« Introduction à la sociologie/La sociologie et son objet/Délimitation et définitions de la sociologie » : différence entre les versions

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Je me permets ici de souligner un autre point. Il est à craindre que la posture relativiste que Feyerabend (1989) appelle de ses vœux, malgré les avantages incontestables qu'elle procure à mon sens (diversité, réflexions plus larges, créativité...), serait détournée de ses intentions initiales si elle venait à s'inscrire dans un système universitaire hiérarchisé et cloisonné. Le problème n'est pas anodin, car elle pourrait alors fort bien devenir une sorte de « dogme », dont la finalité serait de permettre aux écoles qui dominent l'institution de parvenir à un compromis entre leurs points de vues respectifs, ceci afin d'éviter des conflits directs. La science passerait alors d'un champ scientifique monopolisée par un seul courant, à un oligopole où quelques courants bien institutionnalisées se partageraient la quasi-totalité des ressources universitaires (enseignements, publications, recrutement, thèses, etc.) et reproduiraient une organisation hiérarchique et uniformisante au sein de leur domaine de compétences<ref>Sur cette dynamique de l'organisation sociale des différents idéologies, doctrines ou courants, on peut se référer à Berger et Luckmann, (2003, p 168-169). On peut également y intégrer l'approche d'[[w:Anselm Strauss|Anselm Strauss]] sur les mondes sociaux (Strauss, p 77 et p 83-86). </ref>. Bien sûr, dans une telle configuration sociale le mouvement créatif et désordonné que Feyerabend (1979) souhaitait voir émerger dans les sciences serait étouffé dans l’œuf par la structure hiérarchique et formelle de l'enseignement universitaire. Notons que Feyerabend est parfaitement conscient de ce problème puisque dans « ''Adieu la raison'' » (1989), il s'évertue à montrer que le relativisme dépend pour son existence de la structure sociale sous-jacente. C'est elle qui permet une diversification ou au contraire un appauvrissement des idées. Je ne fais là d'ailleurs que pousser dans ses extrémités le raisonnement de Pierre Bourdieu qui rappelle que « ''la critique épistémologique ne va pas sans une critique sociale'' », (Bourdieu, 1982, p 10). Soulignons que si ce point de vue affiche clairement sa conception externaliste de la science, (Soler, 2000, p 144), il n'exclut pas pour autant l'existence de déterminants internes à la Science, comme des contraintes fixées par « l'arbitrage du réel » (Bourdieu, 2001, p 137).
Peut-être en raison de cette inscription latente dans le contexte politique et idéologique, la sociologie a eu du mal historiquement à se constituer comme un champ autonome et unifié. Tandis que Marcel Mauss, par exemple la tirait vers l'anthropologie, Durkheim y introduisait volontiers des notions de Droit et de Morale. Max Weber lui, tentait de la réintégrer dans sa dimension historique et économique. Certains auteurs ont aussi pendant longtemps refusé d'en faire une science à part. Certains auteurs marxistes comme par exemple [[w:Karl Korsch|Karl Korsch]], refusent ainsi de scinder analytiquement le [[w:marxisme|marxisme]] en fonction de ses composantes politiques, économiques et sociologiques. Il faut effectivement admettre que la distinction entre la sociologie et les autres sciences sociales est toujours plus ou moins poreuse, et fluctue suivant les courants théoriques. Par exemple, [[w:Anthony Giddens|Anthony Giddens]] s'exclame à la fin de « ''La constitution de la société'' », « Tout comme entre l'histoire et la sociologie, il n'y a aucune différence logique ou méthodologique entre la géographie humaine et la sociologie ! », (Giddens, 1987, p 434). Le message est on ne peut plus clair. Et il n'est pas le seul à penser ainsi<ref>Voir à ce sujet « ''Les épistémologies constructivistes'' », (1999, p 8) de Jean-Louis Le Moigne. </ref>, des économistes comme [[w:Gary Becker|Gary Becker]] ou [[w:Herbert Simon|Herbert Simon]] ont oeuvréœuvré de leur côté pour faire sauter les barrières entre la science économique, la sociologie et la psychologie. Bien entendu, leurs positions sont loin de faire l'unanimité, cela d'autant plus que la théorie de Gary Becker, qui réduit une partie des actions humaines (mariage, nuptialité, éducation, etc.) à un calcul de maximisation des choix sous contraintes, est contestée par la majorité des sociologues.
 
=== La variabilité du contenu des définitions de la sociologie. ===