particulièrement robuste et bien étayée. Cette dernière est la théorie de Baddeley, la théorie de référence sur la mémoire de travail, qui explique un très grand nombre d'observations. Elle n'est pas très complexe, mais elle est un petit peu plus détaillée que la vision naïve de la mémoire de travail que nous avons utilisé jusqu’à présent. D'après cette théorie, la mémoire de travail est composée de plusieurs sous-mémoires indépendantes :
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Pour résumer rapidement, un humain dispose de deux canaux d'entrée : un canal visuel et un canal auditif. Les images ne peuvent passer que par le canal visuel. Ce qui n'est pas le cas des mots, qui peuvent être entendus par le canal auditif (écoute) ou lu par le canal visuel (lecture). Lors de l'apprentissage multimédia, le choix des supports permet ou non d'utiliser deux canaux simultanément, ce qui permet de profiter de la somme de leurs capacités. Mais pour cela, il faut bien choisir entre utiliser du texte, une présentation orale, des images, des animations et autres. Suivant le choix réalisé, on observe ou non une amélioration de l'apprentissage. Voyons ce qu'il en est.
 
==Choisir le bon support==
===La co-présentation de texte et d'explications orales===
 
Il arrive que l'on ait le choix entre plusieurs supports pour présenter une information quelconque. Par exemple, on peut se demander s'il vaut mieux lire un texte à l'oral ou le faire lire par les élèves. Ou encor,e pour expliquer un phénomène dynamique, on peut hésiter entre présenter une animation ou une suite d'images. De même, on peut se demander s'il vaut utiliser un bon schéma plutôt qu'un bon discours. Voyons ce qu'il en est.
 
===Lecture versus présentation orale===
 
Lors de la lecture, les mots sont d'abord placés dans la mémoire de travail visuelle, avant d'être traduits et transférés dans la mémoire de travail verbale. Tout cela pour dire que l'oral et le texte ne sont pas équivalents. En théorie, la traduction d'un texte en représentations verbales demande un effort cognitif certain. On devrait donc en déduire que lire du texte est plus compliqué qu’écouter une explication orale. Après, cette traduction est assez facile une fois qu'on a appris à lire et va demander un effort certain seulement pour les enfants qui apprennent à lire. Néanmoins, ce désavantage a beau être faible chez l'adolescent/adulte, il existe.
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De nombreuses expériences ont cherché à savoir si le texte était plus facile à comprendre et à mémoriser que l'oral. Ces expériences ont été faites sur des collégiens (Lieury, Badoul, Belzic, 1996), des adolescents (Gunter, Furhnam, Gietson, 1984) et des adultes (Furhnam, Gunter, 1987; et aussi Bells Perfetti, 1994). Dans une petite minorité de cas, l'oral passe mieux que le texte. Mais cela n'arrive que pour des textes courts. Dès que le texte à lire est un peu long, le texte écrit est nettement mieux mémorisé que l'oral. C'est ce que l'on appelle l''''effet de supériorité de l'écrit'''. La raison est que la mémoire de travail orale est de faible capacité et ne donne un avantage que pour des courts textes. Les textes longs ont cependant des avantages. Par exemple, le texte permet de relire les portions de texte mal comprises. Et ces avantages l'emportent sur le fait que le cerveau doit traduire du texte écrit en représentations orales. Surtout que chez les sujets qui ont appris à lire, cette traduction est très rapide, quasiment automatique.
 
===Schémas/images versus animations : avantage pour une suite d'images===
On peut alors se demander ce qu'il se passe quand on présente du texte écrit avec une présentation orale. Par exemple, présenter un texte à la fois sous forme écrite et orale sur un écran d'ordinateur a un effet sur les performances d'apprentissage. Dans ce cas, les deux canaux verbal et visuel sont utilisés. Mais ils sont utilisés pour présenter deux fois la même information, ce qui fait qu'on ne double pas les performances. Dans les faits, les études ont montré que les résultats sont plus faibles avec une double présentation oral+écrit qu'avec une présentation orale seule ou une présentation écrite seule. Et des situations dans le genre où la redondance est délétère sont légion. C'est ce qui est nommé l''''effet de redondance''', dans la théorie de la charge cognitive. Son explication tient dans le fait que le texte est traduit en représentation verbales, qui occupent la mémoire de travail verbale. Cette dernière est alors remplie avec à la fois l'oral et le texte traduit. Mine de rien, beaucoup de présentations Powerpoint contenant du texte tombent dans ce piège, le texte des documents étant redondant avec ce que raconte le présentateur.
 
La théorie de la charge cognitive donne des recommandations spécifiques pour l'utilisation d'animations : il est préférable de les éviter et de les remplacer par des suites de dessins statiques. Le '''Transient information effect''' stipule que si on va plus vite que la mémoire de travail, de nouvelles informations vont venir remplacer les anciennes alors que celles-ci n'ont pas pu être traitées convenablement. En conséquence, seule une partie des informations est mémorisée et l'apprentissage se passe mal. Or une animation est un document dans lequel les informations sont fournies à un rythme relativement rapide : le ''transient information effect'' fonctionne à plein. Pour éviter cela, il vaut mieux recourir à des suites de dessins statiques. De plus, il vaut mieux faire en sorte que l'élève puisse choisir de passer d'un dessin à un autre de son propre chef, de façon qu'il puisse aller à son rythme et bien prendre son temps pour mémoriser et analyser les images qui lui sont présentées. Mais cette dernière recommandation n'est possible qu'avec des outils numériques avancés (sites web, ou autres).
===La co-présentation de schémas avec des explications orales===
 
===LaL'effet de modalité : la co-présentation de schémas avec des explications orales===
 
Dans les chapitres précédents, nous avons dit que l'usage de dessins, schémas et autres informations visuelles renforce la mémorisation. La raison à cela serait une sorte de redondance : les informations seraient mémorisées à la fois sous forme visuelle et sous forme verbale. La théorie du double codage, vu dans le tout premier chapitre de ce cours, formalise cet argument. Cependant, on peut se poser la question de l'interaction entre ce double codage et la charge cognitive. La théorie de la charge cognitive nous dit que la redondance est une mauvaise chose et la redondance visuelle-verbale ne devrait pas faire exception. Un moyen d'éviter cela serait de se passer de support visuel, ou encore de séparer la présentation verbale et la présentation visuelle, les faire l'une après l'autre. La charge cognitive est alors censée être réduite comparé à une présentation conjointe, simultanée, des supports verbal et visuel.
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==L'effet de redondance==
 
Dans la section précédente, on a étudié ce qui se passe quand plusieurs informations doivent être combinées dans la mémoire de travail. On observe alors un effet d'attention divisée si les informations sont éloignées, effet qui disparait si ces informations sont regroupées. Il s'agit là d'un cas assez particulier où les informations sont complémentaires. Mais ce n'est pas la seule situation possible. Dans certains documents ou certaines présentations, il se peut que les informations données ne soient pas complémentaires mais redondantes. Par exemple, un texte peut décrire le contenu d'un schéma, ce qui répète les informations du schéma sous forme textuelle. Lorsque des informations redondantes sont présentées, les performances sont réduites comparé à une situation sans informations redondantes. C'est ce qui s'appelle l''''effet de redondance'''.
 
===La co-présentation de texte redondant avec une image===
Lorsque des informations redondantes sont présentées, les performances sont réduites comparé à une situation sans informations redondantes. C'est ce qui s'appelle l''''effet de redondance'''. Pour reprendre l'exemple du texte qui décrit un schéma, il vaut mieux utiliser un schéma compréhensible seul, sans texte redondant. Cela a été montré dans une expérience de Chandler et Sweller, datée de 1991, qui portaient sur l'explication de la circulation sanguine. Elles comparaient un schéma auto-suffisant seul ou combiné avec un texte explicatif. Le schéma décrivait le mouvement du sang dans la petite et la grande circulation, à savoir entre le cœur, les poumons et le reste du corps. Le schéma était auto-suffisant et permettait à lui seul de comprendre comment le sang circule dans le corps. La présentation du schéma seule était supérieure à la présentation schéma + texte redondant. De même, un schéma avec des phrases intégrées dans le texte, pour éviter l'effet d'attention divisée, fonctionnait moins bien que le schéma sans les phrases intégrées. Une autre expérience a répliqué l'effet, mais cette fois-ci sur un exercice de pliage de papier sur des élèves de primaire. Là encore, l'explication était présentée à la fois sous forme de diagramme et de texte, les deux étant redondants. La présentation du texte seul donnait de meilleurs résultats.
 
Lorsque des informations redondantes sont présentées, les performances sont réduites comparé à une situation sans informations redondantes. C'est ce qui s'appelle l''''effet de redondance'''. Pour reprendre l'exemple du texte qui décrit un schéma, il vaut mieux utiliser un schéma compréhensible seul, sans texte redondant. Cela a été montré dans une expérience de Chandler et Sweller, datée de 1991, qui portaient sur l'explication de la circulation sanguine. Elles comparaient un schéma auto-suffisant seul ou combiné avec un texte explicatif. Le schéma décrivait le mouvement du sang dans la petite et la grande circulation, à savoir entre le cœur, les poumons et le reste du corps. Le schéma était auto-suffisant et permettait à lui seul de comprendre comment le sang circule dans le corps. La présentation du schéma seule était supérieure à la présentation schéma + texte redondant. De même, un schéma avec des phrases intégrées dans le texte, pour éviter l'effet d'attention divisée, fonctionnait moins bien que le schéma sans les phrases intégrées. Une autre expérience a répliqué l'effet, mais cette fois-ci sur un exercice de pliage de papier sur des élèves de primaire. Là encore, l'explication était présentée à la fois sous forme de diagramme et de texte, les deux étant redondants. La présentation du texte seul donnait de meilleurs résultats.
L'effet de redondance s'observe à l'intérieur d'un canal, ici le canal visuel. Mais on observe aussi la même chose si les informations redondantes sont présentées dans des modalités sensorielles différentes. Si une présentation orale est redondante avec un schéma auto-suffisant, l'effet de redondance se manifeste aussi. Comme autre exemple, nous avons vu plus haut l'exemple d'un texte présenté en même temps sous forme orale et écrite. Les performances chutent lors de la co-présentation orale et écrit, par rapport à une présentation séparée ou une présentation uniquement orale ou uniquement écrite.
 
Une autre expérience a répliqué l'effet, mais cette fois-ci sur un exercice de pliage de papier sur des élèves de primaire. Là encore, l'explication était présentée à la fois sous forme de diagramme et de texte, les deux étant redondants. La présentation du texte seul donnait de meilleurs résultats.
==L'usage d'animations : souvent une mauvaise idée==
 
===La co-présentation de texte et d'explications orales===
La théorie de la charge cognitive donne des recommandations spécifiques pour l'utilisation d'animations : il est préférable de les éviter et de les remplacer par des suites de dessins statiques. Le '''Transient information effect''' stipule que si on va plus vite que la mémoire de travail, de nouvelles informations vont venir remplacer les anciennes alors que celles-ci n'ont pas pu être traitées convenablement. En conséquence, seule une partie des informations est mémorisée et l'apprentissage se passe mal. Or une animation est un document dans lequel les informations sont fournies à un rythme relativement rapide : le ''transient information effect'' fonctionne à plein. Pour éviter cela, il vaut mieux recourir à des suites de dessins statiques. De plus, il vaut mieux faire en sorte que l'élève puisse choisir de passer d'un dessin à un autre de son propre chef, de façon qu'il puisse aller à son rythme et bien prendre son temps pour mémoriser et analyser les images qui lui sont présentées. Mais cette dernière recommandation n'est possible qu'avec des outils numériques avancés (sites web, ou autres).
 
L'effet de redondance s'observe à l'intérieur d'un canal, ici le canal visuel. Mais on observe aussi la même chose si les informations redondantes sont présentées dans des modalités sensorielles différentes. Si une présentation orale est redondante avec un schéma auto-suffisant, l'effet de redondance se manifeste aussi. Comme autre exemple, nous avons vu plus haut l'exemple d'un texte présenté en même temps sous forme orale et écrite. Les performances chutent lors de la co-présentation orale et écrit, par rapport à une présentation séparée ou une présentation uniquement orale ou uniquement écrite.
 
OnLe peutcas alorsle seplus demanderparlant ceest qu'illa seco-présentation passe quand on présente dud'un texte écrit avec une présentationl'oral oraleassocié. Par exemple, présenter un texte à la fois sous forme écrite et orale sur un écran d'ordinateur a un effet sur les performances d'apprentissage. Dans ce cas, les deux canaux verbal et visuel sont utilisés. Mais ils sont utilisés pour présenter deux fois la même information, ce qui fait qu'on ne double pas les performances. Dans les faits, les études ont montré que les résultats sont plus faibles avec une double présentation oral+écrit qu'avec une présentation orale seule ou une présentation écrite seule. Et des situations dans le genre où la redondance est délétère sont légion. C'est ce qui est nommé l''''effet de redondance''', dans la théorie de la charge cognitive. Son explication tient dans le fait que le texte est traduit en représentation verbales, qui occupent la mémoire de travail verbale. Cette dernière est alors remplie avec à la fois l'oral et le texte traduit. Mine de rien, beaucoup de présentations Powerpoint contenant du texte tombent dans ce piège, le texte des documents étant redondant avec ce que raconte le présentateur.
 
==Références==