« États généraux du multilinguisme dans les outre-mer/Thématiques/L’emploi des langues : plurilinguisme, pratiques individuelles et pratiques sociales » : différence entre les versions

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m langues maternelles parlées par des élèves dans une classe (ici dans la ville de Kourou) et puis vous avez la représentation sur le graphique→‎Propos introductif : Isabelle Léglise (Structure et dynamique des langues - Centres d'études des langues indigènes d'Amérique / CNRS)
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Parler de [http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/division_fr.asp multilinguisme et de plurilinguisme], voici les définitions que je vais utiliser : le multilinguisme, et j’utilise ici les définitions du [[w:Conseil de l'Europe|conseil de l’Europe]], renvoie à la coprésence, à la présence, sur un même espace géographique, d’un certain nombre de langues et, sur cet espace géographique, on peut avoir des locuteurs monolingues ou plurilingues. Par ailleurs, le plurilinguisme renvoie plus du point de vue du locuteur qui parle et cela renvoie au répertoire des variétés de langues que de nombreux individus utilisent sur un espace, que cet espace soit vu comme monolingue ou multilingue. Et donc, dans ces espaces multilingues, nous pouvons avoir des locuteurs monolingues ou plurilingues. Il me semble que cette distinction est importante à mettre en exergue.
 
Pour citer l’exemple de la Guyane, nous sommes ici face à une Guyane multilingue où il y a un certain nombre de langues qui sont parlées. Vous avez ici les résultats d’une enquête que j’ai menée dans les écoles en Guyane et qui montre la grande diversité de langues maternelles, de langues transmises en famille, on arrive à une quarantaine avec des pourcentages plus ou moins importants. Non seulement la Guyane est multilingue, mais elle est également plurilingue, majoritairement plurilingue. Si je m’intéresse aux élèves de 10 ans, 93% d’entre-eux déclarent parler deux langues, en général leur langue maternelle plus le français, c’est normal, c’est la langue de l’école, mais 41% déclarent parler au moins trois langues et 11% au moins quatre langues, etc. Donc, la Guyane,c'est non seulement un territoire multilingue mais aussi une population majoritairement plurilingue. Je vous ai parlé des répertoires, vous voyez ici que le français (là c’était une enquête à [[w:Apatou|Apatou]]) est déclaré par 2% des élèves comme parlé avant d’aller à l’école et puis, évidemment, une fois qu’ils sont rentrés à l’école, ils le parlent tous au bout d’un certain temps. Vous avez par exemple ici le [[w:Sranan|Sranan Tongo]] qui n’apparaît pas comme dans les langues maternelles des élèves mais qui est appris par la suite par les élèves, au contact de leurs amis, suite à des voyages dans la région environnante, etc. Et donc ces élèves plurilingues se retrouvent dans des classes multilingues, vous avez ici la représentation des langues maternelles parlées par des élèves dans une classe (ici dans dans la ville de [[w:Kourou|Kourou]]) et puis vous avez la représentation sur le graphique, plus bas, de l’empilement des langues que l’on apprend progressivement, les langues que l'on apprend en famille, les langues que l'on apprend à l’école, les langues que l'on apprend auprès des amis, lors des voyages, les langues étrangères que l'on apprend ensuite à l’école, etc. Ce qui fait que les locuteurs possèdent des répertoires plurilingues et que ces répertoires évoluent au cours du temps, c’est-à-dire qu’évidemment le répertoire n'est pas le même à trois ans, à dix ans, à quinze ans, à vingt ans, quarante, etc.
 
Face à ces répertoires plurilingues, les individus utilisent leurs langues, gèrent leur plurilinguisme. Vous avez l’empilement des répertoires sur l’ensemble des élèves en Guyane, ce sont les résultats que j’ai pour l’instant, avec évidemment un poids extrêmement important du français, pas tant comme langue maternelle, mais ajoutée au répertoire par la suite avec les autres langues. Et évidemment, cela est à un instant T, pour des élèves qui ont 10 ans. On n’aurait pas les mêmes résultats si on prenait une tranche d’âge comme 25 ans, 40 ou 60 ans. Un individu, par exemple un enfant, qui déclare parler 5 langues dans son répertoire, quel que soit la compétence qu’il ait dans ces langues, il peut parler dans une langue à son père, son père peut lui répondre dans cette langue plus une autre langue, il peut s’adresser à sa mère dans une 3ème langue, par ailleurs, avec ses frères et sœurs le français rentre parce qu’il y a l’école et donc le français, et avec ses amis, non seulement les langues de la maison plus le français plus le créole, la cour de récréation, etc. Vous voyez là un autre exemple où l’on voit l’entrée des langues, comment les locuteurs gèrent les langues. Vous avez par exemple des enfants dans une famille. Tout ce qui est en rouge est leur langue maternelle, un créole à base anglaise, et puis vous voyez des entrées du français, à l’intérieur, dans leurs échanges entre eux, les enfants, mais aussi quand ils s’adressent à leurs parents, parents qui ne parlent pas le français par ailleurs. Donc, là, vous avez le vocabulaire d’origine scolaire qui entre. Là, vous avez des exemples plus complexes de communication en situation [[w:exolingue|exolingue]], c’est-à-dire une situation dans laquelle les interlocuteurs ne partagent pas les mêmes langues. C’est une chose très fréquente en Guyane et fréquente aussi dans d’autres contextes. Ici, vous avez par exemple des échanges à l’hôpital, entre l’équipe soignante et le patient, et la famille du patient, avec des essais pour communiquer minimalement. Mais on n’arrive pas à dépasser le stade du minimal. Vous avez là d’autres exemples de l’hôpital où, face à un patient brésilien, l’infirmière, alors que tous les échanges sont en français et le patient brésilien ne parle pas français, va essayer d’approximer le portugais du Brésil et donc utiliser ce qu’elle possède dans son répertoire plurilingue, l’espagnol qu’elle a appris à l’école il y a longtemps, qu’elle parle très imparfaitement, pour essayer, par une communication minimale l’un avec l’autre, et le patient brésilien va essayer d’aller du portugais vers l’espagnol pour que, finalement, ils arrivent à, établir le diagnostic, là en l’occurrence : il a mal au ventre quand il marche.