« Précis d'épistémologie/La parole » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
→‎La pensée : le moi est comme éclaté (Laing 1959)
Ligne 143 :
Avec la pensée, nous intériorisons les valeurs de la société dans laquelle nous vivons, nous nous les approprions. La pensée est l'un des principaux moyens avec lequel nous donnons de la force à notre idéal du moi. Quand nous pensons, nous ne cessons de nous justifier, en tant qu'acteur et en tant que penseur, nous ne cessons d'affirmer les valeurs auxquelles nous voulons croire. Le surmoi exerce son pouvoir sur toute notre vie d'abord et avant tout en faisant autorité sur nos pensées.
 
La pensée nous aide à faire notre travail d'unification intérieure, à imposer un minimum de cohérence dans nos croyances, nos décisions et nos valeurs. Le surmoi fait l'unité du moi, pourvu qu'il soit lui-même unifié et qu'il soit adapté à la réalité. Nous avons besoin de l'affirmation permanente de ce que nous croyons pour nous sentir exister. Je pense donc je suis, pas seulement parce que je ne peux pas penser sans être (Descartes 1637) mais aussi et surtout parce que sans penser, je ne sais même pas si je suis. Si on renonce au travail d'unification intérieure par la pensée, le moi est comme éclaté (Laing 1959), dispersé en de nombreux fragments qui s'opposent les uns aux autres, et on ne sait même plus qui on est, ni même si on est.
 
Le savoir éthique parlant fait l'unité du moi pourvu qu'il cherche honnêtement à connaître la vérité pour s'adapter à la réalité. De la même façon il fait l'unité des sociétés humaines. En se donnant des valeurs communes, en les affirmant, en invitant tous les arrivants à les partager, les communautés se forgent une identité. Elles affirment une existence qui dépasse celles de leurs membres.
 
La science, la sagesse et la raison existent quand les êtres humains se donnent collectivement les moyens de les faire exister. Et le premier de ces moyens est l'idéal. L'idéal est à la fois le moyen et la fin. Aristote nous a enseigné (''Métaphysique'') l'unité de, la cause motrice et de la cause finale (Aristote, ''Métaphysique'').
 
Pour faire la science, nous devons nous unir, nous devons la faire tous ensemble en nous donnant collectivement un idéal de la science, une sorte de surmoi pour toute l'humanité. De même que le surmoi individuel unifie une personnalité, l'idéal rationaliste unifie l'humanité. Le surmoi individuel rend intelligent et puissant quand il rend cohérent avec soi-même et avec la réalité. De la même façon l'idéal de la raison rend l'humanité capable de s'unir et de réaliser ainsi la raison.