« Précis d'épistémologie/La parole » : différence entre les versions
Contenu supprimé Contenu ajouté
Ligne 80 :
== Les cadres théoriques, l'a priori et la connaissance des êtres abstraits ==
Les cadres théoriques sont l'équivalent parlant des cadres conceptuels muets. Un cadre théorique est déterminé avec un système de noms, destinés à nommer des concepts, et un système d'axiomes et de définitions, qui permettent de raisonner avec les concepts nommés. Un cadre théorique
Un même cadre théorique peut être interprété par plusieurs cadres conceptuels empiriques différents.
L'observation n'est pas le seul critère de vérité, parce que les cadres théoriques imposent la vérité de leurs principes (Leibniz 1705, Kant 1787). Ceux-ci sont admis par définition de leurs termes. Leur vérité est supposée connue dès que la signification des mots est comprise. Un cadre théorique impose des contraintes sur la signification de ses termes, indépendante de nos observations. Par exemple, la vérité du principe de transitivité, 'si x est plus grand que y et y est plus grand que z alors x est plus grand que z' est admise par définition de la relation 'est plus grand que'. Celle-ci peut être interprétée de multiples façons empiriques, mais le principe de transitivité ne pourra jamais être contredit par nos observations. S'il conduit à une anticipation erronée, on dira que la relation observée a été mal nommée, qu'elle n'est pas une signification empirique que l'on peut donner à l'expression 'est plus grand que'.
Ligne 92 :
On peut supposer que des résultats électoraux donnent de la force aux divers candidats en présence et songer à mesurer cette force. Soit une élection où chaque électeur doit ranger trois candidats A, B et C par ordre de préférence, et supposons que les trois ordres ABC, BCA et CAB aient chacun été choisis par un tiers de l'électorat. Il semble que la force de A est plus grande que celle de B, puisque deux tiers de l'électorat préfère A à B. De même B est plus fort que C, et C est plus fort que A. Le principe de transitivité est donc contredit par l'expérience. Mais il n'est pas réfuté pour autant, il a seulement été mal appliqué, parce qu'un tel système électoral ne permet pas de mesurer ainsi la force des candidats. On ne dira pas que le cadre théorique (la mesure de la grandeur des forces) est faux, mais seulement qu'il n'est pas adapté à la réalité perçue.
Comme un opérateur peut être identifié à la relation fonctionnelle qu'il définit, les connecteurs logiques peuvent être considérés comme des concepts, qui nous permettent de préciser les relations logiques entre des énoncés. Les principes logiques déterminent des cadres théoriques qui donnent des significations abstraites aux concepts logiques. Ces cadres théoriques peuvent être appliqués à tous nos raisonnements afin de vérifier leur correction logique.
Ligne 99 :
Pour développer le savoir purement abstrait, il suffit de choisir des principes, d'admettre leur vérité par définition de leurs termes, et de s'en servir pour prouver des théorèmes (Russell 1903). Du point de vue du savoir abstrait, n'importe quel système de principes, dès qu'il n'est pas contradictoire, peut être considéré comme vrai par définition. Mais bien sûr nous ne choisissons pas nos principes arbitrairement. Ils décident de nos raisonnements, des théories que nous développons et des significations que nous donnons à nos paroles. Ils doivent donc être choisis très soigneusement.
Le savoir théorique abstrait est un équivalent parlant de l'imagination muette des fictions. Pour que les êtres théoriques existent et soient connus, il suffit d'en faire une théorie, de se donner des principes et de raisonner à partir d'eux. Les êtres abstraits existent en tant qu'objets de la théorie, tout simplement parce qu'il est vrai que nous en parlons. Les êtres abstraits sont complètement déterminés par nos définitions et par les théories dans lesquelles nous les avons définis.
|