« Précis d'épistémologie/La recherche de la raison » : différence entre les versions

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Quand on cherche du savoir, on se sent parfois comme égaré dans une forêt à la recherche d'un trésor dont on ignore l'emplacement, et il y a de quoi désespérer. Il faudrait un miracle pour qu'on puisse le trouver. Mais c'est une illusion, parce que l'emplacement du trésor est connu d'avance. Il ne peut être qu'en nous-mêmes. Quand on cherche du savoir, on se cherche soi-même parce qu'on cherche un savoir qui nous rend compétent. Il n'y a pas d'autre endroit où chercher. Où le savoir pourrait-il être s'il n'était pas déjà potentiellement en nous-mêmes ?
 
== Le bon savoir est le savoir qui nous rend compétentcompétents ==
 
Comment reconnaît-on le bon savoir ? C'est le savoir qui nous rend compétentcompétents. Il n'y a pas de critère plus fondamental. Le bon savoir est par définition le savoir qui nous rend compétentcompétents.
 
Je suis pour moi-même leun critère fondamental de reconnaissance du bon savoir, puisque je le reconnais en reconnaissant ma compétence. Mais cette autonomie est rationnelle seulement si elle est solidaire. Le bon savoir n'est pas seulement le savoir qui me rend compétent, c'est surtout le savoir qui nous rend compétent. Un savoir doit pouvoir être partagé pour être rationnel. Quand j'acquiers un savoir, je dois acquérir en même temps la capacité à l'enseigner, sinon mon savoir n'est pas rationnel. Pour développer la raison, nous devons travailler ensemble. Des savoirs individuels isolés ne suffisent pas pour faire la raison.
 
Un véritable savoir peut toujours être partagé. Il me rend compétent parce qu'il peut rendre compétent tous les esprits. Si j'acquiers un savoir sans savoir l'expliquer, c'est que je ne l'ai pas bien compris. Pour maîtriser un savoir, il faut être capable de l'enseigner ckairement à tous ceux qui veulent l'acquérir.
 
Je suis la source, le milieu et la fin de la raison. Pas moi en tant que différent de tous les autres mais en tant que semblable à tous les autres. Tous les Je, tous ceux qui peuvent penser qu'ils sont, qui peuvent dire "Je", sont les sources, le milieu et les fins de la raison, les sources parce que la raison naît de nos pensées, le milieu parce qu'elle se développe quand nous travaillons pour elle, les fins parce qu'elle est là pour que nous puissions nous accomplir.
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La raison porte des fruits lorsqu'elle donne aux esprits les moyens d'être bons pour eux-mêmes et pour tous les autres. On reconnaît les grands principes et leurs fruits quand ils nous donnent les moyens de faire le bien.
 
« Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lévitique 19:18) n'est pas seulement un principe religieux, c'est aussi un principe rationaliste, parce que les sciences et la raison ne peuvent se développer que par l'entraide et la coopération. Si les êtres humains ne veulent pas s'entraider la raison ne peut pas être parmi eux.
== La découverte de la raison ==
 
Nous ne connaissons pas d'avance la portée de nos capacités à résoudre des problèmes. Nous la découvrons par l'exercice. En résolvant des problèmes, nous prenons davantage conscience de nos capacités. Mieux nous les connaissons et plus nous pouvons étendre leur champ d'applications. Nous nous découvrons ainsi nous-mêmes en tant qu'êtres rationnels, c'est à dire capables de développer la raison. Tous les développements de la raison sont des découvertes, parce que nous ne savons pas ce que la raison nous révélera avant de nous mettre au travail. Nous découvrons que nous sommes capables d'inventer ou de dévoiler la raison.
 
Pour savoir que la raison existe, nous avons besoin de la faire exister, en la partageant entre nous. En ce sens, c'est nous qui la faisons. Elle ne serait pas là si nous ne travaillions pas pour la faire vivre parmi nous. Mais on aurait tort de croire qu'elle est seulement notre invention, parce que nous ne décidons pas de ce qu'elle est, nous ne pouvons pas faire qu'elle soit ce qu'elle n'est pas, ou qu'elle ne soit pas ce qu'elle est. Quand nous travaillons nous la découvrons. Tout se passe comme si elle avait toujours été là de toute éternité, et nous sommes les derniers à l'apprendre.
 
Pour développer la raison, nous devons apprendre à raisonner et donc à inventer des discours et des théories, mais nous devons aussi surtout apprendre à écouter. Nous ne savons pas par avance ce que la raison va nous enseigner, nous le découvrons en tendant l'oreille et en ouvrant les yeux, en étant prêts à accueillir toutes les observations, les pensées et les principes qui pourraient nous éclairer, nous aider à mieux penser et à mieux vivre.
 
Les conditions d'apparition de la raison sont générales : des êtres qui parlent et qui veulent trouver ensemble des vérités et des preuves, en respectant le principe d'équivalence des observateurs et toutes les règles de l'esprit critique. Ces conditions ne dépendent pas spécifiquement de notre humanité sur la Terre. D'autres êtres vivants, sur d'autres planètes, en d'autres temps, ou dans d'autres univers, pourraient également développer la même raison, parce que ses conditions d'apparition sont universelles.
 
== La raison pratique et la raison théorique ==
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Les principes logiques nous montrent que nous pouvons raisonner correctement, les principes épistémologiques, que nous pouvons faire la différence entre le savoir et l'ignorance, les principes métaphysiques, que nous pouvons connaître les plus grandes vérités, les principes éthiques, que nous pouvons savoir ce que nous devons faire. Ces grands principes nous révèlent la puissance de la raison. Ils sont universels. Ils donnent à tous les esprits les moyens d'acquérir tous les savoirs, de comprendre tous les esprits et de leur révéler les bienfaits de la raison. En apprenant tout ce que les grands principes nous enseignent, nous apprenons du même coup que nous pouvons penser pour tous les esprits. Être bon pour tous les esprits n'est pas un idéal inaccessible. C'est la réalité de la pensée rationnelle.
 
== La découverte de la raison ==
 
Nous ne connaissons pas d'avance la portée de nos capacités à résoudre des problèmes. Nous la découvrons par l'exercice. En résolvant des problèmes, nous prenons davantage conscience de nos capacités. Mieux nous les connaissons et plus nous pouvons étendre leur champ d'applications. Nous nous découvrons ainsi nous-mêmes en tant qu'êtres rationnels, c'est à dire capables de développer la raison. Tous les développements de la raison sont des découvertes, parce que nous ne savons pas ce que la raison nous révélera avant de nous mettre au travail. Nous découvrons que nous sommes capables d'inventer ou de dévoiler la raison.
 
Pour savoir que la raison existe, nous avons besoin de la faire exister, en la partageant entre nous. En ce sens, c'est nous qui la faisons. Elle ne serait pas là si nous ne travaillions pas pour la faire vivre parmi nous. Mais on aurait tort de croire qu'elle est seulement notre invention, parce que nous ne décidons pas de ce qu'elle est, nous ne pouvons pas faire qu'elle soit ce qu'elle n'est pas, ou qu'elle ne soit pas ce qu'elle est. Quand nous travaillons nous la découvrons. Tout se passe comme si elle avait toujours été là de toute éternité, et nous sommes les derniers à l'apprendre.
 
Pour développer la raison, nous devons apprendre à raisonner et donc à inventer des discours et des théories, mais nous devons aussi surtout apprendre à écouter. Nous ne savons pas par avance ce que la raison va nous enseigner, nous le découvrons en tendant l'oreille et en ouvrant les yeux, en étant prêts à accueillir toutes les observations, les pensées et les principes qui pourraient nous éclairer, nous aider à mieux penser et à mieux vivre.
 
Les conditions d'apparition de la raison sont générales : des êtres qui parlent et qui veulent trouver ensemble des vérités et des preuves, en respectant le principe d'équivalence des observateurs et toutes les règles de l'esprit critique. Ces conditions ne dépendent pas spécifiquement de notre humanité sur la Terre. D'autres êtres vivants, sur d'autres planètes, en d'autres temps, ou dans d'autres univers, pourraient également développer la même raison, parce que ses conditions d'apparition sont universelles.
 
== L'autorité de la raison ==
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Malgré leur diversité tous les savoirs manifestent l'unité de la raison. Les grands principes de logique et de discipline critique sont les mêmes pour tous. Une telle unité est essentielle au développement des sciences. Tout ce qui est compris par quelques uns doit pouvoir être compris par tous les autres, sinon ce n'est pas la raison. De ce point de vue on peut dire que toutes les sciences parlent d'une seule voix et que tous les êtres humains contribuent au développement d'un savoir commun.
 
L'unité de la raison n'exclut pas la diversité, au contraire elle l'encourage. Les grands principes logiques, épistémologiques parou exemplemétaphysiques ne nous interdisent jamais d'étudier des théories. Au contraire ils nous donnent toujours les moyens d'étudier toutes les théories, dès qu'elles sont correctement formulées.
 
« Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lévitique 19:18) n'est pas seulement un principe religieux, c'est aussi un principe rationaliste, parce que les sciences et la raison ne peuvent se développer que par l'entraide et la coopération. Si les êtres humains ne veulent pas s'entraider la raison ne peut pas être parmi eux.
 
== Que pouvons-nous espérer ? ==
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Avant de chercher, il faut en général chercher quoi chercher, choisir soi-même les problèmes auxquels on va consacrer son travail. Mais on ne sait pas très bien ce qu'on cherche quand on cherche quoi chercher. On veut des problèmes intéressants, des sujets prometteurs, on rêve de faire des découvertes majeures, de faire progresser le savoir et la raison. Mais les conditions du problème ne sont pas bien déterminées. Que cherchons-nous quand nous cherchons à faire progresser la raison ? Et comment pouvons-nous le chercher si nous ne savons pas ce que nous cherchons ?
 
La raison nous rend capablecapables, mais de quoi ? Que pouvons-nous réaliser avec les compétences que nous développons rationnellement ? Que pouvons-nous espérer ?
 
Si la liste des problèmes que nous pouvons résoudre rationnellement était connue d'avance, nous saurions quoi espérer. Mais justement elle n'est pas connue d'avance. Nous ne connaissons pas l'étendue des compétences que la raison peut nous donner.
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Nous voulons satisfaire un désir d'intelligibilité. Nous voulons comprendre. Nous voulons des explications. Nous ne savons pas où cela nous mène, mais il n'est pas nécessaire de le savoir pour être poussé par ce désir. On peut vouloir sans savoir très bien ce qu'on veut, il suffit de rechercher une satisfaction. Nous sommes guidés par les idées même si nous ne savons pas très bien ce qu'elles sont.
 
Comme nous ne savons pas de quoi la raison nous rend capablecapables, nous pouvons placer nos espoirs très haut, que le règne de la raison vienne, que sa volonté soit faite, sur la terre comme au ciel, que le présent éphémère soit la splendeur de la vérité éternelle, ou très bas, la raison ne sera jamais plus qu'une pauvre consolation dans une vallée de larmes.
 
Le développement de la raison est l'histoire d'un étonnement perpétuellement renouvelé. Les sciences ont dépassé nos espérances. La Nature nous a révélé beaucoup plus de secrets que ce que nous pouvions rêver. Il n'est plus possible d'être sceptique. La puissance de la science est devenue incontestable.
 
Pour savoir de quoi la raison nous rend capables, la meilleure façon, et la seule, est d'essayer. Si on n'essaie pas on n'a aucune chance de se rendre compte de ce qui marche. C'est pourquoi il faut espérer. On pèche plus souvent par défaut d'espoir que par excès.