« Pour lire Platon/Guide des dialogues/Ménon » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Aucun résumé des modifications
Ligne 20 :
|+[[w:Ironie socratique| L'ironie de Socrate]]
 
|<smalldiv style="font-size:85%;"> Jusqu'à présent, Menon, les Thessaliens étaient renommés entre les Grecs, et admirés pour leur adresse à manier un cheval et pour leurs richesses; [70b] mais aujourd'hui ils sont renommés encore, ce me semble, pour leur sagesse, principalement les concitoyens de ton ami Aristippe de Larisse (03). C'est à Gorgias que vous en êtes redevables ; car, étant allé dans cette ville, il s'est attaché par son savoir les principaux des Aleuades (04), du nombre desquels est ton ami [[w:Aristippe|Aristippe]], et les plus distingués d'entre les Thessaliens.
[[image:Amazonomachy_Christie_Painter_MAN.jpg|thumb|200px|]]
Il vous a accoutumés à répondre avec assurance et d'un ton imposant aux questions qu'on vous fait, comme il est naturel que [70c] répondent des gens qui savent, d'autant plus que lui-même s'offre à tous les Grecs qui veulent l'interroger, et qu'il n'en est aucun auquel il ne réponde sur quelque sujet que ce soit. Mais ici, cher Ménon, les choses ont pris une face toute contraire. Je ne sais quelle espèce de sécheresse a passé sur la science, et il paraît qu'elle a quitté [71a] ces lieux pour se retirer chez vous. Du moins si tu t'avisais d'interroger de la sorte quelqu'un d'ici, il n'est personne qui ne se mît à rire, et te dît : Étranger, tu me prends en vérité pour un heureux mortel, de croire que je sais si la vertu peut s'enseigner, ou s'il est quelque autre moyen de l'acquérir; mais tant s'en faut que je sache si la vertu est de nature à s'enseigner ou non, que j'ignore même absolument ce que c'est que la vertu. [71b] Pour moi, Ménon, je me trouve dans le même cas : je suis sur ce point aussi indigent que mes concitoyens, et je me veux bien du mal de ne savoir absolument rien de la vertu. Or, comment pourrais-je connaître les qualités d'une chose dont j'ignore la nature? Te paraît-il, possible que quelqu'un qui ne connaît point du tout la personne de Ménon sache s'il est beau,
Ligne 51 :
MENON.
 
Oui.</smalldiv>
 
|}
Ligne 59 :
{|class=wikitable
|+Première définition : Généralité et énumération;Expérience personnelle de Ménon et éducation
|<smalldiv style="font-size:85%;">Laissons donc là Gorgias, puisqu'il est absent. Mais toi, Menon, au nom des dieux, en quoi fais-tu consister la vertu ?
[[image:Britannica_Cithara_Phorminx.jpg|thumb|200px|left]]
Apprends-le moi, et ne m'envie pas cette connaissance, afin que si vous me paraissez, toi et Gorgias, savoir ce que c'est, j'aie fait le plus heureux de tous les mensonges, lorsque j'ai dit que je n'ai encore rencontré personne qui le sût.
Ligne 65 :
[71e] MENON.
 
La chose n'est pas difficile à expliquer, Socrate. Veux-tu que je te dise d'abord en quoi consiste la vertu d'un homme ? Rien de plus aisé: elle consiste à être en état d'administrer les affaires de sa patrie, et, en les administrant, de faire du bien à ses amis, et du mal à ses ennemis, en prenant bien garde d'avoir rien de semblable à souffrir. Est-ce la vertu d'une femme que tu veux connaître ? il est facile de la définir. Le devoir d'une femme est de bien gouverner sa maison, de veiller à la garde du dedans, et d'être soumise à son mari. Il y a aussi une vertu propre aux enfants de l'un et de l'autre sexe, et aux vieillards : celle qui convient à l'homme libre est autre que celle de l'esclave. [72a] En un mot, il y a une infinité d'autres vertus; de manière qu'il n'y a nul embarras à dire ce que c'est : car selon l'âge, selon le genre d'occupation, chacun a pour toute action ses devoirs et sa vertu particulière. Je pense, Socrate, qu'il en est de 'même à l'égard du vice.</smalldiv>
|}
*Ménon est sûr de lui. Il ne doute de rien, ce qui est le contraire de la réflexion qui n'admet rien comme certain sans l'examiner. Là il récite sa leçon. Plus précisément il énumère des vertus qui lui viennent de son éducation aristocratique. Cette démarche le conduit à sortir du sujet à la fin, en introduisant la question du vice
Ligne 75 :
{|class=wikitable
|+Distinction genre/espèce. La bonne définition ou L'exemple des abeilles
|<smalldiv style="font-size:85%;">SOCRATE.
Il paraît, Menon, que j'ai un bonheur singulier : je ne te demande qu'une seule vertu, et tu m'en donnes un essaim tout entier. Mais, pour continuer l'image empruntée [72b] aux essaims, si, t'ayant demandé quelle est la nature de l'abeille, tu m'eusses répondu qu'il y a beaucoup d'abeilles et de plusieurs espèces, que m'aurais-tu dit, si je t'avais demandé encore : Est-ce précisément comme abeilles que tu dis qu'elles sont en grand nombre, dé plusieurs espèces et différentes entre elles? où ne diffèrent-elles en rien comme abeilles, mais à d'autres égaras, par exemple, par la beauté, la grandeur, ou d'autres qualités semblables? Dis-moi, quelle eût été la réponse à cette question ?
[[Image:Apis_mellifera_scutellata.jpg|Thumb|200px|right]]
Ligne 97 :
MENON.
 
Il me paraît que je le comprends ; cependant je ne saisis pas encore comme je voudrais le sens de ta question.</smalldiv>
|}
*'''Il me paraît que je le comprends'''. Cette conclusion manifeste une certaine honnêteté de Ménon qui en disant "il me paraît" semble reconnaître ne rien avoir compris.
Ligne 106 :
{|class=wikitable
|+Réexamen de la définition de Ménon : Socrate tente de détacher Ménon du sensible
|<smalldiv style="font-size:85%;">SOCRATE.
[[image:Plato_Cave_Wikipedia.gif|thumb|250px]]
N'est-ce qu'à l'égard de la vertu seule, Menon, que tu penses qu'elle est autre pour un homme, et autre pour une femme, et ainsi du reste ? ou penses-tu la même chose par rapport à la santé, la grandeur, la force? Te semble-t-il que la santé d'un homme soit autre que celle d'une femme? ou bien qu'elle a partout le même caractère, en tant que santé, [72e] quelque part qu'elle se trouve, soit dans un homme, soit en toute autre chose ?
Ligne 252 :
MENON.
 
Je ne saurais, Socrate, trouver une vertu telle que tu la cherches, [74b] qui convienne à toutes les vertus, comme, je le ferais par rapport à d'autres choses.</smalldiv>
|}
 
{|class=wikitable
|+Socrate définit la figure : exemple de la méthode
|<smalldiv style="font-size:85%;"> SOCRATE.
 
Essaie donc de me dire quelle est cette chose que l'on appelle figure. [75a] Si étant ainsi interrogé par quelqu'un, soit touchant la figure, soit touchant la couleur, tu lui disais : Mon cher, je ne comprends pas ce que tu me demandes, et je ne sais de quoi tu me veux parler, probablement il en serait surpris, et répliquerait : Tu ne conçois pas que je cherche ce qui est commun à toutes ces figures et ces couleurs? Quoi! Menon, n'aurais-tu rien à répondre, au cas qu'on te demandât ce que l'espace rond, le droit, et les autres figures, ont de commun ? Tâche de le dire, afin que cela te tienne lieu d'exercice pour ta réponse sur la vertu.
Ligne 339 :
SOCRATE.
 
Tu es un railleur, Menon, de faire à un vieillard des questions embarrassantes, tandis que tu ne veux pas [76b] te rappeler ni me dire en quoi Gorgias fait consister la vertu.</smalldiv>
|}
*La définition que donne Socrate de la figure est ici capitale
Ligne 363 :
 
{|class=wikitable
|<smalldiv style="font-size:85%;"> « Ménon : (…) si c’est la vertu d’un homme que tu veux connaître, rien de plus aisé : la vertu d’un homme consiste à être capable d’administrer les affaires de la cité et, en les administrant, de faire du bien à ses amis et du mal à ses ennemis, en se gardant soi-même de tout mal. Si c’est la vertu d’une femme, elle n’est pas difficile à définir : le devoir d’une femme est de bien gouverner sa maison, de conserver tout ce qui est dedans et d’être soumise à son mari. Il y a aussi une vertu propre à l’enfant, fille ou garçon, et une propre au vieillard, soit libre, soit esclave. Il y en a une foule d’autres encore ; aussi n’est-on pas embarrassé pour définir la vertu. Pour chaque action, pour chaque âge, pour chaque ouvrage, chacun de nous a sa vertu particulière. Et il en est de même du vice, Socrate, à ce que je crois. »</smalldiv>
 
Ménon nous raconte sa vie. Ce que l'on comprend c'est qu'il est le produit de son éducation aristocratique. La vertu est définie à partir de ses convictions personnelles. L'éducation qu'il a reçue est pour lui critère du vrai, ce qui n'est rien d'autre qu'orgueil et préjugé.
Ligne 544 :
Michel Serres définissant les mathématiques, dira d'elles que c'est une maison sans fenêtre, sans porte...sans sujet du cogito. Le mathématicien' à la blouse blanche, met de côté sa subjectivité. Un théorème est le produit des mathématiques, pas de ma pensée.
{|class=wikitable
|<smalldiv style="font-size:85%;">Socrate : Appelle un de ces nombreux serviteurs qui t'accompagnent, celui que tu voudras, afin que par lui je te montre ce que tu désires.
Ménon – D'accord. [Ménon désigne l'un de ses serviteurs.] Approche.
'''Socrate – Est-il grec ? Sait-il le grec ?
Ménon – Parfaitement ; il est né chez moi.'''
Socrate – Fais attention : vois s'il a l'air de se ressouvenir, ou d'apprendre de moi.
Ménon – J'y ferai attention.</smalldiv>
|}
 
Ligne 559 :
 
{|class=wikitable
|<smalldiv style="font-size:85%;">Socrate [au serviteur] – Dis-moi, jeune homme, sais-tu que cet espace est carré ? [Socrate trace sur le sol la figure d'un carré.]
L'élève – Oui.
Socrate – Et que, dans un espace carré, les quatre lignes que voici [les côtés] sont égales ?
Ligne 605 :
L'élève – C'est vrai.
Socrate – Quatre fois quatre font seize, n'est-ce pas ?
L'élève – Oui.</smalldiv>
|}
 
Ligne 611 :
 
{|class=wikitable
|<smalldiv style="font-size:85%;">Socrate – Avec quelle ligne obtiendrons-nous donc une surface de huit pieds carrés ? Celle-ci ne nous donne-t-elle pas une surface quadruple de la première ?
L'élève – Oui.
Socrate – Et cette ligne moitié moins longue nous donne quatre pieds carrés de superficie ?
Ligne 634 :
L'élève – Certes non.
Socrate – Laquelle est-ce ? Tâche de me le dire exactement, et si tu aimes mieux ne pas faire de calculs, montre-la nous.
L'élève – Mais par Zeus, Socrate, je n'en sais rien.</smalldiv>
/}
 
Ligne 644 :
*{{bleu|la méthode analytique est donc une démarche inventive.}}
{|class=wikitable
|<smalldiv style="font-size:85%;">Socrate (s'adressant au serviteur) – Réponds-moi, toi. Nous avons donc ici un espace de quatre pieds carrés ? Est-ce compris ?
L'élève – Oui.
Socrate – Nous pouvons lui ajouter cet autre-ci, qui lui est égal ? [En fait, Socrate reprend le carré de quatre pieds de côté, proposé par l'élève comme première solution du problème.]
Ligne 680 :
L'élève – Oui.
Socrate – Cette ligne est ce que les sophistes appellent la diagonale. Si tel est son nom, c'est la diagonale qui selon toi, serviteur de Ménon, engendre l'espace carré double.
L'élève – C'est bien cela, Socrate.</smalldiv>
/}