« Précis d'épistémologie/La recherche de la raison » : différence entre les versions

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Une pierre de touche est une pierre dure et rugueuse sur laquelle on frotte un échantillon de métal précieux pour éprouver sa pureté. L'essayeur identifie le métal à partir de la trace qu'il laisse sur la pierre. Nous sommes à la fois des pierres de touche et des essayeurs pour la raison. Nous éprouvons la raison sur nous-mêmes et l'évaluons à partir de ses traces sur nos esprits.
 
Un débutant n'est pas toujours capable de reconnaître ni tous les fruits de la raison, ni touset les bons principes, parce qu'il n'est pas encore un très bon essayeur de la raison, il doit l'apprendre, mais il est quand même un essayeur débutant, capable de reconnaître les fruits et les bons principes accessibles au débutant. Il prend conscience des bons principes quand ils le font progresser, quand ils le rendent plus compétent. Les bons principes doivent rendre compétent. S'ils ne rendent pas compétent, ils ne sont pas de bons principes. La raison est bonne pour tous les esprits, sinon elle n'est pas la raison.
 
Je suis pour moi-même un critère fondamental de reconnaissance du bon savoir, puisque je le reconnais en reconnaissant ma compétence.
 
Je suis la source, le milieu et la fin de la raison, la source parce que la raison naît de mes pensées, le milieu parce qu'elle se développe en moi quand je la cherche, la fin parce qu'elle s'accomplit quand je m'accomplis.
 
(...)
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(La suite est en cours de réécriture)
 
Chaque esprit est pour lui-même comme pour tous les autres un critère de reconnaissance de la raison, parce qu'elle est nécessairement ce qui est bon pour tous les esprits.
Nous pensons naturellement beaucoup d'erreurs mais nous ne sommes pas obligés de les approuver. L'approbation est une sorte de décision. Elle est précédée d'une phase d'évaluation. Critiquer les pensées, se demander si elles sont vraies ou fausses, justes ou erronées, est aussi naturel que penser, parce que nous sommes libres d'approuver ou non ce que nous pensons et ce qu'on nous dit.
 
Un véritable savoir peut toujours être partagé. Il me rend compétent parce qu'il peut rendre compétent tous les esprits. Si j'acquiers un savoir sans savoir l'expliquer, c'est que je ne l'ai pas bien compris. Pour maîtriser un savoir, il faut être capable de l'enseigner clairement à tous ceux qui veulent l'acquérir.
(...)
 
== La critique est une heuristique ==
 
(...)
Lorsque les prémisses fondamentales sont vraies par définition, en mathématiques en particulier, il est possible de donner des preuves infaillibles. Si on est sceptique, il suffit de vérifier la correction logique de la preuve pour supprimer toute possibilité de doute. Dans les sciences empiriques, il est parfois possible de s'approcher de cet idéal d'infaillibilité, lorsque nous avons d'excellentes théories dont les principes sont bien vérifiés par des expériences bien contrôlées. Mais très généralement nos preuves et notre savoir ne sont pas infaillibles. Si nous exigions du savoir qu'il soit infaillible pour être honoré comme un savoir, il faudrait nous priver de la plupart de nos connaissances. Et nous ne pourrions même pas développer le savoir. Une science parvenue à maturité, qui a atteint ou s'est approchée de l'idéal d'infaillibilité, n'a pas toujours été ainsi. Dans ses commencements elle était mêlée à beaucoup d'erreurs ou d'incertitudes.
 
La raison est naturellement et nécessairement faillible parce qu'elle est en perpétuel développement. Pour que la vérité d'un énoncé puisse être décidée de façon infaillible il faut que sa signification soit déterminée avec précision. Mais ce n'est pas ainsi que nous nous servons couramment de la parole. Et cela n'est pas souhaitable. Le plus souvent nos paroles sont données pour être interprétées. Nous inventons tous les jours de nouvelles interprétations, de nouvelles significations et de nouvelles expressions. Même les principes ne sont pas immuables, parce qu'à partir d'un même principe nous pouvons inventer d'innombrables variations. La multitude des possibilités d'interprétation est vitale pour l'acquisition du savoir, mais elle le rend très faillible, parce que la vérité d'une parole dépend de son interprétation.
 
Nous pensons naturellement beaucoup d'erreurs mais nous ne sommes pas obligés de les approuver. L'approbation est une sorte de décision. Elle est précédée d'une phase d'évaluation. Critiquer les pensées, se demander si elles sont vraies ou fausses, justes ou erronées, est aussi naturel que penser, parce que nous sommes libres d'approuver ou non ce que nous pensons et ce qu'on nous dit.
Un comportement ou un programme d'action est tolérant aux fautes lorsque l'erreur ne l'empêche pas de fonctionner correctement. Si des erreurs se produisent, elles sont simplement réparées ou corrigées, et le système continue à fonctionner. Il en va souvent ainsi, pas toujours, pour l'acquisition et l'utilisation du savoir. Heureusement. Sinon nous ne pourrions pas développer la raison.
 
Si la raison était généralement infaillible, la critique se réduirait à l'examen des preuves. Une fois que leur infaillibilité est vérifiée il ne resterait plus de place pour le doute ou la discussion. Mais généralement la raison n'est pas infaillible.
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== La critique est une heuristique ==
On peut douter d'une preuve en soupçonnant sa correction logique. Le plus souvent nos raisonnements ne sont pas complètement explicites. Nous laissons dans l'ombre une partie des prémisses nécessaires pour inférer nos conclusions, parce qu'elles semblent plutôt évidentes. Tout expliciter serait fastidieux. Mais ce recours à l'implicite cache parfois des erreurs de logique. Pour les détecter il faut expliciter l'implicite.
 
Même lorsque sa correction logique n'est pas suspecte, on peut douter d'une preuve en doutant de ses prémisses. Nous justifions notre savoir en donnant des preuves fondées sur des principes. Mais les principes doivent être eux-mêmes justifiés. Il faut qu'ils fassent leurs preuves en nous aidant à développer un bon savoir. Chacun peut se servir de sa propre expérience pour mettre des principes à l'épreuve et apprendre ainsi à reconnaître leur valeur. Mais il ne faut pas se limiter à sa propre expérience. Quand on prend un principe comme base d'un raisonnement, on affirme implicitement qu'il a une valeur universelle, qu'il peut servir à tous ceux qui veulent raisonner. Un principe doit donc être mis à l'épreuve de toutes les expériences de tous les êtres humains. Un principe fait ses preuves en aidant tous les êtres humains à développer un bon savoir.
 
Afin d'évaluer nos preuves nous devons les soumettre volontairement à la critique de tous les êtres humains en respectant le principe d'équivalence de tous les observateurs. Les objections et les tentatives de réfutation peuvent nous conduire à modifier nos raisonnements, et parfois même à les abandonner, si la réfutation est décisive. Nous développons le savoir en conservant les principes et les preuves qui résistent bien aux épreuves critiques et en renonçant aux autres.
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Tout le développement du savoir peut être conçu comme la résolution d'un unique et vaste problème. L'objectif est un savoir qui satisfasse notre désir d'intelligibilité. Nous explorons l'espace des possibles à chaque fois que nous examinons un savoir en vue de l'évaluer. Les épreuves critiques sont destinées à sélectionner les possibilités prometteuses. La critique est donc une heuristique qui nous aide à résoudre le problème du développement de la raison (Goodman 1955, Rawls 1971, Depaul 2006).
 
== Où trouve-t-on le grain à moudre ? ==
 
La raison nous invite à développer en commun un savoir universel, en cherchant honnêtement des vérités et des preuves, en respectant le principe d'équivalence de tous les observateurs, et plus généralement en se soumettant volontairement à toutes les règles de l'esprit critique.
 
La discipline critique nous rend capables de développer le savoir en mettant des théories à l'épreuve. Elle est comme un moulin, destiné à donner de la bonne farine, du bon savoir, à partir des théories qu'on lui donne. Mais où trouve-t-on le grain à moudre ? D'où sortent les théories que nous soumettons à la critique ?
 
Il n'y a pas à chercher très loin : tout ce qui nous passe par la tête et tout ce que nous disons, les pensées de bon sens, ou contraires au bon sens, les intuitions banales, ou originales, même les rêves et les délires, parce qu'ils nous font penser et parler. N'importe quelle pensée est candidate pour un examen critique, mais bien sûr on ne veut pas n'importe quoi. On cherche les pensées qui nous aident à développer un bon savoir, ou qui nous font espérer qu'elles pourraient nous aider.
 
Quand on cherche du savoir, on se sent parfois comme égaré dans une forêt à la recherche d'un trésor dont on ignore l'emplacement, et il y a de quoi désespérer. Il faudrait un miracle pour qu'on puisse le trouver. Mais c'est une illusion, parce que l'emplacement du trésor est connu d'avance. Il ne peut être qu'en nous-mêmes. Quand on cherche du savoir, on se cherche soi-même parce qu'on cherche un savoir qui nous rend compétent. Il n'y a pas d'autre endroit où chercher. Où le savoir pourrait-il être s'il n'était pas déjà potentiellement en nous-mêmes ?
 
== Le bon savoir est le savoir qui nous rend compétents ==
 
Comment reconnaît-on le bon savoir ? C'est le savoir qui nous rend compétents. Il n'y a pas de critère plus fondamental. Le bon savoir est par définition le savoir qui nous rend compétents.
 
Je suis pour moi-même un critère fondamental de reconnaissance du bon savoir, puisque je le reconnais en reconnaissant ma compétence.
 
Un véritable savoir peut toujours être partagé. Il me rend compétent parce qu'il peut rendre compétent tous les esprits. Si j'acquiers un savoir sans savoir l'expliquer, c'est que je ne l'ai pas bien compris. Pour maîtriser un savoir, il faut être capable de l'enseigner clairement à tous ceux qui veulent l'acquérir.
 
Je suis la source, le milieu et la fin de la raison. Pas moi en tant que différent de tous les autres mais en tant que semblable à tous les autres. Tous les Je, tous ceux qui peuvent penser qu'ils sont, qui peuvent dire "Je", sont les sources, le milieu et les fins de la raison, les sources parce que la raison naît de nos pensées, le milieu parce qu'elle se développe quand nous travaillons pour elle, les fins parce qu'elle est là pour que nous puissions nous accomplir.
 
Chaque esprit est pour lui-même comme pour tous les autres un critère de reconnaissance de la raison, parce qu'elle est nécessairement ce qui est bon pour tous les esprits.
 
On reconnaît les grands principes de la raison à leurs fruits. Mais comment reconnaît-on les fruits ?
 
La raison porte des fruits lorsqu'elle nous donne les moyens de bien penser et de bien vivre, quand elle nous donne les moyens de nous accomplir comme de véritables esprits.
 
 
== La raison pratique et la raison théorique ==