« Mémoire/Le modèle de Baddeley » : différence entre les versions

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Dans le chapitre précédent, nous avons constaté que le modèle modal de la mémoire a quelques défauts. Nous avons évoqué le fait que la vision de la MCT a largement été amendée depuis, et ce chapitre propose de vous montrer en quoi. De nos jours, la MCT est plutôt vue comme une '''mémoire de travail''', dans le sens où celle-ci n'est pas seulement un lieu de stockage passif, mais un mécanisme mêlant mémorisation et capacités de traitement, les deux interagissant fortement. Pour expliquer son fonctionnement et sa structure, Alan Baddeley et Graham Hitch ont proposé un modèle contenant plusieurs MCT distinctes, qui interagissent et échangent des informations. Dans ce modèle, la mémoire à court terme est scindéesscindée en plusieurs sous-systèmes :
 
* un sous-système verbal : la '''boucle phonologique''' ;
* un sous-système visuel : le '''calepin visuo-spatial''' ;
* et un dernier un sous-système généraliste : le '''superviseur attentionnel''', chargé de gérer ces deux sous-mémoires.
 
[[File:Mémoires de travail.png|centre|vignette|upright=2.0|Mémoires de travail]]
 
L'existence de mémoire séparées se fonde autant sur des arguments expérimentaux que de l'étude de cas cliniques. Nous verrons bientôt les arguments expérimentaux, mais nous allons d'abord évoquer les cas cliniques de dissociations. De nombreux patients, la plupart ayant subissubi un AVC ou une lésion cérébrale, ont une MCT verbale parfaitement conservée couplée avec de lourds déficits de la MCT visuo-spatiale. L'exemple typique est celui du patient KF, étudié par Elisabeth Warrington. Celui-ci a un empan mnésique de 2, avec une absence totale d'effet de récence en MCT. Cependant, ce déficit n'apparaitn’apparaît qu'avec une présentation orale des items et disparaitdisparaît lorsque les items sont présentés visuellement. Le déficit inverse, à savoir une MCT verbale altérée avec préservation de la MCT visuo-spatiale, existe aussi. Le cas classique est celui du patient LE, un ancien sculpteur aujourd'hui incapable de mémoriser temporairement des informations visuelles. Cependant, il faut signaler que sa capacité à mémoriser des informations spatiales est conservée : il sait se repérer dans son environnement, se déplacer dans des lieux connus, etc. D'autres cas montrent une dégradation de leur mémoire spatiale, alors que leur mémoire visuelle est conservée.
 
==Boucle phonologique==
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Pour vérifier que la boucle phonologique est bien impliquée dans l'effet précédent, il suffit d’empêcher le cobaye de répéter mentalement les mots qui lui sont donnés. Pour cela, on ajoute une tâche de Brown-Petterson entre chaque mot. L'effet de la longueur du mot disparaît : les mots longs sont alors aussi bien rappelés que les mots courts. Pour estimer la durée de ce processus de répétition subvocale, on peut essayer de se fonder sur la longueur à partir de laquelle un mot commence à être difficilement mémorisable. Cette longueur dépend des personnes, qui peuvent lire ou parler plus ou moins vite. Mais dans tous les cas, le taux de mémorisation chute brutalement pour les mots qui mettent plus de deux secondes à prononcer.
 
Ensuite, d'autres expériences ont testé la '''suppression de la répétition à haute voix'''. Il apparaitapparaît que l'on mémorise mieux les listes de mots quand elles sont prononcées à haute voix que silencieusement. De même, on observe un phénomène d'interférence avec la parole. Si, juste après chaque présentation d'un mot, on demande aux cobayes de prononcer un autre mot que celui à mémoriser à haute voix, la mémorisation dans la boucle phonologique est alors fortement affectée, et devient inférieure à celle obtenue avec une tâche de Brown-Petterson.
 
[[File:Effet subvocalisation mémoire, d’après Slowiaczek et Clifton, 1980.png|centre|vignette|upright=2.0|Effet subvocalisation mémoire, d’après Slowiaczek et Clifton, 1980]]
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===Tâches d’empan complexe===
 
L'existence de ce superviseur attentionnel est utile pour rendre compte des résultats dans les expériences d'empan complexe. Les expériences du chapitre précédent étaient relativement simples : il s'agit d'expériences d'empanempans simplesbasiques, qui n'impliquent que la mémorisation d'items. Pour mieux évaluer la capacité et le fonctionnement de la mémoire à court terme, les psychologues ont créé dedes tâches d''''empan complexes''', où l'on introduit une tâche de traitement entre chaque item à retenir. Par exemple, on peut demander à un cobaye d'effectuer un calcul mental entre chaque mot d'une liste.
 
La mesure la plus simple de l'empan complexe consiste à intercaler des calculs entre paires de mots.
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===Processus emboités de Cowan===
 
Le modèle des processus emboitésemboîtés de Cowan postule que la MCT ne serait que la portion activée de la MLT, l'activation étant dirigée par le superviseur attentionnel.
 
[[File:Memory model of cognition.png|centre|vignette|upright=2.0|Modèles de mémoire unifiée]]
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Quelques théories sur l'oubli en MCT disent, pour rappel, que les items à retenir s'effacent avec le temps. Une façon de contrer cet effacement progressif est de rafraichir les items. Une des capacités du superviseur attentionnel est de rafraichir le contenu des différentes MCT. Attention : le terme « rafraichir » est différent de « répéter ». La raison est simple : répéter sera réservé au mécanisme de répétition utilisé par la boucle phonologique, la répétition articulatoire. Le superviseur attentionnel dispose d'un autre processus de répétition séparé, capable d'intervenir dans toutes les mémoires à court terme : on l’appellera le rafraichissement.
 
Pour expliquer les observations obtenues avec ce genre d'épreuves, divers modèles ont été créecréés. Le plus abouti à l'heure actuelle est le modèlesmodèle TBRS (Time Based Refreshing Sharing), créecréé par des chercheurs français. Ce modèle se fonde sur quatre axiomes de base. Premièrement, les tâches d'empan complexes utilisent l'attention pour maintenir et traiter les informations en mémoire de travail. Cette attention sert à traiter, mais aussi maintenir les informations en mémoire de travail : ce mécanisme de rafraîchissement attentionnel permet d'éviter l'oubli des informations en mémoire de travail.
 
Deuxièmement, les traitements et le rafraîchissement des informations s'effectuent les uns après les autres : l'attention est focalisée sur un objet à la fois. La mémoire de travail utilise traitements et rafraîchissement de manière séquentielle. L'administrateur central va ainsi constamment switcher entre traitements et rafraîchissement, rafraîchissant et traitant les chunks les uns après les autres en mémoire de travail.
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Troisièmement, l'attention est disponible en quantité limitée, et ne peut traiter ou rafraîchir qu'un seul chunk à la fois. Cette capacité à ne pouvoir maintenir qu'une quantité limitée de chunks sous le feu de l'attention fait que l'on parle de focus attentionnel : on peut focaliser son attention sur un chunk en particulier.
 
Et enfin, quand l'attention n'est pas portée sur un objet, que ce soit pour rafraîchissement ou pour traitement, celui-ci se désactive progressivement et finit par être oublié s'ils n'est pas rafraîchitrafraîchi par le focus attentionnel.
 
Sur une tâche qui dure un temps limité, une partie de la durée de la tâche sera dédiée aux traitements, et une autre partie servira pour le rafraîchissement. La difficulté de mémorisation ne dépend alors pas tellement du nombre d'informations qu'il faut mémoriser, mais surtout du pourcentage de temps passé à faire les traitements. Plus les traitements prennent de temps, plus le temps disponible pour rafraîchir les autres chunks en mémoire de travail sera faible : cela peut empêcher de rafraîchir à temps les chunks en-dehors du focus attentionnel.