« Neurosciences/Le codage neuronal » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Ligne 4 :
Nul doute que cette information est quelque part dans notre cerveau, mais où ? Un autre problème, relié au précédent, est celui du codage de l'information dans l'influx nerveux. Par exemple, imaginons que je ressente une forte douleur. Les neurones qui captent la douleur vont alors activer et envoyer un train de potentiel d'action au cerveau pour prévenir celui-ci qu'ils ont perçu un stimulus douloureux. Mais comment la douleur est codée par le train de potentiels d'action ? Comment retrouver la localisation de la douleur et son intensité à partir du train de potentiel d'action ? Ces questions sont des défis pour les scientifiques et le problème n'est pas encore résolu. Mais les chercheurs ont cependant quelques pistes assez intéressantes, que nous allons voir dans ce chapitre.
 
==Le codage temporel de l'information dans l'influx nerveux==
 
Nous avons vu dans les chapitres précédents que tous les potentiels d'action sont identiques, dans le sens où ils ont la même forme et ont toujours la même amplitude. On dit que les potentiels d'action sont générés en tout ou rien. En conséquence, l'amplitude du potentiel d'action n'a aucun impact dans le transfert d'informations entre neurones. Par exemple, si je prends un stimulus douloureux, l'intensité de la douleur n'est PAS codée par l'amplitude du potentiel d'action. Ce serait très simple, mais ce n'est pas comme cela que ça marche. Le codage de l'information est donc effectué par d'autres paramètres, indépendants de la forme du potentiel d'action.
Un neurone a une tendance naturelle à réagir à un stimulus, si celui-ci est assez puissant. Dans cette section, nous allons voir comment un neurone répond quand on le soumet à un stimulus quelconque. Le stimulus en question peut être une impulsion unique sur sa membrane, un potentiel post-synaptique unique ou une rafale de potentiels d'action. Pour les neurones sensoriels, le stimulus en question est un stimulus sensoriel, qui a une intensité et une durée. Par exemple, ce peut être une lumière vive, un son soudain plus ou moins fort, etc. Évidemment, si le stimulus est assez fort, le neurone va réagir en émettant un ou plusieurs potentiels d'action (plusieurs si le stimulus est assez long).
 
Dans ce qui suit, nous allons appeler '''codage neuronal''' une méthode qu'utilise le système nerveux pour traduire/représenter une information dans une suite de potentiels d'action (on dit aussi un train de potentiel d'action). Pour donner un exemple,n prenons un neurone de la rétine et supposons que celui-ci émet un train de potentiels d'action quand on l'éclaire. Le train de potentiel d'action ne sera pas le même suivant l'intensité de la lumière, sa couleur, ou tout autre paramètre du stimulus. Par exemple, le neurone peut ne réagir qu'à la lumière bleue, mais pas à la lumière rouge. De même, il est possible que l'intensité de la lumière change la train de potentiels d'action. Ils peuvent être d'autant plus rapprochés que la lumière est intense, par exemple. Et la même chose a lieu pour tous les neurones sensoriels. Une suite de potentiel d'action émis par un neurone correspond souvent à une information précise, notamment dans le système nerveux sensoriel.
 
Les chercheurs ont envisagé de nombreuses possibilités et il est improbable que le cerveau n'utilise qu'un seule codage. Le consensus actuel est qu'il existe plusieurs codages distincts, qui sont utilisés à des endroits différents du système nerveux. Par exemple, prenons le cas de la vision. Entre le moment où la rétine a captée de la lumière et le moment où nous prenons conscience de ce qui est vu, l'information visuelle a transité par un grand nombre d'aires cérébrales et de voies nerveuses. Elle est partie de la rétine pour traverser le nerf optique, faire un relai dans le thalamus, puis dans le cortex visuel (lui-même découpé en un grand nombre de couches distinctes et faisant chacune un traitement différent). Il n'est clairement pas impossible que chaque étape utilise son propre codage.
 
Un neurone a une tendance naturelle à réagir à un stimulus, si celui-ci est assez puissant. Dans cette section, nous allons voir comment un neurone répond quand on le soumet à un stimulus quelconque. Le stimulus en question peut être une impulsion unique sur sa membrane, un potentiel post-synaptique unique ou une rafale de potentiels d'action. PourDans lesle cas des neurones sensoriels, le stimulus encorrespond questionà estune unsensation stimulusà sensoriel,laquelle quiréagit a une intensité etle une duréeneurone. Par exemple, ce peut être une lumière vive, un son soudain plus ou moins fort, etc. Un neurone de la rétine réagira à un type de lumière bien précise (suffisamment forte, d'une certaine couleur, par exemple), un neurone auditif à une fréquence sonore bien précise, etc. Pour ce qui est des signaux sensoriels, le codage doit permettre de représenter plusieurs d'informations : la durée du stimulus, sa variabilité/constance, son intensité, sa localisation et sa qualité (est-ce une douleur vive, une lumière bleue, un bruit sec, ..). Évidemment, si le stimulus est assez fort, le neurone va réagir en émettant un ou plusieurs potentiels d'action (plusieurs si le stimulus est assez long). Et en analysant le train de potentiels d'action, on peut en déduire diverses informations sur le stimulus utilisé.
 
===Les réponses phasique, tonique et en rafale===
 
La durée du stimulus influence grandement la durée du train de potentiel d'action, le temps pendant lequel le neurone émet des potentiels d'action. Pour les stimulus courts, le neurone émet un ou plusieurs potentiels d'action, avant de se taire. Mais certains stimulus sont des stimulus longs, qui sont maintenus durant longtemps comparé à la durée d'un potentiel d'action. Dans ces conditions, le neurone peut réagir de plusieurs manières. Les deux plus courantes sont les réponses phasique et tonique, ainsi que les réponses en rafale.
Pour les stimulus courts, le neurone émet un ou plusieurs potentiels d'action, avant de se taire.
Mais certains stimulus sont des stimulus longs, qui sont maintenus durant longtemps comparé à la durée d'un potentiel d'action.
Dans ces conditions, le neurone peut réagir de plusieurs manières.
Les deux plus courantes sont les réponses phasique et tonique, ainsi que les réponses en rafale.
 
====Les réponses toniques et phasiques====
 
Avec une '''réponse phasique''', le neurone émet des potentiels d'action au début du stimulus, mais il en émet de moins en moins et finit par se taire au bout d'un certain temps. Sa réponse au stimulus est donc temporaire et s'atténue avec le temps. Pour le dire autrement, le neurone s'habitue au stimulus et réagit de moins en moins.
Sa réponse au stimulus est donc temporaire et s'atténue avec le temps.
Pour le dire autrement, le neurone s'habitue au stimulus et réagit de moins en moins.
 
Avec une '''réponse tonique''', le neurone émet des potentiels d'action tant que le stimulus est maintenu. De tels neurones ne s'habituent pas ou alors le font très lentement. Grossièrement, un stimulus long entrainera une réponse tonique qui persiste tant que le stimulus est maintenu, donc la durée du train de potentiels d'action code la durée du stimulus.
De tels neurones ne s'habituent pas ou alors le font très lentement.
 
Les réponses toniques sont observées pour la plupart des neurones sensoriels liés au toucher et à la proprioception (perception de la contraction musculaire et de la position des membres). Par exemple, les neurones qui captent la douleur sont de ce type : tant que le stimulus douloureux est maintenu, les récepteurs de la douleur émettent des potentiels d'action sans faillir. Les réponses phasiques sont observées dans d'autres neurones sensoriels. Par exemple, les neurones du toucher qui captent la pression et les vibrations sont de ce type. Une pression constante appliquée sur un doigt va exciter ces neurones durant quelques secondes, guère plus. On voit qu'un neurone n'est capable que d'un seul type de réponse : soit le neurone est de type phasique, soit il est de type tonique. Les deux types de neurones se distinguent par des propriétés membranaires différentes, qui font qu'ils peuvent s'habituer.
 
Les réponses phasique et tonique ne codent pas pour les mêmes caractéristiques. Les réponses toniques permettent d'indiquer au cerveau que le stimulus est présent et pendant combien de temps. Quant aux réponses phasiques, elles indiquent les changements du stimulus. Si un stimulus change d'intensité et de fréquence brusquement, une réponse tonique ne peut pas l'indiquer, alors qu'une réponse phasique le peut. Pour le dire de manière plus formelle, les réponses phasiques codent les caractéristiques dynamiques du stimulus, alors que les réponses toniques codent les caractéristiques statiques du stimulus.
Les réponses phasique et tonique ne codent pas pour les mêmes caractéristiques.
Les réponses toniques permettent d'indiquer au cerveau que le stimulus est présent et pendant combien de temps.
Quant aux réponses phasiques, elles indiquent les changements du stimulus.
Si un stimulus change d'intensité et de fréquence brusquement, une réponse tonique ne peut pas l'indiquer, alors qu'une réponse phasique le peut.
Pour le dire de manière plus formelle, les réponses phasiques codent les caractéristiques dynamiques du stimulus, alors que les réponses toniques codent les caractéristiques statiques du stimulus.
 
====Le phénomène de ''Bursting''====
Ligne 57 ⟶ 53 :
|}
 
===Les codages basiques : de fréquence, temporel et spatialtemporels===
 
Les réponses phasique, tonique et en rafale, nous permettent de dire durant combien de temps des potentiels d'action sont émis. Ils indiquent le lien entre la durée d'un train de potentiel d'action et le stimulus responsable. Globalement, ces réponses codent les caractéristiques dynamiques du stimulus : sa durée et sa variation/constance. Mais elles n'ont aucun lien avec l'intensité du stimulus, sa qualité ou sa localisation. Ces caractéristiques sont codés autrement. Et pour comprendre comment, il faut regarder à l'intérieur des trains de potentiel d'action. Dans ce qui suit, nous allons voir des codages dits temporels, qui permettent de représenter des informations dans l'organisation temporelle des décharges nerveuses.
Nous avons vu dans les chapitres précédents que tous les potentiels d'action sont identiques, dans le sens où ils ont la même forme et ont toujours la même amplitude. On dit que les potentiels d'action sont générés en tout ou rien. En conséquence, l'amplitude du potentiel d'action n'a aucun impact dans le transfert d'informations entre neurones. Par exemple, si je prends un stimulus douloureux, l'intensité de la douleur n'est PAS codée par l'amplitude du potentiel d'action. Ce serait très simple, mais ce n'est pas comme cela que ça marche. Le codage de l'information est donc effectué par d'autres paramètres, indépendants de la forme du potentiel d'action.
 
Dans ce qui suit, nous allons appeler '''codage neuronal''' une méthode qu'utilise le système nerveux pour traduire/représenter une information dans une suite de potentiels d'action (on dit aussi un train de potentiel d'action). Pour donner un exemple,n prenons un neurone de la rétine et supposons que celui-ci émet un train de potentiels d'action quand on l'éclaire. Le train de potentiel d'action ne sera pas le même suivant l'intensité de la lumière, sa couleur, ou tout autre paramètre du stimulus. Par exemple, le neurone peut ne réagir qu'à la lumière bleue, mais pas à la lumière rouge. De même, il est possible que l'intensité de la lumière change la train de potentiels d'action. Ils peuvent être d'autant plus rapprochés que la lumière est intense, par exemple. Et la même chose a lieu pour tous les neurones sensoriels. Une suite de potentiel d'action émis par un neurone correspond souvent à une information précise, notamment dans le système nerveux sensoriel.
 
Les chercheurs ont envisagé de nombreuses possibilités et il est improbable que le cerveau n'utilise qu'un seule codage. Le consensus actuel est qu'il existe plusieurs codages distincts, qui sont utilisés à des endroits différents du système nerveux. Par exemple, prenons le cas de la vision. Entre le moment où la rétine a captée de la lumière et le moment où nous prenons conscience de ce qui est vu, l'information visuelle a transité par un grand nombre d'aires cérébrales et de voies nerveuses. Elle est partie de la rétine pour traverser le nerf optique, faire un relai dans le thalamus, puis dans le cortex visuel (lui-même découpé en un grand nombre de couches distinctes et faisant chacune un traitement différent). Il n'est clairement pas impossible que chaque étape utilise son propre codage.
 
Pour ce qui est des signaux sensoriels, le codage doit permettre de représenter quatre types d'informations : l'intensité du stimulus, sa durée, sa localisation et sa qualité (est-ce une douleur vive, une lumière bleue, un bruit sec, ..). La durée du stimulus est codée par le caractère tonique de l’émission d'un neurone. Grossièrement, un stimulus long entrainera une réponse tonique qui persiste tant que le stimulus est maintenu, donc la durée du train de potentiels d'action code la durée du stimulus. Pour les trois autres caractères, la situation est bien moins claire et on peut dire qu'il y a trois possibilités.
 
====Le codage de fréquence====
 
Pour de nombreux stimulus sensoriels, lesl'intensité informationsserait seraient représentéesreprésentée par la fréquence d'émission des potentiels d'action. Prenons l'exemple d'un neurone sensoriel qui capte un stimulus précis : l'intensité du stimulus sera représentée par la fréquence d'émission de potentiels d'action par le neurone sensoriel. Même chose pour un neurone moteur : l'intensité de la contraction musculaire induite par le neurone sera proportionnelle à la fréquence d'émission des potentiels d'action par le neurone moteur. Un tel codage est appelé un '''codage de fréquence''' (''rate coding'' en anglais).
 
[[File:NeuralMassSimulation.png|centre|vignette|upright=2.0|Illustration du codage de fréquence. On soumet un neurone à un stimulus initialement peu intense, puis moyennement intense et enfin très intense. On voit que la fréquence d'émission des potentiels d'action augmente de plus en plus avec l'intensité du stimulus.]]
Ligne 77 ⟶ 67 :
====Les codages temporels====
 
Pour un neurone seul, les codages autres que le codage de fréquence sont regroupés sous le terme de '''codage temporel''', qui regroupe plusieurs idées différentes et sans liens entre elles. Le terme est donc assez traitre, mais il est utilisé malgré tout, sa signification étant évidente avec un peu de contexte. LaGlobalement, premièreon significationpeut estdonner quedeux l'informationsignifications estdistinctes codée par leà l''timing''expression exact"codage destemporel" potentiels:
* d'action,La nonpremière leur fréquence. La secondesignification est que l'information est codée par la synchronisation de nombreux neurones qui émettent des potentiels d'action en même temps. Dans ce qui suit, nous réserverons le terme codage temporel pour parler de la première idée.
* La seconde signification est que l'information est codée par le ''timing'' exact des potentiels d'action, non leur fréquence.
 
UneLa première forme de codage temporel est liée au fait que les neurones n'ont pas une fréquence d'émission stable. Par exemple, prenons un neurone qui émet une rafale de potentiels d'action à une fréquence de 2000 Hz, soit un potentiel d'action toutes les 0.5 millisecondes. En théorie, la fréquence devrait être stable, mais ce n'est pas tout à fait le cas. On observe de petites variations, la période entre deux potentiels d'action variant de 0.3 à 0.7 millisecondes. Ces variations ont lieu assez rapidement et on pourrait penser qu'elles sont du bruit. Si ce n'est pas impossible qu'elles soient effectivement du bruit, des scientifiques ont supposé que ces variations pourraient encoder de l'information.
 
Une seconde forme tient dans le délai entre le stimulus et l'émission du potentiel d'action. Plus le stimulus est intense, plus le neurone répondra vite et le potentiel d'action apparaitra rapidement. Le délai entre stimulus et premier potentiel d'action sera d'autant plus faible que le stimulus est fort. L'information est alors encodée dans le ''timing'' exact du signal, mais son extraction demande une comparaison avec d'autres signaux ou un signal de référence.
* Prenons un exemple pour étudier le cas d'une comparaison avec d'autres signaux) : la localisation des sons chez les vertébrés. Les vertébrés sont capable de localiser l'origine d'un son par plusieurs méthodes. La principale est l'utilisation du délai d'arrivée du son entre les deux oreilles. Un son émis à gauche arrivera à l'oreille gauche avant d'arriver à l'oreille droite, et le délai exact permet de localiser le son dans l'espace. Pour cela, il faut faire une comparaison entre le temps d'arrivée dans chaque oreille. Pour cela, le cerveau compare le délai entre les potentiels d'action qui arrivent de l'oreille gauche et ceux qui viennent de l'oreille droite. Le ''timing'' exact des potentiels d'action encode donc de l'information, qui se révèle par comparaison entre rafales de potentiels d'action. Ici, le signal de référence est plus un train de potentiel d'action provenant d'autres neurones. Ce type de codage temporel s'appelle le '''''Latency to first spike coding'''''.
* Une autre possibilité est que l'information soit codée par le ''timing'', sauf que cette fois-ci, le ''timing'' est mesuré par rapport à un signal de référence présent naturellement dans le cerveau. Certains réseaux de neurones sont parcourus par des oscillations synchronisées, qui servent de signal de référence. L'information est alors codée par le délai entre une oscillation et l'émission du potentiel d'action. Un tel codage est appelé un '''''Phase of firing coding'''''.
 
==Le codage spatial et la sélectivité des réponses neuronales==
 
Récapitulons ce qu'on a vu jusqu’à présent. Les réponses phasiques et toniques permettent de coder les caractéristiques dynamiques du stimulus, à savoir sa durée et sa variabilité/constance. Les codages temporels permettent de coder l'intensité d'un stimulus, ou tout du moins les informations quantitatives non-temporelles du stimulus. Il nous reste à voir comment sont codées la localisation et la qualité du stimulus. Pour cela, nous allons voir les codages spatiaux. La localisation du stimulus est simplement codée par la localisation corporelle du neurone qui percoit le stimulus. On sait que l'on a mal à la jambe car les neurones qui captent la douleur sont ceux de la jambe. Pour le codage de la qualité du stimulus, le consensus actuel est que les neurones sont sensibles seulement à un certain type de stimulus et pas à d'autres.
 
==La sélectivité des réponses neuronales==