« Mémoire/L'apprentissage » : différence entre les versions

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==L'effet de la répétition==
 
Il semble évident que la répétition, l'apprentissage par cœur, est importante pour la mémorisation. On se souvient tous de notre scolarité, des heures passées à réviser nos cours, à revoir sans cesse les notions et exercices déjà vus ou faits. Beaucoup d'élèves ont souvent pesté sur la difficulté qu'il y a à apprendre un cours parfaitement. Il faut dire qu'apprendre par cœur un grand nombre d'informations prend du temps, demande beaucoup de répétitions et d'efforts. Beaucoup aimeraient que ce ne soit pas le cas et il n'est pas rare que les élèves recherchent des méthodes plus efficaces pour mémoriser, afin d'y passer moins de temps. Mais force est de constater que la répétition est malgré tout un bon moyen pour mémoriser des informations, surtout si celles-ci n'ont pas vraiment de sens. Il va de soitsoi que plus de temps passé à réviser quelque chose a un effet positif : mieux vaut passer quatre heures à revoir quelque chose que d'y passer seulement une heure. Et si les intuitions sont souvent trompeuses, ce n'est pas le cas ici. Plus on répète quelque chose, plus on s'en souvient : la répétition consolide les connaissances et souvenirs acquis.
 
Cela n'étonnera sans doute pas grand monde, mais les sciences demandent que toute hypothèse soit vérifiée, confirmée. Ebbinghaus a été le premier aà confirmer l'effet de la répétition sur l'apprentissage, avec ses expériences. D'autres vérifications sont venues d'expériences plus récentes, et notamment par l'étude de Bahrick et al. Pour cette étude, les chercheurs ont regroupé plusieurs élèves de leur ancienne université et leur ont fait passer des tests pour vérifier ce qu'ils avaient retenusretenu de leurs anciens cours d'espagnol. Certains élèves avaient eu peu de cours d'espagnol, alors que d'autres en avaient eu beaucoup plus (une histoire d'années d'études et d'options, assez spécifique aux universités américaines). Les tests étaient assez simples et se limitaient à des questions de vocabulaire du style : "Comment dit-on le mot chien en espagnol ?" ou inversement. En plus des résultats aux tests, les chercheurs ont amassésamassé des données sur le nombre d'heures de cours suivis par les sujets, ainsi que d'autres variables. Les chercheurs ont alors analysésanalysé les résultats et ont remarqué une bonne corrélation entre les résultats des tests et le nombre de cours passés par les participants. Ceux qui avaient vu une seule fois les mots dans leur scolarité avait un taux de rappel de presque zéro, ceux qui les avaient vu trois fois atteignaient 30 %, et deux qui avaient vu cinq fois ces mots durant leur scolarité atteignaient 60 % de réussite.
 
===Nombre de répétitions===
 
Cependant, on peut se demander si la répétition a un rendement stable, croissant ou décroissant. Prenons l'exemple d'un élève qui étudie une langue étrangère et doit mémoriser une liste de 500 mots étrangers (cela doit vous rappeler des souvenirs des cours d'anglais/allemand/espagnol au collège). Mettons qu'il ait réussi à mémoriser 50 mots suite à une heure d'apprentissage. A votre avis, quel est l'effet d'une heure de révision supplémentaire sur la mémorisation ? Il y a alors trois possibilités, selon qu'on envisage un rendement stable, croissant ou décroissant. Avec un rendement stable, chaque heure supplémentaire permettra de mémoriser 50 mots. L'élève aura donc mémorisermémorisé 50 mots à l'issue de la première heure d'apprentissage, 100 après la seconde, 150 après la troisième, etc. Dit autrement, l'effet du temps d'apprentissage est linéaire, chaque répétition ayant le même effet que les précédentes. Si on double le temps d'apprentissage, on peut alors apprendre deux fois plus de choses. La qualité de mémorisation dépend alors du temps passé à revoir, à répéter le matériel à apprendre. Derrière cette constatation, se cache une hypothèse assez intéressante : la mémorisation dépend essentiellement du '''nombre de répétitions''', du temps passé à revoir ce qu'on a appris.
 
Une telle hypothèse est appelée l''''hypothèse du temps total'''. Une autre possibilité est que le rendement est décroissant. Pour reprendre l'exemple précédent, l'élève aura appris 50 mots après la première heure, mais moins de 100 mots après la seconde heure, bien moins de 150 mots après la troisième heure, etc. Chaque heure d'apprentissage a alors moins d'effet que les précédentes. Au bout d'un certain temps, il ne sert plus à grand -chose de continuer à revoir ce qu'on a appris. A l'inverse, on peut supposer un effet croissant avec le temps : l'élève aura appris 50 mots après une heure, 110 après 2 heures, 190 après trois heures, etc. Dans ce cas, plus on sait de choses, plus on peut en apprendre de nouvelles facilement. L'apprentissage a alors un effet cumulatif et chaque heure d'apprentissage supplémentaire a un rendement supérieur aux précédentes.
 
Départager ces possibilités demande naturellement des expériences scientifiques contrôlées comme il se doit. Ebbinghaus chercha à savoir quel était l'influence du nombre de répétitions. Pour le savoir, il compara le taux de rappel obtenu un jour après l'apprentissage de plusieurs listes de 16 syllabes. Ces listes étaient revues respectivement 8, 16, 24, 32, 42, 53, et 64 fois. Le bilan était clair : le taux de rappel d'une liste était directement proportionnel au nombre de répétitions de celle-ci. Cela semble donc confirmer l'hypothèse du temps total. Mais on pourrait rétorquer que les items à apprendre pourraient biaiser quelque peu les résultats. Peut-être que l'hypothèse du temps total marche bien pour l'apprentissage de listes de syllabes sans aucun sens, mais échouerait pour d'autres formes d'apprentissage. Aussi, d'autres formes d'expériences sont nécessaires pour conclure. Et force est de constater que l'hypothèse du temps total, bien qu'assez réaliste, ne fonctionne pas dans de nombreux cas. Le reste du chapitre sera d'ailleurs consacré à mettre en défaut cette hypothèse.
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====Ré-apprentissage====
 
Dans ses expériences, Ebbinghaus remarqua aussi que le '''ré-apprentissage''' était plus facile suivant le nombre de répétitions. Dans ses expériences, il apprenait des listes de syllabes, en contrôlant le nombre de répétitions, et regardait combien de temps il lui fallait pour réapprendre l'intégralité de la liste, une fois celle-ci totalement oubliée. Les résultats montremontrent le réapprentissage est plus rapide que le premier apprentissage. Tout que tout se passe comme si les informations oubliées n'étaient pas totalement perdues et effacées de la mémoire : il en subsisterait une trace dans le cerveau qui peut faciliter les ré-apprentissages ultérieurs. On verra que cette interprétation a un sens particulièrement profond dans les théories récentes de la mémoire.
 
[[Fichier:Expériences d'ebbinghaus - Nombre de répétitions et temps de réapprentissage.PNG|centre|vignette|Expériences d'ebbinghaus : Nombre de répétitions et temps de réapprentissage]]
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===Distribution de l'apprentissage===
 
Ebbinghaus a aussi regardé s'il y avait une différence entre l'apprentissage massé, et l'apprentissage distribué. L'apprentissage massé consiste à apprendre le matériel sur une durée continue, tandis que l'apprentissage distribué consiste à faire de nombreuses pauses et à voir le matériel morceauxmorceau par morceauxmorceau. Expérimentalement, il a constaté que l'apprentissage distribué devançait de loin l'apprentissage massé : le seul fait de distribuer l'apprentissage peut permettre d'améliorer la mémorisation de plusieurs ordres de grandeurs. Cette supériorité de la distribution sur l'apprentissage massé s'appelle l'effet de '''distribution de l'apprentissage'''. Les origines de cet effet ne sont pas claires : il semblerait que cet effet aurait plusieurs explications. Ceci dit, ce phénomène est particulièrement robuste, et apparait dans de nombreuses formes d'apprentissage.
 
[[Fichier : KrugDavisGlover1990.png|centre|vignette|Effet de la distribution de l'apprentissage.]]
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===Effet de génération===
 
Les recherches sur la mémoire ont aussi mis en évidence un effet appelé '''effet de génération''' : on retient mieux quelque chose que l'on a créé soit soi-même que du matériel simplement lu ou écouté. Cet effet fût découvert par Slamecka & Graf, dans une étude de cinq expériences, en 1978. Celle-ci était basée sur un protocole simple : quatre groupes de cobayes devaient étudier une liste de mots, chacun d'une manière différente. Les premiers groupes devaient simplement lire une liste de paires de mots donnée par l'expérimentateur. Les autres groupes recevaient la même liste de mots, mais qui était partiellement remplie : ils devaient générer le second mot de chaque paire en suivant certaines règles (trouver un mot qui rime, qui est de la même catégorie, ou qui était opposé, etc). Quelques lettres étant donnéedonnées en indice : unhappy - s _ _, not slow - f _ _ t, etc. Si l'on compare les groupes "lecture" et "génération", on s’aperçoit que le groupe qui a créé les seconds mots d'une paire a un taux de rappel supérieur aux autres groupes. Dans une seconde expérience, les chercheurs ont montré que cet effet demeurait quand les sujets n'étaient pas prévenus qu'ils seraient interrogés sur leur mémorisation du matériel (dans une tâche de rappel incident). Une troisième expérience fondée sur un protocole similaire a permis de réfuter le fait que l'effet de génération pourrait avoir des causes attentionnelles.
 
D'autres expériences ont cherché à évaluer cet effet de génération sur d'autres formes de matériel : images, résolution de problèmes arithmétiques, génération des mots-clés d'un paragraphe, etc. Le bilan est clair : quel que soit le type de matériel utilisé, on trouve un effet de génération dans certaines circonstances. Rien d'étonnant pour certains professeurs : les professeurs de langues étrangères savent que faire parler les élèves fonctionne nettement mieux que leur faire apprendre du vocabulaire et des règles grammaticales par cœur. En somme, générer soi-même le matériel à apprendre permettrait de mieux retenir et mémoriser.
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Première critique : dans toutes les expériences mentionnées plus haut, des indices étaient fournis pour permettre de générer le matériel adéquat. Le processus de génération se fonde donc sur un traitement fait sur ces indices, capable de générer un mot complet. En clair : l'indice est associé avec des connaissances antérieures, ce qui permet de générer le matériel voulu. L'effet de génération provient donc du fait que l'on crée des liens, des associations avec des choses déjà connues : il vient du fait qu’implicitement, le matériel généré l'est par un processus de recherche de sens. Si l'on fait en sorte que le traitement effectué sur le matériel à apprendre soit aussi élaboré lors de la génération que lors de la lecture, l'effet de génération disparait. Ainsi, si on compare un groupe qui mémorise une liste de mots avec des moyens mnémotechniques, et un groupe qui généré lui-même les mots, on ne trouve pas de différences. Les expériences d'imagerie cérébrales ont d'ailleurs montré que l'activité du cortex pré-frontal, impliqué dans la création d'associations avec les connaissances antérieures, était un peu plus intense dans les tâches de génération que dans les tâches de réception passive. En clair : plus d'attention est portée sur le matériel à apprendre, et le cerveau a tendance à traiter mentalement le matériel de manière active, favorisant une mémorisation élaborée.
 
Seconde critique : le matériel généré était du matériel qui était déjà relativement bien connu du cobaye. Or, si jamais le matériel à générégénérer était peu familier, on ne trouve pas d'effet de génération. Par exemple, les mots peuvent donner lieu à un effet de génération, mais pas les suites de syllabes sans signification, comme les pseudo-mots (bragab, chmorglub, etc). Générer soitsoi-même du matériel peu familier, qui comporte donc peu de signification ne permet pas de mieux mémoriser. En clair : générer soitsoi-même le matériel à apprendre n'est utile que pour du matériel familier, dans des situations où le cobaye dispose de suffisamment de connaissances antérieures. Sweller et ses collègues ont aussi découvert ce que l'on appelle l''''imagination effect''' : des élèves qui ont beaucoup de connaissances antérieures gagnent à résoudre des problèmes par eux-mêmemêmes et à réfléchir de manière autonome, tandis que cet effet ne se manifeste pas pour des élèves qui en ont peu.
 
==Les effets de position sérielle==
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===Effet de primauté===
 
Le fait que les mots au début de la liste soient mieux mémorisés s'appelle le '''l'effet de primauté'''. Il apparait aussi bien dans les tâches de rappel immédiat que différé. Il provient du fait que les éléments du début de la liste ont pu être répétés mentalement par le cobaye plus souvent que les autres, durant toute la durée de l'expérience, facilitant leur mémorisation. Pour obtenir une véritable preuve expérimentale, les psychologues ont demandésdemandé à des groupes de cobayes de prononcer à haute voix les mots qu'ils répétaient lors de la présentation de la liste. Le bilan est clair : les premiers éléments de la liste sont répétés plus souvent que les autres. Qui plus est la corrélation entre nombre de répétition et taux de rappel est presque parfaite.
 
===Effet de récence===
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===Effet de contiguité===
 
Enfin, un troisième effet apparait souvent dans les tâches de rappel libre. On rappelle que dans ces tâches, le sujet n'est pas censé rappeler les items dans l'ordre de la liste. On pourrait croire que celui-ci les rappellera dans le désordre total, ou tout du moins sans les rappeler dans l'ordre. Ce n'est pas vraiment le cas, dans une certaine mesure : le sujet a tendance à rappeler des items consécutifs les uns après les autres, que ce soit par paires ou par blocs d'items consécutifs dans la liste apprisesapprise. Rien d'étonnant, mais cela reste une régularité à expliquer. Les scientifiques ont donné un nom à cette régularité : l''''effet de contiguïté'''.
 
{{NavChapitre | book=Mémoire