« Psychologie cognitive pour l'enseignant/Transfert d'apprentissages » : différence entre les versions

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===Transfert proche contre transfert lointain===
 
Une première distinction serait celle du transfert qui a lieu dans les limites d'un domaine de connaissance (discipline scolaire, par exemple), comparé au transfert plus large, qui transcende les bornes des domaines de connaissances usuels. La première est essentiellement basée sur des savoirs liés à une discipline scolaire, ou tout du moins à un ensemble de disciplines fortement imbriquées (mathématiques et physique, par exemple). La seconde est une forme de de transfert plus générale, entre domaines très différents. Ces deux formes de transfert sont appelées respectivement '''transfert proche''' (dans un domaine ou entre disciplines proches) et '''transfert lointain''' (entre domaines sans rapports).
 
Notons que la notion de transfert lointain a un lien, bien qu'indirect, avec la notion de ''compétences''. Par compétences, on veut parler du concept tel qu'il est utilisé dans le domaine de l'éducation, pas dans le sens commun. Par définition, l'acquisition de compétences générales a des conséquences au-delà des limites d'une discipline, ce qui permet le transfert lointain. Mais attention : tout transfert lointain n'est pas forcément lié à l'acquisition d'une compétence générale. La question principale, pour certains auteurs, serait de favoriser l'acquisition de compétences générales. Leurs interrogations visent à savoir comment développer certaines compétences, de manière indirecte. Par exemple, certains de ces auteurs peuvent supposer que faire des mathématiques ou du latin forme à la logique et au raisonnement. Beaucoup de spécialistes en psychologie cognitive en doutent, comme on le verra plus loin.
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Le '''transfert vertical''' s'illustre quand la connaissance d'un concept facilite la compréhension d'un autre. Par exemple, maitriser les fractions facilitera la compréhension des pourcentages, de même que connaitre les symboles des différents éléments chimiques est un pré-requis pour pouvoir écrire des équations stœchiométriques. Pour illustrer ce transfert vertical, on peut citer l'étude de Uprichard (1970), qui montre que les notions d'infériorité ou de supériorité nécessitent d'avoir maitrisé le concept d’égalité avant de pouvoir être apprises. De même, la maitrise de l’algèbre a pour pré-requis de maîtriser les opérations arithmétiques de base et l’égalité (Gagné, 1962). Et ces résultats peuvent se généraliser à de nombreux autres domaines, comme la trigonométrie (Winkles, 1986), l’écologie (Griffiths et Grant, 1985), la chimie (Griffiths, Kass, et Cornish, 1983), l’économie (Hurst et al. 1978), etc. Mais on peut aussi citer les cas où une connaissance est réutilisable dans un autre domaine. Par exemple, on peut citer l'exemple classique des mathématiques et de la physique : les connaissances mathématiques peuvent être utilisées dans des cours de physique, dans des formules, des démonstrations, etc. Ce transfert vertical est la conséquence de l'existence de pré-requis et de connaissances propédeutiques. Il implique que l'acquisition de connaissances ou compétences complexes est plus facile si l'élève a maitrisé des habiletés et connaissances plus simples et que les pré-requis sont maitrisés.
 
Précisons que le transfert horizontal a surtout été étudié par des auteurs francophones, tels Jacques Tardif et Philippe Meirieu<ref>http://w3.uqo.ca/moreau/documents/Tardif1996.pdf</ref>, dont les travaux ont étésété beaucoup cités dans un débat qui a animé le Québec autour du transfert, juste avant la grande réforme scolaire lancée en 2000. De manière générale, les auteurs anglo-saxons donnent plus d'importance au transfert vertical qu'au transfert horizontal. La raison tient dans la difficulté à observer avec certitude un transfert horizontal dans les études de psychologie cognitive, basée sur l'étude de tâches assez simples, dans un contexte expérimental, qui réduit assez fortement les ambiguïtés. Autant les phénomènes de transfert vertical sont assez visibles et intuitifs (tous les enseignants savent ce qu'est un pré-requis), autant ce n'est pas le cas des phénomènes de transfert horizontal. Autant le transfert analogique est beaucoup étudié dans le domaine de la résolution de problèmes, autant les autres formes de transfert horizontaux sont moins bien connus.
 
===Transfert positif ou négatif===
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Le transfert proche est avant tout une question de connaissances, et plus précisément de leur accessibilité. Plus une connaissance est accessible en mémoire, connectée à un riche réseau sémantique, plus elle sera accessible à partir d'indices de récupération différents, et donc de situations différentes. On retrouve encore une fois l'utilité d'un solide stock de savoirs interconnectés avec pertinence.
 
Le transfert proche a souvent lieu entre des tâches relativement similaires. C'est ainsi qu'un élève qui a appris à résoudre des calculs simples peut appliquer ces compétences pour résoudre des problèmes d'épicerie, ou qu'un élève qui sait appliquer ses règles de grammaire dans des exercices scolaires peut les utiliser lors de la rédaction d'un texte assez court. De manière générale, deux situations doivent avoir quelque chose en commun pour qu'il y aieait transfert entre elles. Ce quelque chose en commun peuvent être aussi bien de simples aspects perceptifs (comme le stipule la théorie des éléments identiques de Thorndike), que des connaissances abstraites comme des concepts, une catégorie, de propriétés partagées, ou autre. Ces dernières permettent de capturer un grand nombre de situations de part leur structure. A ce petit jeu, les catégories sont assez importantes. Ainsi, le but de l'apprentissage est de permettre à l'élève d'acquérir des abstractions, des concepts, des catégories qui capturent un large spectre de situations.
 
Une connaissance accessible uniquement dans des contextes limités, identiques à celui d'apprentissage, est une connaissance très concrète. Daniel willinghamWillingham qualifie ces apprentissages de connaissances inflexibles. Néanmoins, ces connaissances peuvent, suite à un apprentissage bien conçu, évoluer en connaissances flexibles, plus abstraites et générales. L'acquisition de connaissances inflexibles est vue, dans la vision de Willingham, comme une première étape de l'apprentissage, les connaissances se flexibilisant de plus en plus avec la pratique, ou des acquisitions ultérieures[4]. Cette forme de transfert, par abstraction progressive de connaissances concrètes, contextuelles, est une forme puissante de transfert, qui se base sur des processus de généralisation, comme la formation de catégories, l'analogie.
 
Pour en donner un exemple, on peut citer la fameuse étude de Chi et al. (1981). Dans celle-ci, les expérimentateurs ont observésobservé comment des experts (des professeurs de physique), et des novices (des étudiants en début de cursus), catégorisaient et se représentaient mentalement des exercices de physiques. Leur étude a montré que les novices ont tendance à baser leurs analyses sur des détails présents dans l'énoncé (coefficients numérique, vocabulaire utilisé, etc), alors que les experts ont tendance à penser en fonction d'idées générales et de principes abstraits (la loi de conservation de l'énergie, la quantité de mouvement, etc). Au fur et à mesure que les étudiants progressent dans leurs études, ilils classent de plus en plus ces exercices en fonction des caractéristiques générales.
 
===Le transfert lointain : une quasi-utopie ?===
 
De manière générale, de telstelles capacités de transfert lointain sont douteuses.
 
Les études de Thorndike semblent montrer que la même chose vaut pour le latin, qui ne permet pas de favoriser la mémoire ou de structurer l’esprit, contrairement aux idées reçues. Différents programmes éducatifs ont aussi tenté d'enseigner le raisonnement en mettant fortement l'accent sur la logique mathématique, avec ses implications, modus tollens, etc. On pourrait citer les programmes "Head Start" américains, par exemple. Malheureusement, les résultats de ces programmes furent décevants : les élèves n'avaient pas vraiment appris à mieux raisonner, et les améliorations étaient au mieux marginales. Comme autre exemple, les études faites sur l'apprentissage de la programmation<ref>Pea and Kurland 1984</ref><ref>Salomon and Perkins 1987</ref> montrent que celui qui apprend à programmer apprend juste à programmer, et n'acquiert pas de méthodes de résolution de problèmes, de capacité à raisonner ou à abstraire, ni quoique ce soit d'autre. Ces expériences ne furent pas les seules tentatives pour entrainer des élèves ou des adultes à mieux raisonner. Mais les résultats concernant ce genre d'entrainement sont clairs : cela ne permet pas d'acquérir des compétences de raisonnement transférables dans des situations différentes de celles abordées lors de l'apprentissage.
 
Dans un tout autre registre, William James a effectué une étude assez simple sur l'apprentissage de poèmes, en 1890. Il commença par apprendre un premier poème, et mesura le temps et la fiabilité de son apprentissage. Par la suite, il continua à apprendre de nouveaux poèmes, et refit les mêmes mesures sur un poème totalement inédit, après avoir appris un grand nombre de poèmes en guise d’entraînement : aucune différence en termetermes de vitesse ou de fiabilité après entraînement.
 
Les études sur l'expertise montrent que que les compétences générales transdisciplinaires sont de peu d'utilité, l'expertise dans un domaine étant surtout dépendante du stock de connaissances spécifiques à un domaine de l'apprenant<ref>La cécité aux connaissances spécifiques, par André Tricot et John Sweller </ref>.
 
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