« Psychologie cognitive pour l'enseignant/Élaboration : quelques techniques » : différence entre les versions

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Les conseils pédagogiques que l'on peut déduire de tout cela sont assez simples. Outre le système verbal, conceptuel, il est aussi possible d'utiliser le système visuel de la mémoire postulé par la théorie du double codage. Le principe est de faire en sorte que les concepts soient mémorisés à la fois dans la mémoire verbale et dans la mémoire visuelle, autant que possible. On parle alors de '''double codage'''. La conséquence est qu'utiliser des illustrations, dessins et schémas est une bonne pratique pédagogique. Évidemment, ce n'est pas possible pour les concepts abstraits et de nombreux concepts sont rétifs aux illustrations. Difficile de donner des schémas en cours de philosophie, par exemple. Mais beaucoup de concepts peuvent recevoir une représentation visuelle, et l'usage de schémas, de notations, de graphiques, et autres est clairement un atout. Nous détaillerons davantage ce conseil dans le chapitre consacré aux supports pédagogiques.
 
===Les analogies et les méthaphores===
==Des outils pour faciliter l'abstraction==
 
Les concepts ne sont pas tous égaux en terme d'abstraction et il est possible de les placer sur un continuum qui va des détails (les plus précis et plus ciblés) aux grands principes et idées générales (plus abstraites). Du point de vue de l'élaboration, les idées générales sont plus rentables que les détails. Les détails sont souvent isolés, reliés à un petit nombre de concepts, guère plus, alors que les idées générales sont souvent des concepts centraux, reliés à beaucoup de choses. Si les détails se mémorisent, les idées générales et grands principes se comprennent. De manière générale, les idées principales, générales, sont souvent centrales et servent de ''hub'' dans les réseaux sémantiques
 
Une raison à cela est que les cas abstraits regroupent un grand nombre de situations, ils sont capables de s'adapter à de nombreuses situations ou problèmes. Par exemple, une méthode assez générale permet de résoudre un grand nombre de problèmes, là où les méthodes ciblées sont moins rentables. Les connexions sont alors plus nombreuses avec les méthodes générales, qui s'associent avec un grand nombre d'exemples et d'applications, contrairement aux méthodes ciblées. Attention : cela ne signifie pas que les méthodes ciblées soient inutiles : elles peuvent être plus rapides à appliquer, mais elles sont plus difficiles à retenir. Une méthode très situationnelle sera souvent moins entrainée, moins associée à des exercices ou exemples, contrairement aux méthodes générales, appliquées sur un plus grand nombre d'exercice/exemples. Le raisonnement vaut aussi pour les concepts généraux, qui s'instancient dans un plus grand nombre de cas, comparé aux concepts plus précis et ciblés.
 
Cette abstraction des connaissances acquises influence non seulement la mémorisation mais aussi l'utilisation ultérieure des connaissances, leur transfert. Pour en donner un exemple, on peut citer la fameuse étude de Chi et al. (1981). Dans celle-ci, les expérimentateurs ont observés comment des experts (des professeurs de physique) et des novices (des étudiants en début de cursus) catégorisaient des exercices de physique. Leur étude a montré que les novices ont tendance à fonder leurs analyses sur des détails présents dans l'énoncé (coefficients numériques, vocabulaire utilisé, ...), alors que les experts ont tendance à penser en fonction d'idées générales et de principes abstraits (la loi de conservation de l'énergie, la quantité de mouvement, ...). Au fur et à mesure que les étudiants progressent dans leurs études, il classent de plus en plus ces exercices en fonction des caractéristiques générales.
 
Alors certes, les détails et anecdotes gardent malgré tout une certaine importante, mais les détails et autres informations factuelles doivent idéalement être intégrés dans un socle de connaissances conceptuelles qui leur donnent un sens, qui permettent de les relier entre elles. Et pour cela, les idées générales sont les plus indiquées : elles servent de liant qui colle les détails entre eux. Les faits ne valent rien par eux-même, du moins tant qu'ils ne sont pas interconnectés entre eux. Attention, cependant : cela ne signifie pas que le par cœur est mauvais, mais que les connaissances acquises par cœur doivent être reliées entre elles par la suite.
 
===Les advances organisers===
 
Les recherches en compréhension de texte ont montré que l'extraction des idées générales d'un texte est un processus extrêmement important pour la compréhension. On peut le montrer avec quelques expériences assez simples. Une des expériences les plus marquantes à ce sujet fut celle sur '''l'effet intégrateur du titre'''. Dans celle-ci, l'expérimentateur constitua trois groupes de cobayes qui devaient tous lire un même texte compliqué : un des groupes de cobayes connaissait le titre après avoir lu le texte, tandis que l'autre avait accès au titre avant la lecture. Le groupe qui avait eu accès au titre avant le texte réussissait mieux que l'autre. Cela vient du fait que le titre donne l'idée générale du texte, idée sur laquelle les informations vont venir s'associer progressivement : cela permet de donner du sens au texte et de créer un maximum d'associations. Le fait que le titre doit être placé avant le texte pour avoir un effet le montre : il n'y a pas beaucoup d’associations retardées, à rebours.
 
On peut s'inspirer des expériences précédentes en trouvant quelque chose qui soit à un cours ce que le titre est à un texte, ce quelque chose étant appelé un '''advance organiser'''. Il s'agit tout simplement de quelque chose qui donne les idées générales d'un sujet, qui permet d'organiser les informations ultérieures autour d'une structure centrale. La littérature sur les advances organisers est relativement fournie et s'en inspirer serait une bonne chose pour nombre d'enseignants.
 
===Les analogies et les méthaphores===
 
Il existe un moyen très simple pour connecter un concept à quelque chose de connu : l'usage d''''analogies'''. L'analogie est un processus mental relativement simple, qui consiste à créer des relations entre une situation cible et une relation source. Le cas le plus simple d'analogie correspond à des problèmes du style : « trouver un A qui est à B ce que C est à D ». Ces problèmes se résolvent en plusieurs étapes :
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Les analogies plus complexes sont gérée par un processus identique, mais appliqué à des situations plus complexes. Ces situations sont représentées mentalement par des ensembles d’éléments reliés entre eux par des relations (logiques ou non). L'analogie met en correspondance chaque élément ou relation de la situation cible avec son équivalent dans la situation source. Pour faire une analogie parfaite, les éléments des deux situations doivent être connectés de la même manière dans les deux situations : si deux éléments d'une situation source sont reliés entre eux, alors les deux éléments correspondant dans la situation cible doivent aussi être connectés entre eux par une relation similaire. Les deux situations ont donc la même structure, elles partagent un même motif abstrait.
 
====Quand utiliser des analogies ?====
 
Utiliser une analogie demande de respecter quelques recommandations. Premièrement, l'analogie n'est utile que pour les élèves qui n'ont pas beaucoup de connaissances antérieures. En effet, les élèves ont tendance à effectuer automatiquement les analogies qui leur paraissent évidentes. Cela arrive quand les élèves reçoivent un enseignement dans des domaines qu'ils maîtrisent bien, ou qu'ils ont étudiés depuis quelques années. En clair, les analogies doivent introduire des concepts nouveaux, jamais vus auparavant. Cet effet est bien illustré par l'expérience de Donnelly et McDaniel, datée de 1993, qui a étudié la compréhension de principe de conservation du moment cinétique par des élèves de collège.
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Ensuite, les analogies sont utiles uniquement pour les concepts complexes, difficiles à comprendre. Diverses études ont ainsi échoué à montrer un quelconque avantage de l'analogie, parce que les concepts à apprendre étaient trop simples, ce qui rendait l'analogie inutile. Dans ces conditions, l’analogie était une redondance inutile.
 
====Comment utiliser des analogies ?====
 
En plus de savoir quand utiliser les analogies, il faut savoir comment bien les utiliser. Pour faire une analogie parfaite, les éléments des deux situations doivent être connectés de la même manière dans les deux situations : si deux éléments d'une situation source sont reliés entre eux, alors les deux éléments correspondant dans la situation cible doivent aussi être connectés entre eux par une relation similaire. Cependant, cette mise en correspondance n’est pas toujours parfaite. Par exemple, certains éléments ne peuvent pas être mis en correspondance. De même, la structure des deux situations n’est pas forcément identique : les deux structures sont partiellement analogues. Dans ces conditions, il est important d’expliciter les différences entre situation cible et source. Sans cela, les élèves vont croire que les deux situations ont la même structure, et vont mal transférer.