« Précis d'épistémologie/Les émotions, la volonté et l'attention » : différence entre les versions

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Si on compare l'organisation psychique à une société humaine, le moi est l'État, l'idéal du moi est l'idéal de l'État tel qu'il est affirmé dans la Constitution et dans toutes les déclarations officielles, le ça est la société civile. Les modules exécutifs sont tous les agents de l'État qui lui permettent d'imposer ses décisions. Les modules concepteurs et évaluateurs sont tous les citoyens, fonctionnaires ou non, qui participent à la conception et à l'évaluation des décisions prises au nom de l'État. Une information dont nous prenons conscience parce qu'elle retient notre attention est une information prise en compte lors de l'évaluation qui conduit aux décisions étatiques. Les informations inconscientes sont celles qui restent ignorées par l'État lors de ses évaluations. Les croyances sont ce que l'État déclare officiellement être vrai.
 
=== FausseLes consciencedésirs et savoir inconscientinconscients ===
 
Nos émotions déterminent nos désirs. Est désirable tout ce que nos émotions nous poussent à désirer. Ainsi défini le désir n'est pas nécessairement conscient. Pour qu'un désir devienne conscient, nous devons faire attention à nos émotions et prendre conscience de ce qui les anime. Les désirs restent inconscients si nous refusons d'en prendre conscience (Freud 1915).
Même quand nos observations nous montrent clairement la vérité, nous pouvons souvent en douter, parce que nous pouvons croire que les faits ont été mal perçus ou mal interprétés, ou qu'une erreur s'est glissée quelque part, on ne sait où. Quand nous voulons ne pas croire des vérités pourtant assez clairement observées, il est donc en général facile de le faire. Il faudrait vraiment que des preuves flagrantes et irréfutables nous soient mises sous le nez pour nous obliger à y croire. Mais souvent on n'a pas de telles preuves, on ne les cherche pas, et celles que nous avons laissent une place pour le doute, même si elles sont très bonnes. L'autonomie de la volonté nous permet donc de nier des vérités que pourtant nous connaissons (Freud 1915).
 
Nos décisions déterminent notre volonté. On veut quand on a pris une décision qu'on n'a pas oubliée. Ainsi définie la volonté commence toujours par être consciente. Nous avons conscience de ce que nous voulons au moment où nous le décidons et quand nous nous souvenons de nos décisions. Mais la fausse conscience peut rendre inconsciente une volonté qui a d'abord été consciente, lorsquepeut nousdevenir refusonsinconsciente, delorsque nous souvenir deoublions ce que nous avons voulu.
L'affirmation et la négation ne portent pas seulement sur des croyances verbales, formulées avec des mots. Nous pouvons percevoir qu'un être a ou n'a pas une qualité même si nous n'avons pas de mot pour la dire. Le déni prend beaucoup d'importance quand nous développons un savoir parlant, mais il peut exister même en l'absence de pensée formulée avec des mots.
 
Le système exécutif fait la volonté. Le système émotionnel fait les désirs. Les désirs deviennent conscients seulement si nous faisons attention à nos émotions. Ils deviennent volontaires seulement si nous décidons de les approuver. Mais on peut vouloir ce qu'on ne désire pas, si on l'a décidé, et ne pas vouloir ce qu'on désire, en le sachant ou sans le savoir.
Lorsqu'un savoir est acquis par nos systèmes de perception, il vient avec une force intrinsèque, qui dépend de son mode d'acquisition et qui nous permet de l'évaluer. Est-ce une bonne observation, parce que nous étions bien placés pour observer, ou seulement une interprétation douteuse d'événements mal compris ? Lorsque nous décidons de croire ou de ne pas croire, nous tenons compte de cette force intrinsèque de la perception, mais aussi de ce que nous voulons croire. Lorsque nous nions la vérité, nous ne lui faisons pas perdre pour autant sa force intrinsèque, parce que celle-ci ne dépend que de la façon dont la vérité a été perçue. Le déni, le refus de reconnaître la vérité, n'empêche pas la mémorisation du savoir perçu et ne lui fait pas perdre sa force intrinsèque, il ne fait qu'empêcher la conscience de travailler avec lui. Si on nie la vérité, on ne peut pas s'en servir pour réfléchir.
 
Les désirs restent inconscients si nous les refoulons (Freud 1915), c'est à dire que nous refusons d'en prendre conscience et donc de les satisfaire volontairement. Le refoulement des désirs est une conséquence de l'autonomie de la volonté. Nous pouvons contrôler notre attention et refuser d'écouter nos émotions lorsqu'elles éveillent des désirs qui nous dérangeraient si nous en prenions conscience. Ce refoulement révèle un conflit entre le désir et la volonté, entre le ça et le surmoi. Le surmoi se comporte comme un censeur qui rejette dans l'inconscient les propositions du ça qui le dérangent.
Si finalement on accepte de reconnaître une vérité qu'on a toujours niée, on se dit qu'on l'a toujours sue.
 
Désir et volonté sont étroitement reliés, à la fois parce que les désirs forment la volonté et parce que la volonté forme les désirs. Nous sommes poussés à vouloir ce que nous désirons mais nous sommes aussi poussés à désirer ce que nous voulons. Nos croyances et nos buts volontaires font partie des causes de nos émotions. Il y a du plaisir à atteindre un but, quel qu'il soit, dès qu'on se l'est fixé, et parfois un très fort déplaisir à ne pas l'atteindre. Les relations entre les émotions, les désirs et la volonté peuvent être très complexes, tantôt harmonieuses et tantôt conflictuelles. Il peut y avoir des conflits entre lesdes émotions, entre une émotion et un but volontaire, et entre des buts volontaires.
La fausse conscience, qui résulte du déni, entretient ses illusions. Ce n'est pas nécessairement mauvais, puisque les illusions peuvent nous motiver et nous faire entreprendre de bons projets que nous n'aurions pas adoptés sans elles, mais c'est quand même un problème, puisque les illusions nous empêchent de nous adapter à la réalité.
 
Même leLe surmoi est en général conscient, parce que nous savons ce que nous voulons, mais il peut devenir en partie inconscient (Freud 1923), parce qu'il peut être en contradiction avec lui-même, parce que nous pouvons nous donner des valeurs incompatibles. Une partie du surmoi peut être évincée et niée par une autre partie. Même ainsi refoulée, elle peut continuer à agir en coulisses, mais elle n'a plus accès aux ressources de la conscience et de la volonté.
=== Les désirs inconscients ===
 
Une version un peu fausse de la psychologie des profondeurs enseigne que le moi est pris dans un conflit entre le ça et le surmoi qui oppose les désirs charnels aux nobles aspirations spirituelles. C'est un peu faux parce que le ça ne se réduit pas aux désirs charnels, parce que le surmoi n'est pas toujours très noble, et surtout parce que les conflits internes peuvent être beaucoup plus complexes que cette simple opposition, qui n'est pas nécessairement conflictuelle.
Nos émotions déterminent nos désirs. Est désirable tout ce que nos émotions nous poussent à désirer. Ainsi défini le désir n'est pas nécessairement conscient. Pour qu'un désir devienne conscient, nous devons faire attention à nos émotions et prendre conscience de ce qui les anime. Les désirs restent inconscients si nous refusons d'en prendre conscience (Freud 1915).
 
Le ça inclut tout ce qui est automatique et involontaire, pas seulement les désirs charnels. Comme nos croyances font de l'effet même lorsqu'elles restent dormantes, elles font partie du ça, même les croyances sur nos plus nobles aspirations. Nous sommes mus par les idées d'une façon qui n'est pas toujours volontaire. Le surmoi et le moi sont enracinés dans le ça. Ils ne pourraient pas exister sans lui.
Nos décisions déterminent notre volonté. On veut quand on a pris une décision qu'on n'a pas oubliée. Ainsi définie la volonté commence toujours par être consciente. Nous avons conscience de ce que nous voulons au moment où nous le décidons et quand nous nous souvenons de nos décisions. Mais la fausse conscience peut rendre inconsciente une volonté qui a d'abord été consciente, lorsque nous refusons de nous souvenir de ce que nous avons voulu.
 
=== Fausse conscience et savoir inconscient ===
Le système exécutif fait la volonté. Le système émotionnel fait les désirs. Les désirs deviennent conscients seulement si nous faisons attention à nos émotions. Ils deviennent volontaires seulement si nous décidons de les approuver. Mais on peut vouloir ce qu'on ne désire pas, si on l'a décidé, et ne pas vouloir ce qu'on désire, en le sachant ou sans le savoir.
 
Même quand nos observations nous montrent clairement la vérité, nous pouvons souvent en douter, parce que nous pouvons croire que les faits ont été mal perçus ou mal interprétés, ou qu'une erreur s'est glissée quelque part, on ne sait où. Quand nous voulons ne pas croire des vérités pourtant assez clairement observées, il est donc en général facile de le faire. Il faudrait vraiment que des preuves flagrantes et irréfutables nous soient mises sous le nez pour nous obliger à y croire. Mais souvent on n'a pas de telles preuves, on ne les cherche pas, et celles que nous avons laissent une place pour le doute, même si elles sont très bonnes. L'autonomie de la volonté nous permet donc de nier des vérités que pourtant nous connaissons (Freud 1915). Le déni nous permet en particulier de refouler nos désirs, parce que pouvons nier ce que nous ressentons en refusant de l'écouter.
Désir et volonté sont étroitement reliés, à la fois parce que les désirs forment la volonté et parce que la volonté forme les désirs. Nous sommes poussés à vouloir ce que nous désirons mais nous sommes aussi poussés à désirer ce que nous voulons. Nos croyances et nos buts volontaires font partie des causes de nos émotions. Il y a du plaisir à atteindre un but, quel qu'il soit, dès qu'on se l'est fixé, et parfois un très fort déplaisir à ne pas l'atteindre. Les relations entre les émotions, les désirs et la volonté peuvent être très complexes, tantôt harmonieuses et tantôt conflictuelles. Il peut y avoir des conflits entre les émotions, entre une émotion et un but volontaire, et entre des buts volontaires.
 
L'affirmation et la négation ne portent pas seulement sur des croyances verbales, formulées avec des mots. Nous pouvons percevoir qu'un être a ou n'a pas une qualité même si nous n'avons pas de mot pour la dire. Le déni prend beaucoup d'importance quand nous développons un savoir parlant, mais il peut exister même en l'absence de pensée formulée avec des mots.
Le surmoi est en général conscient, parce que nous savons ce que nous voulons. Les émotions et les désirs restent parfois inconscients, ou peu conscients, surtout s'ils sont en conflit avec le surmoi. On peut nier qu'on désire ce qu'on désire afin de croire être ce qu'on croit devoir être. On appelle refoulement ce déni des désirs qui nous dérangent.
 
Lorsqu'un savoir est acquis par nos systèmes de perception, il vient avec une force intrinsèque, qui dépend de son mode d'acquisition et qui nous permet de l'évaluer. Est-ce une bonne observation, parce que nous étions bien placés pour observer, ou seulement une interprétation douteuse d'événements mal compris ? Lorsque nous décidons de croire ou de ne pas croire, nous tenons compte de cette force intrinsèque de la perception, mais aussi de ce que nous voulons croire. Lorsque nous nions la vérité, nous ne lui faisons pas perdre pour autant sa force intrinsèque, parce que celle-ci ne dépend que de la façon dont la vérité a été perçue. Le déni, le refus de reconnaître la vérité, n'empêche pas la mémorisation du savoir perçu et ne lui fait pas perdre sa force intrinsèque, il ne fait qu'empêcher la conscience de travailler avec lui. Si on nie la vérité, on ne peut pas s'en servir pour réfléchir.
Même le surmoi peut devenir en partie inconscient (Freud 1923), parce qu'il peut être en contradiction avec lui-même, parce que nous pouvons nous donner des valeurs incompatibles. Une partie du surmoi peut être évincée et niée par une autre partie. Même ainsi refoulée, elle peut continuer à agir en coulisses, mais elle n'a plus accès aux ressources de la conscience et de la volonté.
 
Si finalement on accepte de reconnaître une vérité qu'on a toujours niée, on se dit qu'on l'a toujours sue.
Une version un peu fausse de la psychologie des profondeurs enseigne que le moi est pris dans un conflit entre le ça et le surmoi qui oppose les désirs charnels aux nobles aspirations spirituelles. C'est un peu faux parce que le ça ne se réduit pas aux désirs charnels, parce que le surmoi n'est pas toujours très noble, et surtout parce que les conflits internes peuvent être beaucoup plus complexes que cette simple opposition, qui n'est pas nécessairement conflictuelle.
 
La fausse conscience, qui résulte du déni, entretient ses illusions. Ce n'est pas nécessairement mauvais, puisque les illusions peuvent nous motiver et nous faire entreprendre de bons projets que nous n'aurions pas adoptés sans elles, mais c'est quand même un problème, puisque les illusions nous empêchent de nous adapter à la réalité.
Le ça inclut tout ce qui est automatique et involontaire, pas seulement les désirs charnels. Comme nos croyances font de l'effet même lorsqu'elles restent dormantes, elles font partie du ça, même les croyances sur nos plus nobles aspirations. Nous sommes mus par les idées d'une façon qui n'est pas toujours volontaire. Le surmoi et le moi sont enracinés dans le ça. Ils ne pourraient pas exister sans lui.
 
=== Prisonniers des schémas ===
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L'accord, ou la congruence, entre le moi et son expérience (Rogers 1951), c'est à dire l'adaptation de nos croyances conscientes aux réalités extérieures et intérieures, est une condition nécessaire de la maîtrise de soi. Pour se servir au mieux de son potentiel il faut le connaître. On ne peut pas développer pleinement son potentiel si on entretient des illusions à son sujet.
 
=== Puissance de l'inconscient ou de la conscience ? ===
 
''«  Un troisième démenti sera infligé à la mégalomanie humaine par la recherche psychologique de nos jours qui se propose de montrer au moi qu’il n’est seulement pas maître dans sa propre maison, qu’il en est réduit à se contenter de renseignements rares et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience, dans sa vie psychique. »'' (Freud 1915)
 
Le modèle d'une administration centralisée sans administrateur central explique le ça, le moi et le surmoi et permet ainsi de confirmer certaines des hypothèses freudiennes, mais il ne permet pas d'attribuer à l'inconscient une puissance supérieure à celle de la conscience. An contraire il montre que la conscience est la plus grande puissance intérieure, parce qu'elle commande le système exécutif qui domine l'ensemble de l'activité cérébrale. En dehors du système exécutif, seuls les systèmes émotionnels ont les moyens d'exercer une domination intérieure, mais ils ne peuvent pas le faire complètement à notre insu, parce que nous avons toujours un minimum de conscience de ce que nous ressentons. La conscience est en position de recueillir tous les renseignements d'importance vitale sur l'activité intérieure, parce que c'est naturellement son travail. Le modèle ne laisse pas de place pour un inconscient qui pourrait développer sa puissance indépendamment de la conscience. Où trouverait-il les ressources qui lui permettraient de dominer l'intérieur s'il n'a accès ni au système exécutif, ni aux systèmes émotionnels ?
 
On pourrait inventer un autre modèle, où l'inconscient serait être un troisième système, supérieur à la fois au système exécutif conscient et aux systèmes émotionnels. Mais pourquoi la nature consacrerait-elle des ressources précieuses à construire un système qui aurait pour principal effet de priver la conscience de sa puissance ? Cela semble interdit par la sélection naturelle, ou alors il faudrait que cet inconscient nous aide à vivre.
 
Le modèle d'administration centralisée sans administrateur central interdit l'existence d'un inconscient à la fois indépendant de la conscience et plus puissant qu'elle, mais il explique quand même pourquoi l'inconscient peut être très puissant. Lorsque la conscience se réfugie dans la fausse conscience et s'accroche à des schémas inadaptés, elle peut devenir très faible et incapable de faire son travail d'unification intérieure, elle perd le contrôle et se laisse envahir par l'agitation intérieure, d'origine inconsciente. L'inconscient acquiert de la puissance par l'intermédiaire de la conscience et à son insu, parce qu'elle s'est réfugiée dans le déni. En profitant de la faiblesse et des illusions de la conscience, l'inconscient peut avoir accès aux ressources du système exécutif en nous suggérant des croyances et des buts dont nous ne reconnaissons pas les motivations inconscientes. L'inconscient peut ainsi devenir puissant mais seulement parce que la conscience lui a cédé une part de sa puissance.
 
Un bon surmoi, adapté à la réalité, lucide, qui impose un minimum de cohérence à la vie intérieure et qui se comporte comme une bonne autorité, modératrice et apaisante, est en principe suffisant pour apprivoiser son inconscient. Il ne faut pas voir le ça comme un repaire de démons très puissants, mais plutôt comme un petit animal plein de désir de vivre, plus ou moins docile, et qui peut être apprivoisé. Il arrive que l'inconscient s'approprie les ressources d'une conscience faible et fausse et pousse à l'autodestruction, mais il ne peut le faire que si la conscience ne fait plus correctement son travail d'autoprotection.
 
=== La maîtrise des émotions ===
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Le contrôle de la volonté sur les émotions peut conduire à une forme de fausse conscience, le déni émotionnel, et au refoulement des désirs. Nous ne pouvons pas ne pas ressentir ce que nous ressentons, mais nous pouvons le percevoir de diverses façons, refuser de lui accorder notre attention et nier les observations qu'il nous suggère. Les émotions demandent à être écoutées et interprétées. Comme toute réalité, elles sont perçues à partir de schémas. Nous ne comprenons pas nos émotions et nos désirs et restons sourds à leur enseignement lorsque nos schémas ne sont pas adaptés. Nous pouvons ainsi nous construire une fausse conscience en niant les vérités que nos émotions nous enseignent. Un travail d'acceptation émotionnelle est nécessaire pour renoncer aux illusions de cette fausse conscience (Greenberg).
 
=== Puissance de l'inconscient ou de la conscience ? ===
 
''« Un troisième démenti sera infligé à la mégalomanie humaine par la recherche psychologique de nos jours qui se propose de montrer au moi qu’il n’est seulement pas maître dans sa propre maison, qu’il en est réduit à se contenter de renseignements rares et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience, dans sa vie psychique. »'' (Freud 1915)
 
Le modèle d'une administration centralisée sans administrateur central explique le ça, le moi et le surmoi et permet ainsi de confirmer certaines des hypothèses freudiennes, mais il ne permet pas d'attribuer à l'inconscient une puissance supérieure à celle de la conscience. An contraire il montre que la conscience est la plus grande puissance intérieure, parce qu'elle commande le système exécutif qui domine l'ensemble de l'activité cérébrale. En dehors du système exécutif, seuls les systèmes émotionnels ont les moyens d'exercer une domination intérieure, mais ils ne peuvent pas le faire complètement à notre insu, parce que nous avons toujours un minimum de conscience de ce que nous ressentons. La conscience est en position de recueillir tous les renseignements d'importance vitale sur l'activité intérieure, parce que c'est naturellement son travail. Le modèle ne laisse pas de place pour un inconscient qui pourrait développer sa puissance indépendamment de la conscience. Où trouverait-il les ressources qui lui permettraient de dominer l'intérieur s'il n'a accès ni au système exécutif, ni aux systèmes émotionnels ?
 
On pourrait inventer un autre modèle, où l'inconscient serait être un troisième système, supérieur à la fois au système exécutif conscient et aux systèmes émotionnels. Mais pourquoi la nature consacrerait-elle des ressources précieuses à construire un système qui aurait pour principal effet de priver la conscience de sa puissance ? Cela semble interdit par la sélection naturelle, ou alors il faudrait que cet inconscient nous aide à vivre.
 
Le modèle d'administration centralisée sans administrateur central interdit l'existence d'un inconscient à la fois indépendant de la conscience et plus puissant qu'elle, mais il explique quand même pourquoi l'inconscient peut être très puissant. Lorsque la conscience se réfugie dans la fausse conscience et s'accroche à des schémas inadaptés, elle peut devenir très faible et incapable de faire son travail d'unification intérieure, elle perd le contrôle et se laisse envahir par l'agitation intérieure, d'origine inconsciente. L'inconscient acquiert de la puissance par l'intermédiaire de la conscience et à son insu, parce qu'elle s'est réfugiée dans le déni. En profitant de la faiblesse et des illusions de la conscience, l'inconscient peut avoir accès aux ressources du système exécutif en nous suggérant des croyances et des buts dont nous ne reconnaissons pas les motivations inconscientes. L'inconscient peut ainsi devenir puissant mais seulement parce que la conscience lui a cédé une part de sa puissance.
 
Un bon surmoi, adapté à la réalité, lucide, qui impose un minimum de cohérence à la vie intérieure et qui se comporte comme une bonne autorité, modératrice et apaisante, est en principe suffisant pour apprivoiser son inconscient. Il ne faut pas voir le ça comme un repaire de démons très puissants, mais plutôt comme un petit animal plein de désir de vivre, plus ou moins docile, et qui peut être apprivoisé. Il arrive que l'inconscient s'approprie les ressources d'une conscience faible et fausse et pousse à l'autodestruction, mais il ne peut le faire que si la conscience ne fait plus correctement son travail d'autoprotection.