« Précis d'épistémologie/L'esprit, comment ça marche ? » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Aucun résumé des modifications
Ligne 213 :
On contrôle volontairement la perception en orientant l'attention et en adoptant des croyances.
 
Tant qu'elles ne sont pas réfutées par la perception, on peut choisir librement ses croyances. Elles sont des préjugés, des présupposés, des hypothèses ou des convictions. Même quand elles sont réfutées, on peut parfois les conserver, en doutant de la réfutation, surtout si les conditions d'observation ne sont pas très bonnes.
 
L'interprétation de la réalité perçue fait partie de la perception. En choisissant nos présupposés, nos schémas d'interprétation, nous contrôlons volontairement nos façons de percevoir, nous pouvons découvrir ou inventer de nouvelles façons de percevoir.
 
Ligne 227 :
 
 
Nos capacités de perception dépendent de nos anticipations, et donc des schémas, des systèmes de présupposés, que nous nous avons adoptés. En modifiant nos schémas nous pouvons modifier nos façons de percevoir et d'interpréter la réalité. En nous rendant libres d'adopter des croyances et des schémas ou des les rejeter, la volonté nous rend libres de découvrir ou d'inventer de nouvelles façons de percevoir.
 
La détection d'un concept peut être un processus presque instantané, si le signal de détection est produit aussitôt que les informations sur l'être détecté sont fournies, ou progressif, si le système de détection prend le temps d'accumuler des informations avant de se prononcer. Le processus d'évaluation qui précède une décision est en général progressif. On a le temps de prendre en compte de nombreuses informations avant de se décider.
 
Comme nous sommes libres de décider de nos façons d'évaluer nos décisions, nous sommes libres d'inventer des façons de percevoir. Nous pouvons inventer tous les concepts que nous voulons en nous donnant les moyens de les détecter.
 
(...)
 
On contrôle volontairement l'imagination de la même façon qu'on contrôle la perception, parce que l'imagination est une simulation de la perception, ou fait partie de la perception. On est beaucoup plus libres dans le contrôle de l'imagination que dans celui de la perception sensorielle, parce qu'on n'a pas à tenir compte des données des sens.
 
On contrôle volontairement l'imagination avec des buts, des règles et des croyances. On programme l'imagination par l'imagination. Un esprit se sert de son magination pour programmer son imagination.
 
== Comprendre des paroles, c'est savoir s'en servir ==
Ligne 239 ⟶ 245 :
On communique des croyances, des règles et des buts pour influencer la volonté de ceux à qui on parle. La parole est l'émission volontaire de signaux pour influencer la volonté de ceux qui les reçoivent.
 
Signification et usage sont étroitement reliés. On comprend des paroles quand on sait s'en servir.
(...)
 
''« Se représenter un langage veut dire se représenter une forme de vie. »'' (§19) ''« L'expression "jeu de langage" doit ici faire ressortir que parler d'un langage fait partie d'une activité, ou d'une forme de vie. »'' (§23) ''« Pour une large classe des cas où il est utilisé - mais non pour tous -, le mot "signification" peut être expliqué de la façon suivante : la signification d'un mot est son emploi dans le langage. »'' (§43, Recherches philosophiques, 1953, traduit par Françoise Dastur, Maurice Elie, Jean-Luc Gautero, Dominique Janicaud, Elisabeth Rigal)
Wittgenstein nous a invité à ne pas séparer l'étude de la signification du langage de celle de son usage :
 
''« Ce langage doit servir à un constructeur A pour se faire comprendre de son aide B. A réalise une construction avec des pierres à bâtir. Il y a des blocs, des colonnes, des dalles, des poutres, que B doit faire passer à A dans l'ordre où celui-ci les utilise. A cet effet ils se servent d'un langage constitué des mots "bloc", "colonne", "dalle", "poutre". A crie leur nom. B apporte la pierre qu'il a appris à rapporter en réponse à ce cri. »'' (§2)
''« Se représenter un langage veut dire se représenter une forme de vie. »'' (§19) ''« L'expression "jeu de langage" doit ici faire ressortir que parler d'un langage fait partie d'une activité, ou d'une forme de vie. »'' (§23) ''« Pour une large classe des cas où il est utilisé - mais non pour tous -, le mot "signification" peut être expliqué de la façon suivante : la signification d'un mot est son emploi dans le langage. »'' (§43, Recherches philosophiques, 1953, traduit par Françoise Dastur, Maurice Elie, Jean-Luc Gautero, Dominique Janicaud, Elisabeth Rigal)
 
(Ludwig Wittgenstein, ''Recherches philosophiques'', 1953, traduit par Françoise Dastur, Maurice Elie, Jean-Luc Gautero, Dominique Janicaud, Elisabeth Rigal)
Il propose par exemple de raisonner sur un exemple simplifié de communication linguistique :
 
Toute façon de se servir de la parole, en tant que locuteur ou auditeur, est une façon de la comprendre. La compréhension d'un langage n'est rien d'autre que son usage. Le locuteur comprend ce qu'il dit lorsqu'il sait ce qu'il fait en le disant. L'auditeur comprend ce qui est dit lorsqu'il sait quoi en faire. Comprendre des paroles, c'est savoir s'en servir. Pour expliquer comment nous comprenons des paroles il faut expliquer comment elleson nouss'en préparent à l'actionsert.
''« Ce langage doit servir à un constructeur A pour se faire comprendre de son aide B. A réalise une construction avec des pierres à bâtir. Il y a des blocs, des colonnes, des dalles, des poutres, que B doit faire passer à A dans l'ordre où celui-ci les utilise. A cet effet ils se servent d'un langage constitué des mots "bloc", "colonne", "dalle", "poutre". A crie leur nom. B apporte la pierre qu'il a appris à rapporter en réponse à ce cri. »'' (§2)
 
On peut se servir plus ou moins bien des paroles, appliquer plus ou moins bien les prorammes qu'elles définissent, et donc les comprendre plus ou moins bien. La compréhension a des degrés.
Toute façon de se servir de la parole, en tant que locuteur ou auditeur, est une façon de la comprendre. La compréhension d'un langage n'est rien d'autre que son usage. Le locuteur comprend ce qu'il dit lorsqu'il sait ce qu'il fait en le disant. L'auditeur comprend ce qui est dit lorsqu'il sait quoi en faire. Comprendre des paroles, c'est savoir s'en servir. Pour expliquer comment nous comprenons des paroles il faut expliquer comment elles nous préparent à l'action.
 
== La signification par l'imagination ==
 
Pourquoi les mots ont-ils un sens ? Qu'est-ce qui fait que des suites de sons peuvent servir à communiquer ? Qu'est-ce qui donne aux mots et aux énoncés leur signification ?
 
Lorsqu'on comprend une description, on imagine ce qui est décrit. Les mots et les expressions verbales éveillent l'imagination dès que nous comprenons leur signification. On imagine ce qui est décrit quand on en simule la perception, quand on active, en mode simulation, les systèmes de détection qui seraient éveillés si nous percevions ce qui est décrit. Lorsque les concepts détectés par nos systèmes de perception sont associés à des expressions verbales qui les nomment, nous pouvons à la fois décrire ce que nous percevons, en nommant les concepts perçus, et imaginer ce qui est décrit, en simulant la détection des concepts nommés (Saussure 1916).