« La politique monétaire/Les chefs d'orchestre : les banques centrales » : différence entre les versions

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La banque centrale n'a accès qu'à un seul instrument pour sa politique monétaire : soit elle fixe la quantité de monnaie en circulation, soit elle fixe les taux d'intérêts. Or, la '''règle de Tinbergen''', une célèbre règle de politique économique nommée d'après son inventeur, stipule que le nombre d'objectifs doit être égal au nombre d'instruments. Si la banque centrale ou un gouvernement souhaite atteindre plusieurs objectifs distincts avec un seul instrument, il ne pourra pas y parvenir. Tout au plus pourra-t-il faire un arbitrage en ces deux objectifs, et aboutir à un compromis. Cette règle de Tinbergen est souvent secondée par la '''règle de Mundell''', qui stipule que l'instrument choisi pour atteindre un objectif doit être le plus performant possible. La combinaison de ces deux règles est la source principale de la séparation entre politique monétaire et politique fiscale : la première cible l'inflation, tandis que l'autre cible les variables réelles, comme l'emploi ou la production.
 
===StabilitéLa stabilité de la masse monétaire===
 
De nos jours, les banques centrales ont toutes le même objectif : limiter l'inflation. Ce régime de ciblage de l’inflation n'est cependant pas apparu par hasard. Les objectifs des banques centrales ont changé plusieurs fois au cours de l'histoire, cette évolution ayant mené à la situation actuelle. Dans les grandes lignes, les banques centrales ont débuté leur carrière en contrôlant la quantité de monnaie. Avant les années 50, le système monétaire international était basé sur l''''étalon-or'', où la valeur de la monnaie dépendait de la valeur de l'or'. Les banques centrales avaient pour but de garantir l'émission de monnaie et sa convertibilité en or. Leur rôle était d'échanger de l'or contre de la monnaie qu'elles pouvaient créer à la demande. La création monétaire était ainsi limitée par les dépôts d'or à la banque centrale : sans échange d'or, pas de création monétaire. Les objectifs de la banque centrale pouvaient s’interpréter comme un contrôle de la masse monétaire. L'or était une monnaie de paiement internationale et les prix de l'or était sensiblement les mêmes dans tous les pays. En conséquence, ce système impliquait des taux de change "fixes", dépendant des dépôts d'or nationaux. Ce système a perduré durant très longtemps et a fait un travail remarquable durant plusieurs siècles. Il avait cependant de gros défauts, que nous détaillerons dans les chapitres sur le sujet. Avec la révolution industrielle et les guerres mondiales, les défauts de ce système sont devenus de plus en plus insupportables, menant à son abandon.
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Par la suite, dans les années 1980, les états ont progressivement abandonné l'étalon-or, dans une situation où rembourser la dette avec la création monétaire n'était pas à l'ordre du jour. Aucune hyperinflation n’eut lieu, mais cela a quand même entrainé de l'inflation. Les états imprimaient beaucoup de monnaie, ce qui entraina l'apparition d'une inflation élevée avec un taux de chômage lui aussi élevé. Cette coexistence d'un chômage et d'une inflation élevée a valu le nom de stagflation à cette période. Les banques centrales ont alors tenté de contrôler la masse monétaire, en espérant que cela réduirait l'inflation. Un tel regain d'intérêt pour le contrôle de la masse monétaire provenait de l'influence d'une école de pensée économique, le monétarisme, qui mettait au premier plan le rôle économique de la masse monétaire. La création monétaire était alors gouvernée par un principe simple : faire en sorte que la croissance de la masse monétaire soit strictement égale à la croissance de l'économie. Le but était de limiter l'inflation, qui était très importante à l'époque, la politique monétaire étant un des nombreux instruments mis en œuvre à l'époque. Si les tentatives de la banque centrale américaine ont bien permis de limiter l'inflation, elles ont été de véritables échecs pour ce qui est de contrôler la masse monétaire entre 1979 et 1982, les banques centrales ayant systématiquement raté leurs objectifs de masse monétaire. C'est alors que les banques centrales ont abandonné leur idée de contrôler finement la masse monétaire.
 
===StabilitéLa stabilité des taux de change===
 
Suite à la sortie de l'étalon-or, de nombreux pays ont décidé de stabiliser leurs taux de change. Leurs efforts ont mené à la création d'un système monétaire international, nommé le '''système de Bretton-Woods''', en 1944. Sous un tel système, la banque centrale va créer ou détruire de la monnaie afin de garder un taux de change constant. On verra dans quelques chapitres comment la banque centrale influence les taux de change. Cependant, ce système n'était pas très adapté pour garantir la prospérité nationale. Il pouvait imposer de réduire la quantité de monnaie alors que l'économie nationale avait au contraire besoin d'un stimulus monétaire. Par exemple, si les taux de change baissaient en pleine récession, la banque centrale devait réduire fortement la création monétaire pour garder les taux de change fixes, alors que la lutte contre les récessions demandait de faire l'inverse. La politique monétaire avait encore une fois les mains liées et ne pouvait créer de la monnaie comme elle le devait pour garantir le plein emploi.
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De nos jours, ce système de contrôle des taux de change est encore utilisé par certains pays. Pour les petits pays, extrêmement dépendants des importations, la stabilité des prix est obtenue par le biais de la '''stabilité des taux de change''', le niveau général des prix étant extrêmement dépendant des prix importés. La plupart de ces petits pays fixent le taux de change de leur monnaie sur une autre monnaie, généralement le dollar, dont les variations sont relativement faibles. La banque centrale de ces pays est généralement une caisse d'émission, à savoir une banque centrale qui se préoccupe de garder les taux de change avec le dollar (plus rarement l'euro) fixe. Ce mécanisme permet de limiter l'inflation et de lutter assez efficacement contre les récessions, qui sont souvent induites par une hausse des prix importés. Par contre, les pays plus grands n'ont pas vraiment de bénéfices à utiliser une caisse d'émission et préfèrent gérer leur monnaie eux-mêmes. Ils utilisent donc des taux de change flottants, et se concentrent sur l'inflation globale, faiblement dépendante des prix importés.
 
===StabilitéLa stabilité des prix===
 
De nos jours, les banques centrales ont pour objectif principal de garantir la '''stabilité des prix''', à savoir limiter l'inflation à des valeurs raisonnables. La stabilité des prix est aujourd'hui l'objectif principal de la plupart des banques centrales actuelles, plus d'un quart d'entre elles n'ayant que cet objectif en tête. Il faut dire que les banques centrales, de par leur possibilité de créer la monnaie, peuvent influencer la valeur de celle-ci et donc le niveau des prix. Le chapitre sur la théorie quantitative de la monnaie donnera un argument fondamental quant au choix de l'objectif de stabilité des prix assigné aux banques centrales. On verra dans quelques chapitres que cibler l'inflation permet de lutter efficacement contre les récessions et stabilise l'économie autour du plein emploi. Quand une récession a lieu, elle se traduit le plus souvent par une diminution de l'inflation, si ce n'est par une déflation. Pour éviter cela, la banque centrale peut alors stimuler la demande et lutter contre la récession directement à la source. Elle n'a pas les mains liées par le contrôle des taux de change ou par les réserves en or. Ce système permet aussi à la banque centrale de créer suffisamment d'argent pour lutter contre la récession, mais pas suffisamment pour entrainer des dégâts. Les situations d'hyperinflation sont notamment impossibles si la banque centrale s'engage à respecter son objectif de 2% d'inflation.