« Philosophie/Thalès de Milet/Tannery » : différence entre les versions
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Dans l'histoire de la philosophie prédomine aujourd'hui la croyance que, dès son aurore, la pensée hellène s'est développée indépendamment de toute influence étrangère. Il n'y a pas encore bien longtemps qu'une semblable opinion était également en faveur parmi les historiens des mathématiques ; mais, quoique ce soit peut-être dans les sciences exactes que s'affirme le plus la personnalité du génie inventeur, il semble que, de nos jours, les doctrines évolutionnistes aient rallié presque tous ceux qui étudient l'origine et les progrès de ces sciences, et c'est l'opinion inverse qui triomphe sans contestations sérieuses.
La divergence est parfaitement constatée par
Cependant, à moins de parti pris, il faut avouer que la reconnaissance de l'influence étrangère sur le premier point crée un préjugé en ce qui regarde le second. L'absence de témoignages positifs invoquée par E. Zeller ne peut d'ailleurs avoir une importance décisive, dès que l'on considère à quel degré sont restreintes les données que nous possédons sur les connaissances et les opinions de Thalès, et d'autre part, combien était profonde l'ignorance des auteurs de l'antiquité sur les croyances des barbares ayant trait à la philosophie.
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Nous nous proposons de tenter ici cette double étude. Il nous a semblé que les résultats des travaux de notre siècle, les points acquis dans l'histoire des mathématiques d'une part, et de l'autre, dans celle des anciens peuples de l'Orient, pouvaient mieux servir qu'ils ne l'ont fait jusqu'à présent à éclairer les sources de la philosophie. Quel que soit d'ailleurs le sort réservé aux thèses que nous soutiendrons, nous espérons que l'exposé des faits mis à l'appui suffira pour intéresser nos lecteurs.
Quant à nos conclusions, peut-être convient-il de les résumer d'avance. Nous essaierons de montrer que c'est vraiment aux Grecs qu'appartient la gloire d'avoir constitué les sciences aussi bien que la philosophie ; mais si l'originalité de leur génie éclate, par exemple dès [[Philosophie/Anaximandre de Milet|Anaximandre de Milet]], le véritable chef de l'école ionienne, rien ne prouve que Thalès en particulier ait fait autre chose que de provoquer le mouvement intellectuel, que de susciter l'étincelle, en introduisant dans le milieu hellène des procédés techniques empruntés aux Barbares et en y faisant connaitre leurs opinions. Ce rôle a pu être joué également par beaucoup d'autres voyageurs de son temps ; mais il fut sans doute l'observateur le plus sagace et le plus habile initiateur. Esprit d'ailleurs, semble-t-il, moins spéculatif que pratique{{Refl|2}}, il n'a pas fait de longues études auprès des sanctuaires de
== II ==
Vers le milieu du septième siècle avant Jésus-Christ, la reconnaissance du fondateur de la dynastie saïte ouvre
A côté des mercenaires et des commerçants arrivent de nombreux émigrants qui fondent de véritables colonies. Des Milésiens viennent avec trente navires et établissent un comptoir fortifié. II y a bientôt dans le Delta une caste formée par les interprètes. L'invasion pacifique s'étend sur
Quelque degré de civilisation que fussent déjà parvenus les Grecs, ils n'étaient encore que des enfants vis-à-vis des
Voilà à peu près comme on peut reconstituer le cadre de sa biographie a. Sans doute les hypothèses y jouent leur rôle, mais l'ensemble est plausible et concorde suffisamment avec les données historiques que l'on possède.
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Il n'est au reste qu'un point qui mérite une discussion sérieuse; il s'agit de la réalité de la prédiction de l'éclipse, fait souvent révoqué en doute, et auquel nous attachons d'autant plus d'importance qu'il semble vraiment, par la renommée qu'il valut à Thalès, avoir éveillé dans la race hellène l'amour de la science et l'émulation vers ce but de la vie.
M. Th.-H. Martin 3 a notamment combattu la réalité de cette prédiction. Il s'appuie sur un point d'ailleurs incontestable, que, pour essayer d'annoncer une éclipse solaire avec quelque chance de succès, il faut posséder certains éléments astronomiques qui n'ont été connus, et encore très approximativement, qu'au nie siècle avant Jésus-Christ (Aristarque de Samos), et mis en
Si ingénieux que soient les arguments invoqués par l'illustre érudit à l'appui de son opinion, elle ne peut nous satisfaire. Tout d'abord, les textes anciens' parlent uniquement d'une prédiction, non d'une explication. Le récit, d'après Diogène Laërce, remonte d'ailleurs à Xénophane, presque contemporain de Thalès; il est difficile de demander plus pour cette époque, comme preuve historique.
A la vérité, il est possible, probable même, que Thalès a donné une explication du phénomène; mais il n'a certainement pas connu la véritable. Autrement, il serait inexplicable que, pendant un siècle après lui, tous les Ioniens aient épuisé leur imagination pour les solutions fantaisistes que nous rappellerons plus loin. C'est Anaxagore de Ctazomène qui, le premier, enseignera la doctrine scientifique, qui ne verra dans la lune qu'un corps obscur par lui-même, reflétant la lumière du soleil, qui expliquera ainsi du même coup les phases, les éclipses de lune et celles de soleil; et c'est lui qui le premier rendra, dans les fers, témoignage pour la vérité ".
Pour Thalès, la question est d'ailleurs beaucoup moins de savoir s'il a pu prédire une éclipse de soleil avec quelques chances de succès, que si, l'ayant annoncée,
Or on sait, à n'en pas douter, que les astrologues orientaux, dès le huitième siècle avant Jésus-Christ, prévoyaient les éclipses possibles et les annonçaient comme devant arriver; on nous permettra de citer ici un curieux texte cunéiforme déchiffré par M. Smith3.
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{{Refa|2}}(texte grec) Platon, Civitas, X, 600, a.
1. On a révoqué en doute jusqu'au voyage de Thalès en
2. Il nous parait inutile d'indiquer les sources, faciles à retrouver. ,T'ai fait au reste, dans toute cette étude, de fréquents emprunts à Letronne, Mémoire ur la czvzicsation égyptienne depuis l'établissement des Grecs sous Psazn-rniticlaus jusqu'à la conquête d'Alexandre. - G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient, ouvrage désormais classique. - Bretschneider, Die Geo>reed•ie und die Georrceter vor Ruklides. Leipzig, Teubner, 1870.
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