« Psychologie cognitive pour l'enseignant/Faire des liens » : différence entre les versions

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Il est vite apparu que les classifications ne sont pas l'alpha et l'oméga de l'organisation mentale. Cette organisation rigide qu'est la structure cognitive ne suffit pas à rendre compte des résultats expérimentaux, même les plus simples. Les structures cognitives ne sont pas forcément aussi bien organisées, le principe d’économie cognitive est au mieux approximatif, et la forme exacte des classifications dépend de l'ordre d'apprentissage des concepts. Il existe aussi des classifications qui ne s'expriment pas facilement sous la forme de structures cognitives, mais passons. Attardons-nous à la place sur un fait bien plus intéressant : on sait aujourd'hui que d’autres formes de relations existent, qu'il s'agisse de relations de causalité entre évènements, de relations qui permettent de localiser des objets, et bien d'autres encore. Ces relations sont regroupées, par convention, dans un ensemble extrêmement hétérogène appelé '''relations thématiques'''.
 
Les relations thématiques permettent décrire des objets ou de former une représentation de situations ou d'évènements. Pour simplifier, les professeurs sont intéressés par deux types de relations thématiques : les relations de causalité, et les relations de méronymie (les relations partie-tout). Les premières sont clairement les plus intéressantes, car elles sont le fondement même des explications (ou tout du moins de la majorité d'entre elles). Elles permettent de comprendre pourquoi certains évènements ont lieu, elles permettent de se représenter des systèmes, des mécanismes, des évènements. Mais il y a malheureusement peu à dire sur le sujet. Par contre, les relations de méronymie sont plus intéressantes. On peut aussi parler de manière générale des autres relations thématiques, notamment pour parler des concepts abstraits, des détails et autres.
 
====Les relations de méronymie : le lien entre un tout et ses parties====
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Nous en reparlerons plus en détail dans le chapitre sur la charge cognitive, où nous verrons comment exploiter ces relations au mieux. Pour anticiper, on va montrer que dans certains cas, il vaut mieux voir les parties indépendamment les unes des autres, avant de les combiner pour former un tout. La problématique est assez similaire à celle des relations taxonomiques : doit-on partir des morceaux pour les combiner en un tout, ou doit-on partir du tout et le décomposer en parties ? Dans le premier cas, on parle d''''approche ascendante''', alors que le second est celui d'une '''approche descendante'''. Le fait est que cela dépend du sujet abordé, mais certains sujets sont plus faciles à aborder avec une approche ascendante, pour des raisons qui impliquent la mémoire de travail. Quand cela arrive, il faut alors mieux voir chaque partie indépendamment les unes des autres, avant de les combiner. Cela n'est pas forcément facile, et faire ainsi peut réduire l'élaboration. Le fait de séparer ainsi les parties peut forcer à retard l'introduction de certaines notions, retardant l'établissement d'associations d'idées. Mais cela réduit la charge de la mémoire de travail, pour diverses raisons.
 
====Les relations générales (causalité et autres)====
 
Du point de vue de l'élaboration, il est possible de placer les concepts sur un continuum qui va des détails (les plus précis et plus ciblés) aux grands principes et idées générales (plus abstraites). Les détails sont souvent isolés, reliés à un petit nombre de concepts, guère plus, alors que les idées générales sont souvent des concepts centraux, qui servent de ''hub'' dans les réseaux sémantiques. Si les détails se mémorisent, les idées générales et grands principes se comprennent. Alors certes, les détails et anecdotes sont importants, mais ils devraient idéalement être intégrés dans un socle de connaissances conceptuelles qui leur donnent un sens, qui permettent de les relier entre eux. Et pour cela, les idées générales sont les plus indiquées : elles servent de liant qui colle les détails entre eux. Les faits ne valent rien par eux-même, du moins tant qu'ils ne sont pas interconnectés entre eux. Attention, cependant : cela ne signifie pas que le par cœur est mauvais, mais que les connaissances acquises par cœur doivent être reliées entre elles par la suite.
 
Une raison à cela est que les cas abstraits regroupent un grand nombre de situations, ils sont capables de s'adapter à de nombreuses situations ou problèmes. Par exemple, une méthode assez générale permet de résoudre un grand nombre de problèmes, là où les méthodes ciblées sont moins rentables. Les connexions sont alors plus nombreuses avec les méthodes générales, qui s'associent avec un grand nombre d'exemples et d'applications, contrairement aux méthodes ciblées. Attention : cela ne signifie pas que les méthodes ciblées soient inutiles : elles peuvent être plus rapides à appliquer, mais elles sont plus difficiles à retenir. Une méthode très situationnelle sera souvent moins entrainée, moins associée à des exercices ou exemples, contrairement aux méthodes générales, appliquées sur un plus grand nombre d'exercice/exemples. Le raisonnement vaut aussi pour les concepts généraux, qui s'instancient dans un plus grand nombre de cas, comparé aux concepts plus précis et ciblés.
 
Les recherches en compréhension de texte ont montré que l'extraction des idées générales d'un texte est un processus extrêmement important pour la compréhension. On peut le montrer avec quelques expériences assez simples. Une des expériences les plus marquantes à ce sujet fut celle sur ''l'effet intégrateur du titre''. Dans celle-ci, l'expérimentateur constitua trois groupes de cobayes qui devaient tous lire un même texte compliqué : un des groupes de cobayes connaissait le titre après avoir lu le texte, tandis que l'autre avait accès au titre avant la lecture. Le groupe qui avait eu accès au titre avant le texte réussissait mieux que l'autre. Cela vient du fait que le titre donne l'idée générale du texte, idée sur laquelle les informations vont venir s'associer progressivement : cela permet de donner du sens au texte et de créer un maximum d'associations. Le fait que le titre doit être placé avant le texte pour avoir un effet le montre : il n'y a pas beaucoup d’associations retardées, à rebours.
 
Cette abstraction des connaissances acquises influence non seulement la mémorisation mais aussi l'utilisation ultérieure des connaissances, leur transfert. Pour en donner un exemple, on peut citer la fameuse étude de Chi et al. (1981). Dans celle-ci, les expérimentateurs ont observés comment des experts (des professeurs de physique) et des novices (des étudiants en début de cursus) catégorisaient des exercices de physique. Leur étude a montré que les novices ont tendance à fonder leurs analyses sur des détails présents dans l'énoncé (coefficients numériques, vocabulaire utilisé, ...), alors que les experts ont tendance à penser en fonction d'idées générales et de principes abstraits (la loi de conservation de l'énergie, la quantité de mouvement, ...). Au fur et à mesure que les étudiants progressent dans leurs études, il classent de plus en plus ces exercices en fonction des caractéristiques générales.
 
==Références==