« Précis d'épistémologie/La parole » : différence entre les versions

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Wittgenstein et Turing
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Un concept est empirique lorsqu'il est une propriété ou une relation observable. Le savoir muet est toujours empirique.
 
On comprend la signification d'une expression qui nomme un concept ou un individu lorsqu'on sait comment détecter la présence du concept ou de l'individu nommé.
 
Une même expression verbale peut avoir plusieurs significations. Un même nom peut servir à nommer plusieurs concepts ou plusieurs individus. On dit alors qu'il peut être interprété de plusieurs façons.
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== Comprendre des paroles, c'est savoir s'en servir ==
 
Un locuteur agit sur ceux qui l'écoutent. Il veut toujours attirer leur attention sur ce qu'il dit. Pour savoir ce qu'il fait quand il dit ce qu'il dit, il doit donc savoir ce que les auditeurs en font, ou ce qu'ils pourraient en faire. Un locuteur doit être capable de se mettre à la place des auditeurs et de comprendre ce qu'ils comprennent, sinon il ne se comprend pas vraiment lui-même. Inversement, pour savoir quoi faire avec ce qu'on leur dit, les auditeurs doivent comprendre les intentions du locuteur, pourquoi il dit ce qu'il dit. Ils doivent donc être capables de se mettre à la place du locuteur et de comprendre ce qu'il fait, sinon ils ne comprennent pas vraiment ce qu'on leur dit. La compréhension des paroles est une des formes de la compréhension mutuelle, où chacun connaît les autres et lui-même, et sait qu'il est connu par les autres de la même façon qu'il les connaît.
Toute façon de se servir de la parole, en tant que locuteur ou auditeur, est une façon de la comprendre (Wittgenstein 1953, Turing 1950). La compréhension d'un langage n'est rien d'autre que son usage. Le locuteur comprend ce qu'il dit lorsqu'il sait ce qu'il fait en le disant. L'auditeur comprend ce qui est dit lorsqu'il sait quoi en faire. Comprendre des paroles, c'est savoir s'en servir. Pour expliquer comment nous comprenons des paroles il faut expliquer comment elles nous préparent à l'action.
 
Wittgenstein nous a invité à ne pas séparer l'étude de la signification du langage de celle de son usage :
 
''« représenter un langage veut dire se représenter une forme de vie. »'' (§19) ''« L'expression "jeu de langage" doit ici faire ressortir que parler d'un langage fait partie d'une activité, ou d'une forme de vie. »'' (idem, §23) ''« Pour une large classe des cas où il est utilisé - mais non pour tous -, le mot "signification" peut être expliqué de la façon suivante : la signification d'un mot est son emploi dans le langage. »'' (idem, §43, Recherches philosophiques, traduit par Françoise Dastur, Maurice Elie, Jean-Luc Gautero, Dominique Janicaud, Elisabeth Rigal)
 
Il propose par exemple de raisonner sur un exemple simplifié de communication linguistique :
 
''« Ce langage doit servir à un constructeur A pour se faire comprendre de son aide B. A réalise une construction avec des pierres à bâtir. Il y a des blocs, des colonnes, des dalles, des poutres, que B doit faire passer à A dans l'ordre où celui-ci les utilise. A cet effet ils se servent d'un langage constitué des mots "bloc", "colonne", "dalle", "poutre". A crie leur nom. B apporte la pierre qu'il a appris à rapporter en réponse à ce cri. »'' (§2)
 
Toute façon de se servir de la parole, en tant que locuteur ou auditeur, est une façon de la comprendre (Wittgenstein 1953, Turing 1950). La compréhension d'un langage n'est rien d'autre que son usage. Le locuteur comprend ce qu'il dit lorsqu'il sait ce qu'il fait en le disant. L'auditeur comprend ce qui est dit lorsqu'il sait quoi en faire. Comprendre des paroles, c'est savoir s'en servir. Pour expliquer comment nous comprenons des paroles il faut expliquer comment elles nous préparent à l'action.
 
Quand on définit la compréhension seulement par la capacité à faire usage d'un langage, même les machines montrent qu'elles peuvent comprendre un langage, parce qu'elles peuvent obéir aux ordres qu'on leur donne. Le test de Turing consiste à mettre à l'épreuve la capacité d'une machine à comprendre ce qu'on lui dit. Un expérimentateur discute avec la machine sans savoir si les réponses qu'elle donne lui sont fournies par un autre être humain, ou si elles résultent d'un programme de calcul (Turing 1950). A l'issue de la discussion, l'expérimentateur doit deviner s'il s'agit d'une discussion avec une machine ou avec un être humain.
 
(...)
 
Une description peut être communiquée pour elle-même. Dans ce cas simple, le locuteur comprend ce qu'il dit s'il sait ce qu'il décrit, et l'auditeur comprend ce qui est dit dès qu'il imagine ce qui est décrit. Mais évidemment il y a beaucoup d'autres usages de la parole que la communication des descriptions. Savoir décrire ce qu'on perçoit et savoir imaginer ce qui est décrit ne sont que la partie la plus fondamentale de la compréhension du langage. Elle est fondamentale parce que tous les autres usages du langage se servent de descriptions.
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De nombreux mots et expressions n'ont pas de fonction directement descriptive. Ils ne nomment ni des concepts, ni des objets, mais servent comme mots de liaison ou comme modificateurs d'expressions. Ils sont très utiles à la fois pour enrichir nos descriptions et pour déterminer les façons de les utiliser. L'étude des significations des expressions verbales ne se limite pas à leur fonction descriptive. Elle inclut tous les usages du langage, toutes les façons d'utiliser des descriptions, parce qu'ils sont tous des modes de compréhension, donc des façons de donner du sens à nos paroles.
 
Un locuteur agit sur ceux qui l'écoutent. Il veut toujours attirer leur attention sur ce qu'il dit. Pour savoir ce qu'il fait quand il dit ce qu'il dit, il doit donc savoir ce que les auditeurs en font, ou ce qu'ils pourraient en faire. Un locuteur doit être capable de se mettre à la place des auditeurs et de comprendre ce qu'ils comprennent, sinon il ne se comprend pas vraiment lui-même. Inversement, pour savoir quoi faire avec ce qu'on leur dit, les auditeurs doivent comprendre les intentions du locuteur, pourquoi il dit ce qu'il dit. Ils doivent donc être capables de se mettre à la place du locuteur et de comprendre ce qu'il fait, sinon ils ne comprennent pas vraiment ce qu'on leur dit. La compréhension des paroles est une des formes de la compréhension mutuelle, où chacun connaît les autres et lui-même, et sait qu'il est connu par les autres de la même façon qu'il les connaît.
 
== Les cadres théoriques, l'a priori et la connaissance des êtres abstraits ==