« Précis d'épistémologie/Les émotions, la volonté et l'attention » : différence entre les versions

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Précisions et corrections sur le surmoi.
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Ce modèle invite à rechercher des analogies entre le fonctionnement du cerveau et les sociétés humaines. Tout ce que nous apprenons sur une société humaine, comment elle s'organise, comment elle est unie et aussi parfois désunie, peut nous apprendre beaucoup sur les cerveaux, comment ils marchent et comment aussi parfois ils ne marchent pas, ou pas très bien. Inversement tout ce que nous comprenons sur notre fonctionnement intérieur, ou sur nos dysfonctionnements, peut nous aider à comprendre les sociétés dans lesquelles nous vivons.
 
En expliquant l'autonomie de la volonté, le modèle d'administration centralisée sans administrateur central explique pourquoi le moi est comme une boucle étrange (Hofstadter 2007). Je peux décider des critères d'évaluation de mes décisions, parce que la volonté est autonome dans ses évaluations. Je peux aussi décider des objets sur lesquels porteront mes prochaines décisions, parce que la volonté est autonome dans son exécution.
 
=== L'attention ===
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Pour qu'un savoir éthique soit vrai il suffit que ce qu'il évalue positivement nous satisfasse vraiment et que ce qu'il évalue négativement nous déplaise vraiment. Ainsi conçue la vérité éthique est relative, parce que ce qui satisfait les uns ne satisfait pas forcément les autres. Mais la suite de ce livre montrera que la raison permet de développer un savoir éthique universel.
 
=== La construction de soi ===
 
Un agent peut vouloir non seulement une transformation de son environnement mais aussi une transformation de lui-même. Il peut vouloir changer ses habitudes ou ses façons de réagir, acquérir de nouvelles capacités et du savoir. Il peut même vouloir changer sa volonté.
 
Comme nous sommes transformés par toutes nos expériences, par tout ce que nous percevons ou imaginons, toutes nos décisions volontaires à l'origine de nos expériences ont toujours pour effet de nous transformer. C'est ainsi que nous acquérons de nouvelles habitudes. Au début elles requièrent un effort volontaire, mais elles sont ensuite accomplies d'une façon automatique.
 
On agit sur soi-même dès qu'on agit parce qu'on dirige son attention. La direction de l'attention est le premier levier avec lequel on agit sur soi-même à chaque instant. Elle est l'une des premières compétences à acquérir pour apprendre à se maîtriser soi-même.
 
L'imagination, même sans action, suffit pour se transformer soi-même, parce qu'elle nous fait découvrir nos capacités. On commence par imaginer qu'on pourrait essayer quelque chose, puis on se rend compte que cela pourrait marcher. Imaginer qu'on est capable suffit souvent pour se rendre capable. Quand on résout un problème par l'imagination, on est transformé par la découverte d'une solution.
On peut agir sur sa propre perception et la construire, parce que nos décisions influencent la façon dont nous percevons la réalité. Les schémas qui organisent nos perceptions dépendent de ce que nous voulons. Nous pouvons choisir de nouveaux schémas, modifier ou rejeter les anciens et changer ainsi nos façons de voir le monde et nous-mêmes.
 
Nos décisions volontaires ne sont pas limitées à l'action sur le présent. Elles portent souvent sur un avenir plus ou moins lointain ou déterminé. Nous décidons par avance les objectifs que nous poursuivrons et les règles, les engagements ou les contraintes que nous respecterons. Tout se passe comme si nous écrivions dans nos têtes les contrats et les cahiers des charges pour lesquels nous nous décidons volontairement. Une telle écriture se produit automatiquement. Il suffit que nous arrêtions nos décisions pour qu'elles soient mémorisées d'une façon définitive, ou presque. Elles peuvent alors exercer leurs effets même des années ou des décennies plus tard, sauf si on les oublie. Arrêter ses décisions par avance est comme vouloir vouloir, parce qu'on se décide maintenant à vouloir ce qu'on décidera plus tard. En déterminant sa volonté on la construit. On se transforme soi-même en prenant des décisions, la volonté s'autodétermine, elle est transformée par ses propres décisions.
 
Pour se construire soi-même il faut décider de ce qu'on veut être, il faut donc se donner un savoir éthique qui définit un idéal du moi. Cet idéal est défini avec des concepts. Pour savoir si un concept est vrai du moi on a besoin d'un système de détection sensible au moi. Mais où trouve-t-on le moi ? Comment détecte-t-on s'il satisfait à son idéal ?
 
Je suis ce que je fais. Se donner un idéal du moi, c'est simplement se donner des critères d'évaluation de ses actions. Les décisions peuvent être ou non en accord avec l'idéal. Je prouve que je satisfais ou non à mon idéal simplement en prenant mes décisions.
 
On se construit soi-même en se donnant un idéal du moi, donc en décidant des critères d'évaluation de nos décisions.
 
La volonté a quelque chose de magique : il suffit de vouloir lever le petit doigt pour qu'il se lève automatiquement. Il en va de même lorsque la volonté se veut elle-même, lorsqu'elle prend des engagements sur son avenir. Il suffit de vouloir déterminer sa volonté pour qu'elle soit automatiquement déterminée. Mais que ce soit pour l'action sur son environnement ou sur elle-même, la magie de la volonté a toujours des limites. La volonté à elle seule est en général insuffisante pour déplacer des montagnes. Elle ne peut pas non plus faire d'elle-même ce qu'elle ne peut pas être.
 
Nous nous construisons nous-mêmes en permanence, à chaque fois que nous prenons des décisions et que nous vivons leurs conséquences. Comme pour toute construction, le constructeur doit adapter son action aux matériaux disponibles, s'il veut un résultat viable et fiable. La réflexion, la connaissance de soi, est donc essentielle, vitale, pour se construire soi-même.
 
=== Le ça, le moi et le surmoi ===
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On est un ''moi'' quand on est conscient et volontaire, quand on a conscience de ce qu'on perçoit, de ce qu'on imagine, de ce qu'on ressent et de ce qu'on veut. Le modèle d'administration centralisée sans administrateur central explique comment le cerveau fait exister le moi, parce qu'il explique la volonté et l'attention.
 
Le ''surmoi'' est ''l'idéal du moi'', ce qu'il croit devoir être ou ce qu'il voudrait être. Il est construit par le moi qui se donne des critères d'évaluation de lui-même. Il résulte donc de l'autonomie de la volonté. Comme nous devons nous adapter à la société dans laquelle nous vivons, nous construisons notre surmoi en intériorisant les valeurs que la société nous invite à adopter.
 
La volonté se donne des critères d'évaluation d'elle-même, en décidant des critères d'évaluation de ses décisions. Une telle boucle fait qu'on peut dire à la fois que le moi fait le surmoi et que le surmoi fait le moi.
Le ''ça'' est la machine intérieure, tout ce qui en nous est mécanique, ou automatique, et involontaire. L'activité du ça inclut toute l'agitation intérieure, sauf l'activité volontaire. Le ça est pour sa plus grande part inconscient, parce que nous ne pouvons pas avoir conscience de tout ce qui se passe dans le cerveau. Mais il n'est pas complètement inconscient. On peut le comparer à un océan dont on peut observer les vagues mais pas les profondeurs. Si nous portons notre attention sur notre intérieur, sur ce que nous ressentons, percevons, imaginons et désirons, nous pouvons parfois prendre conscience des automatismes qui nous agitent intérieurement (Freud 1923).
 
Le ''ça'' est la machine intérieure, tout ce qui en nous est mécanique, ou automatique, et involontaire. L'activité du ça inclut toute l'agitation intérieure, sauf l'activité volontaire. Le ça est pour sa plus grande part inconscient, parce que nous ne pouvons pas avoir conscience de tout ce qui se passe dans le cerveau. Mais il n'est pas complètement inconscient. On peut le comparer à un océan dont on peut observer les vagues mais pas les profondeurs. Si nous portons notre attention sur notre intérieur, sur ce que nous ressentons, percevons, imaginons et désirons, nous pouvons parfois prendre conscience des automatismes qui nous agitent intérieurement (Freud 1923).
Tout ce qui est vivant manifeste toujours le désir de vivre, même lorsqu'il est mécanique, ou automatique. C'est pourquoi on peut aussi comparer le ça à une sorte d'animal intérieur, plutôt qu'à une machine. Mais il faut alors prendre garde à ne pas le doter d'une volonté qui lui soit propre, parce qu'il n'a pas les moyens de construire pour lui-même une volonté unifiée, seul le moi a cette capacité.
 
Si on compare l'organisation psychique à une société humaine, le moi est l'État, l'idéal du moi est l'idéal de l'État tel qu'il est affirmé dans la Constitution et dans toutes les déclarations officielles, le ça est la société civile. Les modules exécutifs sont tous les agents de l'État qui lui permettent d'imposer ses décisions. Les modules concepteurs et évaluateurs sont tous les citoyens, fonctionnaires ou non, qui participent à la conception et à l'évaluation des décisions prises au nom de l'État. Une information dont nous prenons conscience parce qu'elle retient notre attention est une information prise en compte lors de l'évaluation qui conduit aux décisions étatiques. Les informations inconscientes sont celles qui restent ignorées par l'État lors de ses évaluations. Les croyances sont ce que l'État déclare officiellement être vrai.