« Mémoire/La subdivision de la mémoire à long-terme » : différence entre les versions

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Dans les chapitres précédents, nous avons vu que la mémoire est subdivisée en une MCT et une MLT. Cette constatation vient de l'observation de patients cérébrolésés. La plupart de ces patients gardent une MCT intacte (ou presque), mais leur MLT est endommagée. Le cas le plus spectaculaire est celui des amnésiques qui ont perdu toute possibilité de former des souvenirs ou d’apprendre des faits. Le cas le plus connu est celui du patient H.M, un patient dont l'observation a révolutionné les neurosciences et les conceptions sur le fonctionnement de la mémoire. Après une opération censée soigner ses graves crises d'épilepsies, ce patient avait perdu toute possibilité de former de nouveaux souvenirs ou d'apprendre des connaissances : il oubliait tout après quelques secondes. Sa mémoire antérieure était pourtant intacte : il se souvenait de tout ce qui se passait avant son opération. L'interprétation de ces observations dans le modèle d'Atkinson et SchiffrinShiffrin est relativement simple : la MCT et la MLT étant déconnectées, l'encodage en MLT est impossible chez ces patients, la MCT et la MLT étant alors déconnectée, (le transfert des informations ne pouvant aller que de la MLTMCT vers la MCTMLT).
 
==Les subdivisions de la mémoire à long-terme==
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Si la MCT est certainement subdivisée en plusieurs sous-systèmes, le fait est que la même chose semble être valable avec la MLT. Encore une fois, les observations sur les patients amnésiques en donnent une bonne illustration. Par exemple, des observations relativement anciennes montrèrent que H.M gardait cependant une capacité de mémorisation à long-terme très différente de celle étudiée dans les expériences antérieures. Entre autres, sa performance de résolution d'un problème relativement connu, les tours de Hanoï, augmentait suite à un entrainement. Et cela sans que H.M garde le moindre souvenir des séances d'apprentissage. À chaque nouvelle séance, il disait n’avoir jamais eu affaire à ce problème des tours de Hanoï, alors que sa performance augmentait à chaque essai. Dans le même genre, H.M a appris à lire un texte en miroir, suite à plusieurs séances d'entrainement. Des apprentissage moteurs simples étaient aussi possibles.
 
Ces apprentissages avaient cependant une nature différente des apprentissages verbaux ou conceptuels usuels. H.M ne pouvait pas former de souvenirs ou de connaissances, mais certains apprentissages moteurs ou sensoriels étaient possibles. Ces apprentissage avaient lieu sans conscience d'avoir appris quelque chose, contrairement aux faits et souvenirs, et s'exprimaient dans une performance quelconque. Ces apprentissages étaient de plus des apprentissages longs, qui se traduisaient par une augmentation régulière des performances suite à des entraînements à base de nombreuses répétitions régulières. La seule manière d'expliquer ces observations est de postuler l'existence de deux systèmes de mémoire : un système déclaratif pour les souvenirs et connaissances, et un autre pour les automatismes moteurs, cognitifs et sensoriels. La première est appelée '''mémoire déclarative/explicite''', tandis que la seconde est appelée '''mémoire non déclarative / implicite'''. Il est apparu que ces deux mémoires impliquent des zones du cerveau totalement différentes. Ces deux mémoires sont elles-mêmes subdivisées, comme on le verra par la suite.
 
Ces deux mémoires sont elles-mêmes décomposées en mémoires séparées. La mémoire implicite est décomposée en mémoire perceptive (vision, audition, et autres), procédurale (automatismes moteurs et cognitifs), ainsi que des mémoires séparées pour les conditionnements et les apprentissages non-associatifs. La mémoire déclarative est séparée en trois : un lexique mental pour les connaissances liées au langage, une mémoire sémantique pour les connaissances conceptuelles ou sémantiques, et une mémoire épisodiquesépisodique pour les souvenirs.
 
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===La mémoire sémantique===
 
La première forme de mémoire déclarative est la '''mémoire sémantique''', qui mémorise des connaissances, qu'il s'agisse du sens des mots, de la date de la mort de Napoléon, de la formule chimique de l'eau, de ce qu'est un arbre, ce à quoi ressemble une chauve-souris, ou comment faire du café. De manière générale, la mémoire sémantique est celle chargée de mémoriser les connaissances abstraites, essentiellement sous la forme de catégories (des ensembles d'objets similaires qui partagent des propriétés communes, comme "animal", "plante", "nombre premier", "molécules", et ainsi de suite). C'est la mémoire du langage, celle qui mémorise les informations sur les mots, leur signification, leur orthographe, et ainsi de suite.
 
La preuve de l'existence de cette mémoire proviennent de cas d''''agnosies''' et d''''anomies''', des déficits de catégorisation ou de nommage d'objets, ainsi que des '''aphasies''', des troubles du langage d'origine cérébrale. Les patients atteints d'anomies n'arrivent pas à nommer des objets, personnes ou concepts quand on leur présente. L'agnosie est similaire, dans le sens où il s'agit d'un déficit de catégorisation des objets et visages. Les patients agnosiques ou anomiques ont des difficultés pour nommer certaines catégories d'objets et ne peuvent donner des informations pertinentes à son propos. Par contre, elles peuvent dessiner cet objet sans problème : il n'y a pas de déficit perceptif. Certaines agnosies dégradent la capacité de reconnaitre les visages : on parle de '''prosopagnosie'''. Les patients atteint de ce trouble ne peuvent pas reconnaitre les visages de leurs proches, amis, ou connaissances. Ils peuvent voir les visages, les décrire, et n'ont pas de déficits de perception. Ils peuvent parfois identifier le sexe ou l'âge de la personne quand on leur présente un visage (sur photographie, ou en personne). Cette identification des visages, ainsi que de certains objets, est généralement causé par des lésions dans le cortex temporal, et notamment dans une de ses subdivision : le gyrus fusiforme.
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===Amorçage perceptif===
 
L''''amorçage''' apparaitapparaît une fois qu'on a présenté un stimulus (que ce soit la première fois ou non) : le stimulus est alors perçu plus rapidement ou avec plus de détails lors des prochaines présentations. Cette forme de mémoire peut être vue comme une mémoire perceptive, qui mémorise les stimulus et permet de reconnaitrereconnaître plus facilement les stimulus déjà connus. Cette forme de mémoire touche toutes les modalités sensorielles : la vision, l'audition, le toucher, etc. Il s'agit d'une mémoire implicite, comme le montre les exemples de patients atteints de déficits lourds de la mémoire déclarative, qui gardent un amorçage parfaitement normal.
 
La reconnaissance des mots est un bon exemple d'amorçage. Le meilleur moyen de montrer que la reconnaissance des mots est un processus automatique provient des tâches d''''{{w|effet Stroop}}'''. Cet effet nous dit que dans certains cas, les automatismes vont interférer avec les processus mentaux conscients. Prenons un exemple : essayez de donner la couleur dans laquelle sont écrits les mots de la liste ci-dessous. Logiquement, la seconde liste devait être plus dure. Cela vient du fait que les mots de la seconde liste sont plus souvent coloriés dans des couleurs qui ne correspondent pas au mot écrit (vert colorié en rouge, par exemple), tandis que la majorité des mots de la première liste ont une couleur qui leur correspond (rouge écrit en rouge, par exemple). Pour les mots écrits dans une couleur qui ne leur correspond pas, la reconnaissance automatique du mot va venir perturber le processus d'identification de la couleur : le cerveau devra alors faire un effort pour réprimer la lecture automatique du mot pour se concentrer sur sa couleur (chose qui est assez difficile, vu que les lecteurs normaux ne sont pas trop habitués à ce genre d'exercice).
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==Résumé des chapitres précédents==
 
Avec ce chapitre, nous savonsavons appris qu'il existe plusieurs formes de mémoiremémoires (mémoire sensorielle, à court-terme, à long-terme), elleelles-mêmes subdivisées en sous-formes de mémoires séparées. Le schéma ci-dessous résume l'ensemble des chapitres précédents, et récapitule toutes les formes de mémoire connues à ce jour. Dans les chapitres suivants, nous allons détailler comment ces différentes formes de mémoire fonctionnent. Nous allons d'abord étudier la mémoire déclarative, et notamment les processus de rappel, de mémorisation et de stockage de l'information. En bref, nous allons voir comment on fait pour se rappeler de quelque chose, comment le cerveau fait pour mémoriser une information quelconque, etc. Par la suite, nous étudierons les différentes formes de mémoire non-déclaratives, comme le conditionnement ou l'habituation.
 
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Dans les chapitres suivants, nous allons détailler comment ces différentes formes de mémoire fonctionnent. Nous allons d'abord étudier la mémoire déclarative, et notamment les processus de rappel, de mémorisation et de stockage de l'information. En bref, nous allons voir comment on fait pour se rappeler de quelque chose, comment le cerveau fait pour mémoriser une information quelconque, etc. Par la suite, nous étudierons les différentes formes de mémoires non-déclaratives, comme le conditionnement ou l'habituation.
 
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