« Précis d'épistémologie/Les symétries » : différence entre les versions

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== Rien de nouveau sous le Soleil ==
 
Si tout était toujours nouveau, on ne pourrait jamais rien prévoir, parce qu'une nouveauté prévue n'est pas vraiment une nouveauté.
 
Si on ne pouvait jamais rien prévoir, on ne pourrait pas vérifier nos observations, parce que pour vérifier, il faut anticiper ce qui doit être observé.
 
Si on ne pouvait pas vérifier nos observations, on ne pourrait pas développer le savoir sur la réalité observable.
 
Pour que le savoir soit possible, il ne faut pas que tout soit toujours nouveau, il faut plutôt au contraire que tout soit toujours pareil.
 
La lumière qui nous vient des étoiles éloignées est la même que celle du Soleil, ou que celle que nous produisons sur Terre. Elle se comporte toujours de la même façon. ''« Il n'y a rien de nouveau sous le Soleil. »'' (Écclésiaste) Les lois de l'optique sont parmi les mieux connues et elles sont toujours vérifiées, souvent avec une excellente précision. Partout dans l'Univers la lumière est toujours la même et obéit toujours aux mêmes lois.
 
La lumière révèle les propriétés de la matière. Une substance naturelle peut toujours être identifiée par la spectroscopie, c'est à dire l'analyse de la lumière absorbée ou émise.
 
La lumière révèle que la matière est toujours la même partout dans l'Univers. Nous pouvons connaître la composition chimique des astres éloignés en analysant leur lumière.
 
Les substances naturelles se comportent toujours de la même façon dès qu'elles sont pures. L'eau pure a toujours les propriétés de l'eau pure. Elle obéit toujours aux mêmes lois. Pour elle aussi, rien de nouveau sous le Soleil.
 
Une substance naturelle est pure si elle est constituée de molécules ou d'atomes de la même espèce. L'eau pure contient seulement des molécules <math>H_2 O</math>.
 
Être de la même espèce n'exclut pas a priori d'avoir des propriétés différentes. Une espèce peut être divisée en sous-espèces. Pour qu'une substance naturelle soit vraiment pure, les molécules de la même espèce ne doivent pas pouvoir être séparées en sous-espèces, sinon la substance serait un mélange. Les espèces chimiques qui caractérisent les corps purs sont des espèces ultimes, qui ne peuvent pas être analysées davantage.
 
L'existence des corps chimiquement purs suggère que les atomes et les molécules sont naturellement indiscernables, parce que deux molécules de la même espèce chimique ne peuvent pas appartenir à des variétés différentes. Mais l'argument n'est pas pleinement concluant. Les molécules pourraient être individualisables par des propriétés différentes sans que ces propriétés permettent de distinguer des sous-espèces.
 
Que la lumière obéisse toujours aux mêmes lois suggère que ses particules, les photons, sont naturellement indiscernables. Rien dans le comportement d'un photon ne permet de le distinguer d'un autre photon.
 
Deux êtres naturels sont naturellement indiscernables lorsqu'ils ont les mêmes propriétés naturelles intrinsèques. Les propriétés naturelles intrinsèques sont les propriétés qu'ils conservent quand les circonstances varient, quand ils se trouvent pris dans divers arrangements naturellement possibles.
 
La nature d'un être est déterminée par ses propriétés naturelles. Un être n'est rien sans ses propriétés. Elles font tout ce qu'il est. Deux êtres qui ont les mêmes propriétés naturelles sont essentiellement semblables. L'un peut toujours être remplacé par l'autre. Tout ce qui est naturellement possible avec l'un est naturellement possible avec l'autre.
 
La physique des particules élémentaires et la thermodynamique imposent que les particules, les atomes et les molécules d'une même espèce sont naturellement indiscernables.
 
==Différence ou identité des indiscernables ?==
 
Le principe d'identité des indiscernables : si tout ce qui est vrai d'un être est également vrai de l'autre et inversement, alors ils sont le même être.
 
En un sens, l'identité des indiscernables est triviale. Si est x différent de y, il y a au moins une propriété vraie de x qui n'est pas vraie de y, d'être identique à x.
 
Mais pour l'indiscernabilité naturelle le principe d'identité des indiscernables est faux. Les particules, les atomes et les molécules d'une même espèce sont naturellement indiscernables, ils ont essentiellement les mêmes propriétés naturelles.
 
Le principe d'identité des indiscernables semble vrai si on se promène dans un jardin à la recherche de deux feuilles naturellement indiscernables, parce que les feuilles sont des êtres naturels très complexes. La diversité des feuilles naturellement possibles excède de très loin toutes les feuilles que notre univers pourrait contenir. Il y a une probabilité négligeable que deux feuilles aient exactement les mêmes propriétés naturelles, mais cette possibilité n'est pas exclue par les lois de la Nature. Elles n'interdisent pas que des êtres naturels aient exactement la même constitution et les mêmes propriétés naturelles. Au contraire, elles montrent que tous les êtres élémentaires d'une même espèce naturelle sont naturellement indiscernables.
 
Les êtres complexes tels que nous-mêmes sont toujours naturellement discernables. Il ne peut y avoir deux jumeaux naturellement indiscernables, parce que dans le monde actuel les possibilités naturelles ne se produisent qu'une fois, dès qu'elles sont suffisamment complexes. La probabilité que deux possibilités naturelles complexes soient indiscernables est toujours négligeable.
 
== Science de l'individuel ou science du général ? ==
 
La science est-elle plutôt de connaître des individus ou des lois ?
 
La science doit être la connaissance de la la vérité sur la réalité. Or seuls les individus sont vraiment réels. Les lois ne sont que des théories. La science doit donc être la science des individus pour être vraiment la science.
 
La science doit être un savoir universel, le même pour tous. Or les individus concrets ont une existence éphémère. Ils viennent de la poussière et redeviendront poussière. Comment la connaissance d'un individu pourrait-elle mériter le nom de science ? Comment pourrait-elle être un savoir qui mérite d'être partagé par tous ?
 
Une loi porte toujours sur un domaine d'individus. Elle peut ne mentionner aucun individu particulier. Sa vérité est alors générale et dépend seulement des propriétés et des relations qu'elle mentionne. Elle est donc un savoir de l'universel. Il semble que pour mériter d'être partagée par tous, la science doit être la connaissance des lois, donc être un savoir de l'universel. La science est parfois définie ainsi : le savoir universel de l'universel (Aristote, ''Seconds Analytiques'').
 
Faut-il en conclure que la science ne connaît que des lois et qu'elle ignore les individus ?
 
La connaissance des lois n'est pas séparée de celle des individus parce qu'on connaît les individus à partir de leurs propriétés et de leurs relations et parce qu'on connaît les propriétés et les relations à partir des lois qui déterminent leur place dans la totalité.
 
Pour bien connaître un individu il ne suffit pas de le percevoir, ou de savoir ce que d'autres ont perçu de lui, il faut aussi savoir raisonner à son sujet, parce qu'on peut ainsi déduire ce qui n'a pas encore été perçu. Et pour raisonner il faut connaître des lois. Même si on s'intéresse avant tout aux individus concrets, et non aux lois, on a besoin des lois, donc de la science du général, pour faire la science des individus.
 
Un individu est toujours connu avec la constellation de ses propriétés et de ses relations. Une telle conjonction suffit en général pour l'identifier parmi les autres individus, parce qu'elle suffit pour le distinguer parmi les autres, mais elle ne détermine pas complètement son individualité, parce qu'elle pourrait être également vraie d'un autre individu, une sorte de jumeau, naturellement très semblable. Un individu n'est donc jamais vraiment connu dans son individualité, mais seulement comme exemple d'une possibilité naturelle.
 
Certaines propriétés ne sont vraies que d'un seul individu : la propriété d'être identique à x n'est vraie que de x. On les appelle des haeccéités. Une haeccéité identifie un être dans son individualité. Or un individu concret est toujours connu à partir de ses propriétés observables et il peut toujours en principe avoir un jumeau, qui a les mêmes propriétés observables intrinsèques. Pour déterminer une haeccéité il faut davantage que les propriétés observables intrinsèques de l'individu identifié. Une haeccéité est déterminée avec les relations entre l'individu identifié et d'autres individus.
 
La permanence est un critère d'identification qui permet d'identifier un être durable. Si on suit en continu la trajectoire d'un mobile, et s'il ne s'est pas évaporé en cours de route, on peut être à peu près sûr que l'individu à la fin est le même qu'au début. C'est ainsi que nous nous reconnaissons nous-mêmes comme des individus. Je sais que je suis moi et que je ne serai jamais un autre parce que je suis un témoin permanent de moi-même. La permanence permet d'identifier un être durable par ses relations avec ses origines (Kripke 1972).
 
Plus généralement, tous les êtres sont identifiés par leur relations avec d'autres êtres. En particulier, nous situons tous les êtres concrets à partir de nous-mêmes et nous les identifions par leurs relations avec nous.
 
== La ressemblance ==
 
Deux êtres sont semblables lorsqu'une partie de ce qui est vrai de l'un est également vraie de l'autre. Deux êtres sont différents lorsqu'une partie de ce qui est vrai de l'un est fausse de l'autre.
 
Attribuer une propriété à un individu est une façon de de connaître ses ressemblances et ses différences. Dès que la même propriété est vraie de plusieurs êtres ils sont tous semblables entre eux, et tous différents de tous les êtres qui n'ont pas la même propriété.
 
Comme on connaît toujours les individus à partir de leurs propriétés (les relations sont des propriétés des couples ou des systèmes d'individus), connaître c'est toujours connaître des ressemblances et des différences.
 
Pourquoi les lois sont-elles parfois vraies ? Pourquoi y a-t-il des vérités générales ? Les événements et les individus sont toujours très différents, pourquoi alors la même affirmation devrait-elle être vraie de très nombreux cas particuliers ? Les êtres sont tous différents, mais ils sont aussi très semblables. Les lois énoncent ce qu'ils ont en commun.
 
Lorsqu'une loi est vraie de nombreux individus, ils sont tous semblables entre eux, parce qu'ils obéissent à la même loi, et tous différents de ceux qui ne lui obéissent pas. Pour connaître les lois, il faut donc connaître les façons dont les êtres peuvent se ressembler. Les principes de la science énoncent toujours des ressemblances fondamentales entre les individus et entre les systèmes.
 
== Le raisonnement par similitude et les types ==
 
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Le principe d'équivalence de tous les observateurs est au fondement non seulement de la physique théorique, mais aussi de toutes les sciences, parce que la raison exige que le savoir soit universel, que tout ce qui est un savoir pour l'un puisse également être un savoir pour tous les autres.
 
== La Nature obéit-elle vraiment à des lois ? ==
 
Nous croyons aux conclusions de nos raisonnements parce que nous croyons à la vérité des lois avec lesquelles nous raisonnons. Nous croyons que nous sommes capables de développer les sciences parce que nous croyons au principe d'équivalence de tous les observateurs.
 
Il est dans la nature de l'esprit de raisonner et donc de postuler des lois avec lesquelles raisonner. Un esprit ne peut pas développer son esprit sans penser à des lois. Il semble donc que l'existence des lois résulte de la nature de l'esprit. Mais la matière semble en général naturellement sans esprit, pourquoi obéirait-elle à des lois ?
 
Pour justifier nos savoirs et le principe d'équivalence de tous les observateurs, nous avons besoin de postuler que la Nature obéit à des lois, mais est-ce vraiment une croyance justifiée ? N'est-ce pas plutôt prendre son désir pour une réalité ? Il se pourrait que toutes les lois de la Nature auxquelles aujourd'hui nous croyons soient toutes réfutées par des observations à venir. Et la Nature ne pourrait-elle pas être sans loi ?
 
La matière ne serait pas la matière si elle n'obéissait pas à des lois. La matière est nécessairement détectable, elle doit donc obéir à des lois de détection, qui résultent des lois fondamentales d'interaction. Une matière qui n'obéirait à aucune loi ne serait pas détectable, et il n'y aurait pas de raison de l'appeler matière. Nous ne savons pas du tout ce que ce pourrait être, cela semble inconcevable.
 
Tout se passe comme si la matière et l'esprit avaient été faits l'un pour l'autre, parce que la nature de la matière est d'obéir à des lois et que la nature de l'esprit est de connaître les lois.
 
Ni la matière, ni a fortiori la vie et la conscience, ne pourraient exister et se développer si la Nature n'obéissait pas à des lois. Nous ne serions pas là pour en parler.
 
Nous n'avons pas à attendre de nos expériences qu'elles prouvent définitivement que la Nature obéit à des lois, ce qu'elles ne peuvent pas faire, puisque toute loi vérifiée aujourd'hui pourrait être réfutée demain, mais seulement qu'elles nous aident à trouver les lois de la Nature. Nous savons d'avance que la Nature obéit à des lois mais nous ne savons pas lesquelles. Comme la Nature ne semble pas être malicieuse, mais plutôt généreuse, il semble qu'un travail honnête et des expériences bien contrôlées suffisent pour trouver et prouver les lois auxquelles elle obéit. Si une loi est vérifiée par une expérience bien contrôlée, ou si elle est une conséquence logique de prémisses déjà bien prouvées, elle peut être considérée comme prouvée, jusqu'à preuve du contraire.
 
== La diversité des noms d'un même être ==