« Neurosciences/L'épissage synaptique, l'élimination des synapses inutiles » : différence entre les versions

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Au sens strict, l'élagage synaptique est la disparition de certaines synapses inutiles ou redondantes. Ce processus est souvent confondu avec deux autres processus très liés. Le premier est l''''élagage axonal''', à savoir la simplification des axones, le second est l''''élagage dendritique''', à savoir la modification de la forme des dendrites, voire leur disparition. Pour résumer, les axones et dendrites en trop sont éliminées, de manière à affiner les réseaux de neurones. Gardons à l’esprit que ces trois processus d'élagage synaptique, axonal et dendritique sont liés et que l'un ne va pas sans l'autre. En effet, les axones ou dendrites deviennent inutile quand la synapse qu'ils formaient disparait. D'abord, une synapse disparait par élagage synaptique, puis l'axone et la dendrite concernée deviennent inutiles et subissent un élagage. Dans ce qui suit, nous parlerons d'élagage synaptique pour parler de ces trois phénomènes.
 
De nombreuses recherches ont mis en évidence le rôle des cellules gliales dans l'élagage synaptiqueaxonal. Par exemple, la microglie et le système immunitaire nerveux sont impliqués dans la disparition des axones, une fois que ceux-ci se sont détachés de leur synapse et qu'ils commencent à régresser. La régression axonale peut se faire soit par rétractation de l'axone, soit par dégradation de l'axone inutile. Si l'axone se fragmente, il laisse derrière lui des débris axonaux et des fragments de cellule que les cellules gliales nettoient. Aussi bien les astrocytes que la microglie se chargent de nettoyer les débris axonaux, bien que dans des proportions différentes. D'autres recherches plus récentes semblent indiquer que les cellules gliales auraient un rôle plus large qu'un simple nettoyage des restes synaptiques, mais la recherche est encore en cours sur le sujet.
 
Il existe deux types d'élagage axonal : l'élagage axonal de grande échelle et l'élagage de petite échelle.
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Le premier a surtout lieu lors du développement, alors que le second s'observe tout le temps et est plus visible à l'âge adulte. Cette différence correspondrait à une différence fonctionnelle. L'élagage de longue distance sert à mettre en place les connexions et aires cérébrales importantes, à organiser l'anatomie du système nerveux. À l'inverse, l'élagage à petite distance est impliqué dans l'apprentissage et la mémoire. Son utilité principale est de ''tuner'' les réseaux de neurones locaux pour les rendre plus efficaces.
 
==Le mécanisme de lL'élagage synaptique développemental==
 
L'élagage synaptique est surtout présent lors du développement. J'ai cité plus haut l'élagage qui commence à l'âge de 2 ans et cesse vers le début de la vingtaine, mais ce processus est en réalité présent à toutes les étapes du développement. Il sert notamment à mettre en place divers réseaux de neurones cruciaux pour la motricité, la sensibilité corporelle, etc. Un autre exemple, très connu, est celui de la mise en place des jonctions neuromusculaires, où l'élagage synaptique garantit que chaque fibre musculaire est innervée par un seul motoneurone. Mais on peut aussi citer d'autres exemples, comme la maturation du colliculus supérieur, du cortex, du cervelet et bien d'autres. Autre exemple : lesLes cellules de Purkinje du cervelet sont initialement innervées par plusieurs fibres grimpantes, mais toutes sauf une sont éliminées. Un dernier exemple est la maturation du colliculus supérieur et des connexions des cortex visuel et moteur. A la naissance, le cortex visuel et le cortex moteurs sont tous connectés à la moelle épinière et au colliculus supérieur. Les connexions entre cortex visuel et moelle épinière sont en trop, de même que les connexions entre cortex moteur et colliculus supérieur. Après la naissance, ces connexions en trop sont élaguées et disparaissent. Au final, le colliculus supérieur reste innervé par le cortex visuel, mais pas par le cortex moteur.
L'élagage synaptique est réalisé par un mécanisme de ''winner takes it all'', à savoir que les synapses entrent en compétition et que seule la plus adaptée survit. La compétition en question varie suivant le neurone considéré, dans le sens où le mécanisme de mise en compétition n'est pas le même dans une jonction neuromusculaire que dans le système nerveux périphérique.
 
===L'utilité de l'élagage synaptique développemental===
Les cas les plus classiques sont ceux de la jonction neuromusculaire et des fibres grimpantes du cervelet, où la compétition se fait par l'activité électrique, l'activation des synapses. Une fois les synapses formées, certaines vont être beaucoup activées, alors que d'autres le seront moins. Les synapses les plus souvent utilisées vont survivre, alors que les autres vont progressivement péricliter et mourir. La compétition étant rude, seule une synapse vont survivre et la fibre musculaire sera innervée correctement.
 
Lors du développement, le cerveau crée un grand nombre de synapses redondantes qui n'ont pas toutes leur place les réseaux de neurones finaux. Au cours de la maturation du système nerveux, ces synapses surnuméraires sont éliminées par élagage synaptique. Le processus peut être appelé par le terme d'''input elimination'', dans le sens où les neurones concernés éliminent des innervations d'entrée en trop.
Une autre forme de compétition est lié aux neurotrophines, des facteurs de croissance et de survie produits par les neurones qui auront leur propre chapitre dédié. Les neurones post-synaptiques émettent des neurotrophines à destination des neurones pré-synaptiques (ou de leur axone), ces neurotrophines servant de signal pour dire que la synapse est utile et qu'il faut la garder. Mais la quantité de neurotrophines produites est limitée, ce qui fait que certains neurones pré-synaptiques vont mieux s'en sortir que les autres et vont conserver leurs synapses, alors que les autres ne recevront pas assez de neurotrophines et feront disparaitre leurs synapses.
 
Faisons une précision importante : les synapses éliminées par l'élagage de grande échelle ne sont pas des erreurs de mise en place des circuits neuronaux. En réalité, rien ne différencie les axones éliminés de ceux conservés, si ce n'est peut-être une petite différence de force synaptique qui s'amplifie avec l'élagage synaptique, et encore ! En réalité, le fait est que le cerveau fabrique de nombreuses synapses redondantes, car il n'a pas le choix. Prenons l'exemple des jonctions neuromusculaires. Le cerveau des vertébrés n'a pas les moyens de prédestiner chaque motoneurone à une fibre musculaire bien précise. Il génère de nombreux motoneurones identiques et chacun d'entre eux a la possibilité de se fixer à n'importe quelle fibre musculaire du muscle de destination. Ce faisant, de nombreuses connexions se créent et au final, l'élagage synaptique élimine les connexions redondantes pour n'en laisser qu'une. En clair, si le cerveau génère autant de connexions lors du développement, quitte à en supprimer la majorité après, c'est parce qu'il n'a pas les moyens techniques pour faire autrement. Une autre raison plausible est que cela permet aux circuits neuronaux d'être modelés par l'expérience, la sélection des connexions restantes étant guidée par l'activité synaptique. Ce faisant, le mécanisme garantit que ce sont les synapses les plus utilisées, les plus "utiles", qui sont conservées.
Un exemple classique d’élagage synaptique lié aux neurotrophines est celui de l'innervation de la glande mammaire de la souris. Chez la souris adulte, la glande mammaire est fortement innervée par des neurones sensoriels chez la femelle, mais pas chez le mâle. Au début du développement, la glande mammaire est innervée chez les deux sexes, mais régresse ensuite chez le mâle. Les recherches ont montré que cela était lié à une expression différente des récepteurs des neurotrophines. Au début du développement, la glande mammaire émet des neurotrophines et notamment du BDNF (''Brain Derived Nerve Factor''), qui favorise la survie des synapses, en agissant sur un récepteur nommé TrkB, localisé à la surface des neurones et des axones. Puis, chez le mâle, les hormones sexuelles mâles favorisent l'expression d'un récepteur particulier dans la glande mammaire, qui devient insensible à la neurotrophine BDNF. Les neurones ne percoivent plus le signal de survie des neurotrophines et l'élagage synaptique démarre. Au final, les mâles perdent leur innervation car les neurones concernés deviennent insensibles aux neurotrophines, alors que ceux de la femelle ne sont pas touchés.
 
Un argument en faveur de ces deux hypothèses est l'observation de espèces aux réseaux de neurones simples. Sur certaines espèces d'invertébrés (d'insectes ou d'invertébrés marins), les circuits neuronaux ne sont pas construits par foisonnement de synapses, dont la plupart sont éliminées. A la place, les circuits neuronaux sont simples, composés d'un faible nombre de neurones et les connexions entre ceux-ci sont presque identiques d'un individu à l'autre. La mise en place de ces réseaux neuronaux est déterminée directement par le code génétique, avec une faible influence de l'expérience sur le développement neural. Les circuits sont assez simples pour le génome détermine individuellement la destinée et les connexions de chaque neurone à l'avance. Pas besoin de créer des connexions au hasard pour en sélectionner un petit nombre ensuite, l'élagage synaptique est inutile. Et ces espèces ont souvent un répertoire comportemental rigide, inné, bien moins modifiable par l'expérience que celui des vertébrés.
De nombreuses recherches ont mis en évidence le rôle des cellules gliales dans l'élagage synaptique. Par exemple, la microglie et le système immunitaire nerveux sont impliqués dans la disparition des axones, une fois que ceux-ci se sont détachés de leur synapse et qu'ils commencent à régresser. La régression axonale peut se faire soit par rétractation de l'axone, soit par dégradation de l'axone inutile. Si l'axone se fragmente, il laisse derrière lui des débris axonaux et des fragments de cellule que les cellules gliales nettoient. Aussi bien les astrocytes que la microglie se chargent de nettoyer les débris axonaux, bien que dans des proportions différentes. D'autres recherches plus récentes semblent indiquer que les cellules gliales auraient un rôle plus large qu'un simple nettoyage des restes synaptiques, mais la recherche est encore en cours sur le sujet.
 
==L=Le mécanisme de l'élagage synaptique développemental===
 
L'élagage synaptique est réalisé par un mécanisme de ''winner takes it all'', à savoir que les synapses entrent en compétition et que seule la plus adaptée survit. La compétition en question varie suivant le neurone considéré, dans le sens où le mécanisme de mise en compétition n'est pas le même dans une jonction neuromusculaire que dans le système nerveux périphérique.
L'élagage synaptique est surtout présent lors du développement. J'ai cité plus haut l'élagage qui commence à l'âge de 2 ans et cesse vers le début de la vingtaine, mais ce processus est en réalité présent à toutes les étapes du développement. Il sert notamment à mettre en place divers réseaux de neurones cruciaux pour la motricité, la sensibilité corporelle, etc. Un autre exemple, très connu, est celui de la mise en place des jonctions neuromusculaires, où l'élagage synaptique garantit que chaque fibre musculaire est innervée par un seul motoneurone. Mais on peut aussi citer d'autres exemples, comme la maturation du colliculus supérieur, du cortex, du cervelet et bien d'autres. Autre exemple : les cellules de Purkinje du cervelet sont initialement innervées par plusieurs fibres grimpantes, mais toutes sauf une sont éliminées. Un dernier exemple est la maturation du colliculus supérieur et des connexions des cortex visuel et moteur. A la naissance, le cortex visuel et le cortex moteurs sont tous connectés à la moelle épinière et au colliculus supérieur. Les connexions entre cortex visuel et moelle épinière sont en trop, de même que les connexions entre cortex moteur et colliculus supérieur. Après la naissance, ces connexions en trop sont élaguées et disparaissent. Au final, le colliculus supérieur reste innervé par le cortex visuel, mais pas par le cortex moteur.
 
Les cas les plus classiques sont ceux de la jonction neuromusculaire et des fibres grimpantes du cervelet, où la compétition se fait par l'activité électrique, l'activation des synapses. Une fois les synapses formées, certaines vont être beaucoup activées, alors que d'autres le seront moins. Les synapses les plus souvent utilisées vont survivre, alors que les autres vont progressivement péricliter et mourir. La compétition étant rude, seule une synapse vont survivre et la fibre musculaire sera innervée correctement.
Lors du développement, le cerveau crée un grand nombre de synapses redondantes qui n'ont pas toutes leur place les réseaux de neurones finaux. Au cours de la maturation du système nerveux, ces synapses surnuméraires sont éliminées par élagage synaptique. Le processus peut être appelé par le terme d'''input elimination'', dans le sens où les neurones concernés éliminent des innervations d'entrée en trop.
 
Une autre forme de compétition est lié aux neurotrophines, des facteurs de croissance et de survie produits par les neurones qui auront leur propre chapitre dédié. Les neurones post-synaptiques émettent des neurotrophines à destination des neurones pré-synaptiques (ou de leur axone), ces neurotrophines servant de signal pour dire que la synapse est utile et qu'il faut la garder. Mais la quantité de neurotrophines produites est limitée, ce qui fait que certains neurones pré-synaptiques vont mieux s'en sortir que les autres et vont conserver leurs synapses, alors que les autres ne recevront pas assez de neurotrophines et feront disparaitre leurs synapses.
Faisons une précision importante : les synapses éliminées par l'élagage de grande échelle ne sont pas des erreurs de mise en place des circuits neuronaux. En réalité, rien ne différencie les axones éliminés de ceux conservés, si ce n'est peut-être une petite différence de force synaptique qui s'amplifie avec l'élagage synaptique, et encore ! En réalité, le fait est que le cerveau fabrique de nombreuses synapses redondantes, car il n'a pas le choix. Prenons l'exemple des jonctions neuromusculaires. Le cerveau des vertébrés n'a pas les moyens de prédestiner chaque motoneurone à une fibre musculaire bien précise. Il génère de nombreux motoneurones identiques et chacun d'entre eux a la possibilité de se fixer à n'importe quelle fibre musculaire du muscle de destination. Ce faisant, de nombreuses connexions se créent et au final, l'élagage synaptique élimine les connexions redondantes pour n'en laisser qu'une. En clair, si le cerveau génère autant de connexions lors du développement, quitte à en supprimer la majorité après, c'est parce qu'il n'a pas les moyens techniques pour faire autrement. Une autre raison plausible est que cela permet aux circuits neuronaux d'être modelés par l'expérience, la sélection des connexions restantes étant guidée par l'activité synaptique. Ce faisant, le mécanisme garantit que ce sont les synapses les plus utilisées, les plus "utiles", qui sont conservées.
 
Un exemple classique d’élagage synaptique lié aux neurotrophines est celui de l'innervation de la glande mammaire de la souris. Chez la souris adulte, la glande mammaire est fortement innervée par des neurones sensoriels chez la femelle, mais pas chez le mâle. Au début du développement, la glande mammaire est innervée chez les deux sexes, mais régresse ensuite chez le mâle. Les recherches ont montré que cela était lié à une expression différente des récepteurs des neurotrophines. Au début du développement, la glande mammaire émet des neurotrophines et notamment du BDNF (''Brain Derived Nerve Factor''), qui favorise la survie des synapses, en agissant sur un récepteur nommé TrkB, localisé à la surface des neurones et des axones. Puis, chez le mâle, les hormones sexuelles mâles favorisent l'expression d'un récepteur particulier dans la glande mammaire, qui devient insensible à la neurotrophine BDNF. Les neurones ne percoiventperçoivent plus le signal de survie des neurotrophines et l'élagage synaptique démarre. Au final, les mâles perdent leur innervation car les neurones concernés deviennent insensibles aux neurotrophines, alors que ceux de la femelle ne sont pas touchés.
Un argument en faveur de ces deux hypothèses est l'observation de espèces aux réseaux de neurones simples. Sur certaines espèces d'invertébrés (d'insectes ou d'invertébrés marins), les circuits neuronaux ne sont pas construits par foisonnement de synapses, dont la plupart sont éliminées. A la place, les circuits neuronaux sont simples, composés d'un faible nombre de neurones et les connexions entre ceux-ci sont presque identiques d'un individu à l'autre. La mise en place de ces réseaux neuronaux est déterminée directement par le code génétique, avec une faible influence de l'expérience sur le développement neural. Les circuits sont assez simples pour le génome détermine individuellement la destinée et les connexions de chaque neurone à l'avance. Pas besoin de créer des connexions au hasard pour en sélectionner un petit nombre ensuite, l'élagage synaptique est inutile. Et ces espèces ont souvent un répertoire comportemental rigide, inné, bien moins modifiable par l'expérience que celui des vertébrés.
 
==La formation des jonctions neuromusculaires==