« Précis d'épistémologie/La parole » : différence entre les versions

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== Les cadres théoriques, l'a priori et la connaissance des êtres abstraits ==
 
Les cadres théoriques sont l'équivalent parlant des cadres conceptuels muets. Un cadre théorique est déterminé avec un système de noms, destinés à nommer des concepts, et un système d'axiomes et de définitions, qui permettent de raisonner avec les concepts nommés. Un cadre théorique estreçoit interprétéune interprétation empirique lorsque les concepts nommés sont identifiés à des propriétés ou à des relations observables. Celles-ciqui forment ensemble un cadre conceptuel empirique,. qui est une interprétation du cadre théorique, parceDès qu'ilelles donneont une signification empirique, auxles expressions théoriques.de Celles-cila peuventthéorie alorspeuvent servir à formuler des descriptions. Un concept empirique, ou une signification empirique est une propriété ou une relation observable. Lorsqu'on donne aux noms une signification empirique, c'est à dire lorsqu'ils nommenténoncer des concepts empiriques, ils peuvent servir à formuler des descriptions de la réalité observableobservations. La vérité des énoncés est alors déterminée par la vérité des descriptions, donc par la vérité de l'observationobservations. Les descriptionsénoncés sont vraiesvrais dès que les observations qu'ellesils traduisent le sont (Locke 1690).
 
LorsqueLorsqu'un lacadre théoriethéorique est interprétée par un cadre conceptuel muet, une inférence muette peut être traduite en savoir parlant sous la forme d'une loi conditionnelle : si les conditions alors la conséquence. L'inférence des conditions à la conséquence peut alors être mise sous la forme d'un raisonnement logique : si les conditions alors la conséquence, or les conditions sont vraies, donc la conséquence est vraie. 'donc' sépare la conclusion des prémisses dont elle résulte logiquement. Les enchaînements d'inférences muettes peuvent alors eux aussi être mis sous la forme de raisonnements logiques : si A alors B, et si B alors C, or A, donc B, donc C.
 
Un même cadre théorique peut être interprété par plusieurs cadres conceptuels empiriques différents.
Les cadres conceptuels muets sont un premier degré de généralité et d'abstraction. Ils sont généraux parce qu'ils peuvent être appliqués à de nombreuses réalités particulières. Ils sont abstraits parce qu'ils sont distincts des êtres concrets auxquels ils sont appliqués. Les cadres théoriques sont un second degré de généralité et d'abstraction. Ils sont doublement généraux parce qu'ils peuvent être interprétés par de nombreux cadres conceptuels empiriques différents, qui sont eux-mêmes des cadres généraux. Ils sont doublement abstraits parce qu'ils sont distincts à la fois des êtres concrets et des cadres conceptuels appliqués aux êtres concrets.
 
L'observation n'est pas le seul critère de vérité, parce que les cadres théoriques imposent la vérité de leurs principes (Leibniz 1705, Kant 1787). Ceux-ci sont admis par définition de leurs termes. Leur vérité est supposée connue dès que la signification des mots est comprise. Un cadre théorique impose des contraintes sur la signification de ses termes, indépendante de nos observations. Par exemple, la vérité du principe de transitivité, 'si x est plus grand que y et y est plus grand que z alors x est plus grand que z' est admise par définition de la relation 'est plus grand que'. Celle-ci peut être interprétée de multiples façons empiriques, mais le principe de transitivité ne pourra jamais être contredit par nos observations. S'il conduit à une anticipation erronée, on dira que la relation observée a été mal nommée, qu'elle n'est pas une signification empirique que l'on peut donner à l'expression 'est plus grand que'.
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On peut supposer que des résultats électoraux donnent de la force aux divers candidats en présence et songer à mesurer cette force. Soit une élection où chaque électeur doit ranger trois candidats A, B et C par ordre de préférence, et supposons que les trois ordres ABC, BCA et CAB aient chacun été choisis par un tiers de l'électorat. Il semble que la force de A est plus grande que celle de B, puisque deux tiers de l'électorat préfère A à B. De même B est plus fort que C, et C est plus fort que A. Le principe de transitivité est donc contredit par l'expérience. Mais il n'est pas réfuté pour autant, il a seulement été mal appliqué, parce qu'un tel système électoral ne permet pas de mesurer ainsi la force des candidats. On ne dira pas que le cadre théorique (la mesure de la grandeur des forces) est faux, mais seulement qu'il n'est pas adapté à la réalité perçue.
 
UnLes cadreénoncés théoriqueprouvables peutà êtrepartir identifié au système des principes qui déterminent les façons correctes de raisonner avec les concepts qud'ils emploient. Formellement, un système de principes est un ensemble d'axiomes et de définitions. Ilsont définitles unethéorèmes théorie,de quila peutthéorie êtredéfinie conçue comme l'ensemblepar de tous les énoncés prouvables à partir destels principes, les théorèmes de la théorie. Une théorie donne une signification abstraite aux noms avec lesquels elle forme ses énoncés, parce que ses principes peuvent être admis comme vrais par définition de leurs termes. On dit parfois des axiomes qu'ils sont des définitions déguisées, parce qu'ils servent à donner une signification à leurs termes, donc à les définir.
Comme un opérateur peut être identifié à la relation fonctionnelle qu'il définit, les connecteurs logiques peuvent être considérés comme des concepts, qui nous permettent de préciser les relations logiques entre des énoncés. Les principes logiques déterminent des cadres théoriques qui donnent des significations abstraites aux concepts logiques. Ces cadres théoriques peuvent être appliqués à tous nos raisonnements afin de vérifier leur correction logique.
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Pour développer le savoir purement abstrait, il suffit de choisir des principes, d'admettre leur vérité par définition de leurs termes, et de s'en servir pour prouver des théorèmes (Russell 1903). Du point de vue du savoir abstrait, n'importe quel système de principes, dès qu'il n'est pas contradictoire, peut être considéré comme vrai par définition. Mais bien sûr nous ne choisissons pas nos principes arbitrairement. Ils décident de nos raisonnements, des théories que nous développons et des significations que nous donnons à nos paroles. Ils doivent donc être choisis très soigneusement.
 
Le savoir abstrait peut être conçu de deux façons. Selon le platonisme (le réalisme des Idées) il porte sur une réalité abstraite, immuable et indépendante de la réalité observable. Selon le nominalisme, il est seulement une forme particulière de savoir sur le savoir, parce qu'il consiste essentiellement à étudier des théories, qu'il n'y a rien d'autre à connaître que des principes et des théorèmes.
 
Le savoir théorique abstrait est un équivalent parlant de l'imagination muette des fictions. Pour que les êtres théoriques existent et soient connus, il suffit d'en faire une théorie, de se donner des principes et de raisonner à partir d'eux. Les êtres abstraits existent en tant qu'objets de la théorie, tout simplement parce qu'il est vrai que nous en parlons. Les êtres abstraits sont complètement déterminés par nos définitions et par les théories dans lesquelles nous les avons définis.