« Précis d'épistémologie/La perception, l'imagination et la réflexion » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
La réflexion permet de développer un savoir muet sur le savoir, parce qu'on connaît le savoir en se connaissant soi-même comme un être qui sait.
Ligne 88 :
Les sensations sont les sources des processus ascendants de la perception, les concepts de base et les cadres conceptuels sont les sources des processus descendants.
 
== L'imagination créatrice ==
== Le savoir des fictions ==
 
Par l'imagination nous pouvons combiner des représentations dans des configurations nouvelles que nous n'avons jamais perçues. Les parties ont été perçues, mais leur assemblage est inventé, il est purement imaginaire, il représente un être fictif, une sorte de chimère. En assemblant des fragments d'images sensorielles, comme un patchwork, nous pouvons créer une image d'un être qui n'existe pas. De même en assemblant des concepts nous pouvons créer des représentations d'êtres qui n'ont jamais existé et qui n'existeront peut-être jamais. Par l'abstraction nous séparons les concepts des réalités qu'ils représentent. Par l'imagination nous les assemblons dans des configurations nouvelles et créons ainsi des fictions. L'imagination et l'abstraction sont créatrices. Par séparation et composition nous pouvons inventer toutes les possibilités conceptuelles que nous voulons. Nous découvrons ainsi la richesse des concepts et la liberté créatrice qu'ils nous donnent.
Ligne 104 :
Toute connaissance d'un être peut aider à connaître ceux qui lui sont semblables, parce qu'une partie de ce qui est vrai de lui est également vrai des autres. Comme les fictions sont toujours plus ou moins semblables à des êtres réels, elles peuvent servir à les connaître. En imaginant des fictions, nous pouvons exercer et développer nos facultés de représentation et d'inférence sur des êtres typiques, fictifs mais suffisamment semblables à certaines réalités pour servir à la connaissance du réel.
 
== La réflexion et le savoir muet sur le savoir ==
 
Pour se préparer à l'action, connaître son environnement ne suffit pas, il faut aussi se connaître soi-même, ne serait-ce que pour connaître sa position et ses capacités.
Ligne 115 :
 
La réflexion est la connaissance de soi-même en tant qu'âme, c'est à dire en tant qu'être qui perçoit, imagine, ressent, veut... La réflexion accompagne naturellement la perception du monde extérieur. Elle est presque une composante nécessaire de la perception parce qu'en percevant, on se connaît soi-même en tant qu'être qui perçoit. Une représentation n'apporte pas que des informations sur l'objet représenté, elle peut aussi en dire beaucoup sur la façon de le représenter. La connaissance du mode de représentation est de nature réflexive. On se connaît soi-même en connaissant sa relation à l'objet qu'on se représente. Par exemple, quand on se souvient, on sait qu'on se souvient, on se connaît soi-même en tant qu'être capable de se souvenir, et on ne pourrait pas faire la différence entre un souvenir et la perception du présent si on ne le savait pas.
 
Pour percevoir l'environnement il faut des organes sensoriels qui relient l'intérieur à l'extérieur. Même pour la perception de l'intérieur du corps, il y a une interface sensorielle entre le système nerveux et le reste du corps qui est perçu. Faut-il en conclure que la réflexion requiert des organes sensoriels ? Y a-t-il une interface sensorielle entre le moi perçu et le moi qui perçoit ? Lorsque je sais que je vois le ciel, est-ce un œil introspectif qui me montre que je vois le ciel ? Il semble que non, qu'il n'y a pas de séparation entre un moi qui perçoit et un moi perçu, donc pas d'interface sensorielle. Tout se passe à l'intérieur. Toutes les informations sur l'agent, en tant qu'il perçoit, qu'il imagine, qu'il ressent ou qu'il veut, sont déjà présentes à l'intérieur de l'agent. Pour développer ses facultés de réflexion il lui suffit d'exploiter ces sources intérieures d'information. Un organe sensoriel de réflexion n'est pas nécessaire parce que les informations recherchées sont déjà présentes à l'intérieur.
 
La réflexion est fondamentale pour développer l'intelligence. Par exemple, un agent peut souvent imaginer comment agir avant d'agir. Dès qu'il anticipe correctement les résultats des actions qu'il pourrait entreprendre il se rend capable de les atteindre. En se connaissant lui-même comme un être qui imagine, donc en réfléchissant à ses capacités, il découvre comment les développer. Réfléchir à nos capacités nous rend capable.
 
La réflexion permet de développer un savoir muet sur le savoir, parce qu'on connaît le savoir en se connaissant soi-même comme un être qui sait.
== Pourquoi les perceptions peuvent-elles êtres vraies ? ==
 
Pour percevoir l'environnement il faut des organes sensoriels qui relient l'intérieur à l'extérieur. Même pour la perception de l'intérieur du corps, il y a une interface sensorielle entre le système nerveux et le reste du corps qui est perçu. Faut-il en conclure que la réflexion requiert des organes sensoriels ? Y a-t-il une interface sensorielle entre le moi perçu et le moi qui perçoit ? Lorsque je sais que je vois le ciel, est-ce un œil introspectif qui me montre que je vois le ciel ? Il semble que non, qu'il n'y a pas de séparation entre un moi qui perçoit et un moi perçu, donc pas d'interface sensorielle. Tout se passe à l'intérieur. Toutes les informations sur l'agent, en tant qu'il perçoit, qu'il imagine, qu'il ressent ou qu'il veut, sont déjà présentes à l'intérieur de l'agent. Pour développer ses facultés de réflexion il lui suffit d'exploiter ces sources intérieures d'information. Un organe sensoriel de réflexion n'est pas nécessaire parce que les informations recherchées sont déjà présentes à l'intérieur.
Un agent a un savoir-faire lorsqu'il est capable de s'adapter à son environnement pour atteindre ses fins. Un savoir-faire est un comportement intelligent, ou une capacité à se comporter intelligemment.
 
== Pourquoi les perceptions peuvent-elles êtres vraies ? ==
Pour atteindre ses fins un agent a besoin de représentations de son environnement et de lui-même. Ces représentations sont un savoir de ce qu'elles représentent, pourvu qu'elles soient vraies.
 
Un agent A a un savoir sur un être X, ou A connaît X, lorsque A a une représentation interne vraie de X. Un savoir peut être défini comme une représentation interne vraie. Cette définition est en accord avec l'usage courant puisque n'importe quelle information vraie peut être considérée comme un savoir. Elle suffit aux besoins de la discussion présente. Un chapitre ultérieur montrera qu'au critère de vérité il faut ajouter un critère de preuve ou de justification pour définir plus strictement le savoir.
 
Le savoir, en tant que représentation interne vraie, et le savoir-faire, en tant que comportement intelligent, sont inséparables. S'il n'y avait pas de savoir il n'y aurait pas de savoir-faire, parce qu'un agent a besoin de représentations vraies pour agir. S'il n'y avait pas de savoir-faire il n'y aurait pas de savoir, parce que la production des représentations vraies fait partie du savoir-faire.
 
Par inférence un agent peut produire un nouveau savoir à partir du savoir déjà acquis. L'inférence est une production de savoir, pourvu qu'elle conduise à des représentations internes vraies. Les inférences muettes produisent du savoir muet de la même façon que les raisonnements produisent du savoir parlant.
 
La perception et l'imagination du présent, la remémoration et l'anticipation sont toutes des formes du savoir, pourvu que les représentations internes qu'elles produisent soient vraies.
 
Lorsque nous percevons un objet avec nos sens nous croyons le connaître ainsi. Par exemple, si nous voyons que le mur est jaune, nous croyons naturellement qu'il est vraiment jaune. Mais n'est-ce pas une erreur ? Tout ce que nous savons c'est que nos yeux nous donnent une sensation de jaune. Le jaune semble être sur le mur mais il est surtout sur nos yeux. Il se pourrait même que le mur n'existe pas, que nous ayons seulement l'illusion d'un mur jaune. Faut-il en conclure que nous ne connaissons jamais le monde extérieur, que nous pouvons seulement connaître nos sensations et nous-mêmes, que la perception est toujours introspective ?