« Neurosciences/L'épissage synaptique, l'élimination des synapses inutiles » : différence entre les versions

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Lors du développement, de nombreuses synapses sont formées et restent en place jusqu’à l'âge de 2 ans. Après cet âge, le nombre de synapses diminue graduellement, jusqu’à atteindre un minimum vers l'âge de 20 ans. Tout se passe comme si le cerveau fabriquait un grand nombre de synapses, avant de sélectionner progressivement les synapses utiles. L'élimination des synapses inutiles joue certainement un grand rôle avant la puberté, mais cela ne signifie pas que ce processus cesse au-delà de cet âge. En réalité, il se poursuit tout au long de la vie, bien qu'à une intensité inférieure que lors de l'enfance/adolescence. Les scientifiques ont aussi observé divers indices qui indiquent que ce processus jouerait un rôle dans l'apprentissage et la mémoire. La disparition des synapses "inutiles" est appelé l''''élagage synaptique''', le terme élagage décrivant assez bien le processus. Les axones et dendrites en trop sont éliminées, de manière à affiner les réseaux de neurones.
 
L'élagage synaptique est surtout présent lors du développement. J'ai cité plus haut l'élagage qui commence à l'âge de 2 ans et cesse vers le début de la vingtaine, mais ce processus est en réalité présent à toutes les étapes du développement. Il sert notamment à mettre en place divers réseaux de neurones cruciaux pour la motricité, la sensibilité corporelle, etc. Un autre exemple, très connu, est celui de la mise en place des jonctions neuromusculaires, où l'élagage synaptique garantit que chaque fibre musculaire est innervée par un seul motoneurone. Mais on peut aussi citer d'autres exemples, comme la maturation du colliculus supérieur, du cortex, du cervelet et bien d'autres. Autre exemple : les cellules de Purkinje du cervelet sont initialement innervées par plusieurs fibres grimpantes, mais toutes sauf une sont éliminées. Un dernier exemple est la maturation du colliculus supérieur et des connexions des cortex visuel et moteur. A la naissance, le cortex visuel et le cortex moteurs sont tous connectés à la moelle épinière et au colliculus supérieur. Les connexions entre cortex visuel et moelle épinière sont en trop, de même que les connexions entre cortex moteur et colliculus supérieur. Après la naissance, ces connexions en trop sont élaguées et disparaissent. Au final, le colliculus supérieur reste innervé par le cortex visuel, mais pas par le cortex moteur.
 
==Les différentes formes d'élagage synaptique==
 
Au sens strict, l'élagage synaptique est la disparition de certaines synapses inutiles ou redondantes. Ce processus est souvent confondu avec deux autres processus très liés. Le premier est l''''élagage axonal''', à savoir la simplification des axones, le second est l''''élagage dendritique''', à savoir la modification de la forme des dendrites, voire leur disparition. Pour résumer, les axones et dendrites en trop sont éliminées, de manière à affiner les réseaux de neurones. Gardons à l’esprit que ces trois processus d'élagage synaptique, axonal et dendritique sont liés et que l'un ne va pas sans l'autre. En effet, les axones ou dendrites deviennent inutile quand la synapse qu'ils formaient disparait. D'abord, une synapse disparait par élagage synaptique, puis l'axone et la dendrite concernée deviennent inutiles et subissent un élagage. Dans ce qui suit, nous parlerons d'élagage synaptique pour parler de ces trois phénomènes.
 
===Les différents types d'élagage axonal===
 
L'élagage axonal n'est pas la chasse gardée du développement, mais a encore lieu à l'âge adulte. Il y a cependant une grande différence : l'élagage axonal lors du développement et celui de l'âge adulte ne sont pas le même type d'élagage axonal. En effet, il existe deux types d'élagage axonal : l'élagage axonal de grande échelle et l'élagage de petite échelle.
 
Le premier type d'élagage axonal est la disparition de branches axonales redondantes. Pour rappel, un axone peut se subdiviser en plusieurs branches, souvent appelées branches collatérales. Cela arrive souvent lors du développement, où les axones se subdivisent et atteignent des neurones cibles différents. Mais dans le système nerveux mature, seule une branche axonale survit et les autres disparaissent (dans le cas le plus fréquent, avec de nombreuses exceptions). Il débarrasse le cerveau de connexions à longue distance, qui connectent des aires cérébrales séparées. Un tel type d’élagage synaptique est appelé l''''élagage synaptique stéréotypé de grande échelle''' et est le seul qui entraine une élimination de connexions surnuméraires inutiles.
 
L'élagage synaptique n'est pas la chasse gardée du développement, mais a encore lieu à l'âge adulte. Il y a cependant une grande différence. Lors du développement, l'élagage synaptique est surtout lié à l'élimination d'axones ou de branches collatérales d'axones. Il débarrasse le cerveau de connexions à longue distance, qui connectent des aires cérébrales séparées. Un tel type d’élagage synaptique est appelé l''''élagage synaptique stéréotypé de grande échelle''' et est le seul qui entraine une élimination de connexions surnuméraires inutiles. À l'opposé, l'élagage synaptique du cerveau mature élimine des boutons synaptiques en trop, mais aisselaisse les axones en place. A la rigueur, il peut éliminer des synapses qui connectent des neurones proches, des axones de courte distance, mais ce cas est plus rare que l'élimination de boutons internes à une synapse. On parle alors d''''élagage synaptique de petite échelle'''. Cette différence correspondrait à une différence fonctionnelle. L'élagage de longue distance sert à mettre en place les connexions et aires cérébrales importantes, à organiser l'anatomie du système nerveux. À l'inverse, l'élagage à petite distance est impliqué dans l'apprentissage et la mémoire. Son utilité principale est de ''tuner'' les réseaux de neurones locaux pour les rendre plus efficaces.
 
===L'élagage synaptique lors du développement===
 
Lors du développement, le cerveau crée un grand nombre de synapses redondantes qui n'ont pas toutes leur place les réseaux de neurones finaux. Au cours de la maturation du système nerveux, ces synapses surnuméraires sont éliminées par élagage synaptique. Le processus peut être appelé par le terme d'''input elimination'', dans le sens où les neurones concernés éliminent des innervations d'entrée en trop.
 
Lors du développement, le cerveau crée un grand nombre de synapses redondantes qui n'ont pas toutes leur place les réseaux de neurones finaux. Au cours de la maturation du système nerveux, ces synapses surnuméraires sont éliminées par élagage synaptique. Le processus peut être appelé par le terme d'''input elimination'', dans le sens où les neurones concernés éliminent des innervations d'entrée en trop. Faisons une précision importante : les synapses éliminées par l'élagage de grande échelle soientne sont pas des erreurs de mise en place des circuits neuronaux. En réalité, rien ne différencie les axones éliminés de ceux conservés, si ce n'est peut-être une petite différence de force synaptique qui s'amplifie avec l'élagage synaptique, et encore ! En réalité, le fait est que le cerveau fabrique de nombreuses synapses redondantes, car il n'a pas le choix. Prenons l'exemple des jonctions neuromusculaires. Le cerveau des vertébrés n'a pas les moyens de prédestiner chaque motoneurone à une fibre musculaire bien précise. Il génère de nombreux motoneurones identiques et chacun d'entre eux a la possibilité de se fixer à n'importe quelle fibre musculaire du muscle de destination. Ce faisant, de nombreuses connexions se créent et au final, l'élagage synaptique élimine les connexions redondantes pour n'en laisser qu'une. En clair, si le cerveau génère autant de connexions lors du développement, quitte à en supprimer la majorité après, c'est parce qu'il n'a pas les moyens techniques pour faire autrement. Une autre raison plausible est que cela permet aux circuits neuronaux d'être modelés par l'expérience, la sélection des connexions restantes étant guidée par l'activité synaptique. Ce faisant, le mécanisme garantit que ce sont les synapses les plus utilisées, les plus "utiles", qui sont conservées.
 
Un argument en faveur de ces deux hypothèses est l'observation de espèces aux réseaux de neurones simples. Sur certaines espèces d'invertébrés (d'insectes ou d'invertébrés marins), les circuits neuronaux ne sont pas construits par foisonnement de synapses, dont la plupart sont éliminées. A la place, les circuits neuronaux sont simples, composés d'un faible nombre de neurones et les connexions entre ceux-ci sont presque identiques d'un individu à l'autre. La mise en place de ces réseaux neuronaux est déterminée directement par le code génétique, avec une faible influence de l'expérience sur le développement neural. Les circuits sont assez simples pour le génome détermine individuellement la destinée et les connexions de chaque neurone à l'avance. Pas besoin de créer des connexions au hasard pour en sélectionner un petit nombre ensuite, l'élagage synaptique est inutile. Et ces espèces ont souvent un répertoire comportemental rigide, inné, bien moins modifiable par l'expérience que celui des vertébrés.
 
Il faut noter que si des synapses sont éliminées, les synapses survivantes deviennent plus efficaces et émettent plus de neurotransmetteurs après élagage synaptique. Tous les exemples cités auparavant montrent une claire amélioration de la force synaptique au fur et à mesure que les synapses surnuméraires sont élaguées. Le mécanisme derrière cette augmentation serait soit l'augmentation du nombre de boutons synaptiques par axone, soit l'amélioration du largage de neurotransmetteurs dans la synapse. Diverses observations semblent indiquer que les synapses survivantes augmentent leur nombre de boutons synaptiques, les plus parlantes étant les observations du ganglion périphérique submandibulaire. Dans ce ganglion, les axones et synapses peuvent facilement être comptés, pour diverses raisons. Et les observations montrent que si le nombre d'axones diminue avec l'élagage synaptique, le nombre de synapses proprement dit augmente. La seule explication est que les axones survivants forment plus de synapses qu'avant, en formant de nouveaux boutons synaptiques.
 
==La formation des jonctions neuromusculaires==
 
Voyons d'abord l'élagage synaptique lors de la formation des jonctions neuromusculaires. Rappelons qu'un axone peut se subdiviser en plusieurs branches, souvent appelées branches collatérales. Et seuleSeule une branche unique forme une jonction neuromusculaire, même si elle se subdivise en plusieurs boutons synaptiques à son extrémité. Du moins, c'est ce qu'on observe dans un système nerveux mature. Mais lors du développement, ce n'est pas le cas. Les motoneurones émettent des axones et branches en direction des muscles et les synapses motoneurone-muscle se forment au hasard. Aucun mécanisme n'empêche un neurone de se connecter à plusieurs fibres musculaires, de même que rien n’empêche plusieurs neurones de faire synapse à une même fibre musculaire, ou encore à plusieurs branches d'un même axone de se connecter au même neurone. Mais un tel réseau de connexions ne marcherait pas très bien et il faut idéalement une seule branche, une seule jonction neuromusculaire par fibre musculaire. Pour cela, les synapses surnuméraires sont progressivement éliminées de manière à ne laisser qu'une seule jonction neuromusculaire par fibre musculaire. Les branches des axones sont élaguées, de même que les axones en trop sont éliminés.
 
===Les observations sur l'élimination des branches===
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L'avis actuel est plutôt que les neurones entrent en compétition non pas au niveau de l'aire innervée sur la fibre, mais en termes de ressources synaptiques. Les ressources synaptiques en question sont les vésicules synaptiques, les neurotransmetteurs, les enzymes qui fabriquent l'acétylcholinéstérase et tout ce qui aide à libérer des neurotransmetteurs. Et ces ressources sont limitées et réparties dans les différentes branches. Un grand nombre de branches implique que chaque branche aura un faible nombre de ressources, et inversement pour un faible nombre de branches. Les axones avec beaucoup de branches sont désavantagés alors que ceux avec peu de branches sont avantagés. Plus un axone a de branches, plus chaque branche manquera de ressources pour stimuler la plaque motrice, par rapport à la concurrence. En conséquence, les neurones éliminent les branches inutiles pour économiser en énergie et utiliser leurs ressources au mieux.
 
==Les différentes formes d'élagage synaptique==
 
L'élagage synaptique n'est pas la chasse gardée du développement, mais a encore lieu à l'âge adulte. Il y a cependant une grande différence. Lors du développement, l'élagage synaptique est surtout lié à l'élimination d'axones ou de branches collatérales d'axones. Il débarrasse le cerveau de connexions à longue distance, qui connectent des aires cérébrales séparées. Un tel type d’élagage synaptique est appelé l''''élagage synaptique stéréotypé de grande échelle''' et est le seul qui entraine une élimination de connexions surnuméraires inutiles. À l'opposé, l'élagage synaptique du cerveau mature élimine des boutons synaptiques en trop, mais aisse les axones en place. A la rigueur, il peut éliminer des synapses qui connectent des neurones proches, des axones de courte distance, mais ce cas est plus rare que l'élimination de boutons internes à une synapse. On parle alors d''''élagage synaptique de petite échelle'''. Cette différence correspondrait à une différence fonctionnelle. L'élagage de longue distance sert à mettre en place les connexions et aires cérébrales importantes, à organiser l'anatomie du système nerveux. À l'inverse, l'élagage à petite distance est impliqué dans l'apprentissage et la mémoire. Son utilité principale est de ''tuner'' les réseaux de neurones locaux pour les rendre plus efficaces.
 
===L'élagage stéréotypé à grande échelle===
 
Lors du développement, le cerveau crée un grand nombre de synapses redondantes qui n'ont pas toutes leur place les réseaux de neurones finaux. Au cours de la maturation du système nerveux, ces synapses surnuméraires sont éliminées par élagage synaptique. Le processus peut être appelé par le terme d'''input elimination'', dans le sens où les neurones concernés éliminent des innervations d'entrée en trop. Faisons une précision importante : les synapses éliminées par l'élagage de grande échelle soient des erreurs de mise en place des circuits neuronaux. En réalité, rien ne différencie les axones éliminés de ceux conservés, si ce n'est peut-être une petite différence de force synaptique qui s'amplifie avec l'élagage synaptique, et encore ! En réalité, le fait est que le cerveau fabrique de nombreuses synapses redondantes, car il n'a pas le choix. Prenons l'exemple des jonctions neuromusculaires. Le cerveau des vertébrés n'a pas les moyens de prédestiner chaque motoneurone à une fibre musculaire bien précise. Il génère de nombreux motoneurones identiques et chacun d'entre eux a la possibilité de se fixer à n'importe quelle fibre musculaire du muscle de destination. Ce faisant, de nombreuses connexions se créent et au final, l'élagage synaptique élimine les connexions redondantes pour n'en laisser qu'une.
 
Il faut noter que si des synapses sont éliminées, les synapses survivantes deviennent plus efficaces et émettent plus de neurotransmetteurs après élagage synaptique. Tous les exemples cités auparavant montrent une claire amélioration de la force synaptique au fur et à mesure que les synapses surnuméraires sont élaguées. Le mécanisme derrière cette augmentation serait soit l'augmentation du nombre de boutons synaptiques par axone, soit l'amélioration du largage de neurotransmetteurs dans la synapse. Diverses observations semblent indiquer que les synapses survivantes augmentent leur nombre de boutons synaptiques, les plus parlantes étant les observations du ganglion périphérique submandibulaire. Dans ce ganglion, les axones et synapses peuvent facilement être comptés, pour diverses raisons. Et les observations montrent que si le nombre d'axones diminue avec l'élagage synaptique, le nombre de synapses proprement dit augmente. La seule explication est que les axones survivants forment plus de synapses qu'avant, en formant de nouveaux boutons synaptiques.
 
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