« Précis d'épistémologie/La perception, l'imagination et la réflexion » : différence entre les versions

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== L'imagination du présent et la perception de l'absent ==
 
Au sens strict, la perception est seulement sensorielle. Elle est donc limitée à l'environnement présent. Mais on peut aussi parler de perception du passé (la remémoration, et plus généralement toute forme d'imagination du passé), du futur (l'anticipation), de l'imaginaire (rêver à des êtres qui n'existent pas), de soi-même (l'introspection, la réflexion), et même des êtres abstraits (lale savoir abstrait, mathématique par exemple).
 
La perception de l'environnement présent n'est pas seulement sensorielle. Par exemple lorsque nous saisissons un objet familier, le geste est préparé de façon à s'adapter au poids de l'objet. Si nous anticipons mal le poids le geste n'est pas adapté. Cela montre que nous avons une représentation interne du poids avant que nous tenions l'objet dans la main. Le poids est donc perçureprésenté avant que les capteurs de tension musculaire ne fournissent cette information. LaOn représentationpeut internedire que le poids a été produiteimaginé, parmais uneon sourcepeut intérieureaussi dire qu'il a été perçu indirectement à partir de l'image visuelle de l'objet, grâce à un savoir mémorisé sur le poids ordinaire d'un tel objet.
 
En général la perception et l'imagination sont pensées en opposition. Ce qui est perçu est présent, ce qui est seulement imaginé ne l'est pas. Mais cette opposition interdit de parler de l'imagination de l'environnement présent. Si par exemple je suis dans un endroit familier, je peux me représenter la disposition des lieux même dans l'obscurité. Je sais que divers objets sont présents et où ils sont alors que je ne les perçois pas directement. Lorsque les modèles internes du présent ne sont pas produits à partir des signaux sensoriels, il semble naturel de dire qu'ils sont produits par l'imagination. Or ils font également partie de la perception. Même la perception sensorielle peut être considérée comme une sorte d'imagination, stimulée et guidée par les sens.
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Dans ce livre la perception et l'imagination sont souvent conçues comme des synonymes. Une perception est une imagination de ce qui est perçu. Une imagination est une perception de ce qui est imaginé. L'imagination est comme la perception la production de représentations internes qui préparent à l'action. Si les représentations sont produites à partir des informations sensorielles, il s'agit de perception sensorielle, et d'imagination sinon, mais la frontière entre perception et imagination est floue, parce qu'on peut parler d'imagination du présent ou de perception de l'absent.
== les inférences muettes ==
Les représentations internes peuvent être plus ou moins proches des actions qu'elles préparent. Les représentations géométriques (les positions), cinématiques (les vitesses) et dynamiques (les forces) servent très directement à l'action parce qu'elles permettent de commander les muscles. Les images sensorielles (visuelles, auditives, olfactives...) sont en revanche beaucoup plus éloignées de l'action. Comment passe-ton d'une image à l'action, de la carte d'un territoire, par exemple, à la locomotion ? Les images sensorielles sont les représentations internes les plus superficielles, les plus proches de l'interface sensorielle entre le système nerveux et son environnement. Elles sont donc en général en bout de chaîne, au plus loin de l'action (sauf les images proprioceptives qui informent sur l'état des muscles). La succession d'étapes qui relient une image sensorielle à l'action peut être très complexe, mais cela n'empêche pas de considérer qu'une image fait toujours partie de la préparation à l'action, ne serait-ce que par sa capacité à influencer les décisions.
 
L'imagination du passé, du futur et de mondes purement imaginaires est une simulation de la perception et de l'action. Une partie des ressources de la perception est mobilisée pour représenter un environnement qui n'est pas présent, seulement imaginé. Cette simulation de la perception active en même temps les systèmes de l'émotion, de la motivation et de l'action. On peut ainsi imaginer ce qu'on percevrait, ce qu'on ressentirait et ce qu'on ferait si on était ailleurs, à un autre moment, ou à la place d'un autre (Goldman 2006, Rizzolatti & Sinigaglia 2006).
 
Simuler la perception consiste à simuler l'activation de nos systèmes de détection. On peut simuler la perception sensorielle et reconstituer partiellement des images ou des impressions d'origine sensorielle, mais l'imagination n'est pas forcément associée à des images sensorielles. Pour imaginer un être dangereux il n'est pas nécessaire de s'en faire une image visuelle, ou d'imaginer sa voix, ou toute autre forme de perception sensorielle simulée, il suffit de simuler l'activation d'un détecteur de danger. On peut s'imaginer à proximité d'un être dangereux même si on ne perçoit rien de lui, sauf qu'il est dangereux.
 
La plupart des représentations internes influencent les actions non directement en commandant les muscles mais indirectement, en participant à la production d'autres représentations. Les représentations internes, sauf peut-être celles qui servent directement à commander les effecteurs, ont toujours pour fonction de produire, modifier ou supprimer d'autres représentations internes, ou au moins de participer à la dynamique de production des représentations internes.
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La perception sensorielle est à la sensation ce que la raison est à l'intuition. Les intuitions viennent spontanément mais il faut raisonner à partir d'elles pour développer le savoir rationnel auquel elles conduisent parfois. De même les sensations sont produites spontanément par les sens mais il faut procéder par inférence, produire de nouvelles représentations internes, pour développer une perception bien informée de l'être perçu. La perception sensorielle est comme un raisonnement sur les sensations.
 
== Imaginer pour simuler les autres âmes ==
 
L'imagination du passé, du futur et de mondes purement imaginaires est une simulation de la perception et de l'action. Une partie des ressources de la perception est mobilisée pour représenter un environnement qui n'est pas présent, seulement imaginé. Cette simulation de la perception active en même temps les systèmes de l'émotion, de la motivation et de l'action. On peut ainsi imaginer ce qu'on percevrait, ce qu'on ressentirait et ce qu'on ferait si on était ailleurs, à un autre moment, ou à la place d'un autre (Goldman 2006, Rizzolatti & Sinigaglia 2006).
 
Simuler la perception consiste à simuler l'activation de nos systèmes de détection. On peut simuler la perception sensorielle et reconstituer partiellement des images ou des impressions d'origine sensorielle, mais l'imagination n'est pas forcément associée à des images sensorielles. Pour imaginer un être dangereux il n'est pas nécessaire de s'en faire une image visuelle, ou d'imaginer sa voix, ou toute autre forme de perception sensorielle simulée, il suffit de simuler l'activation d'un détecteur de danger. On peut s'imaginer à proximité d'un être dangereux même si on ne perçoit rien de lui, sauf qu'il est dangereux.
 
On connaît l'âme d'abord par l'expérience de soi-même. En se souvenant de tout ce qu'on a vécu, on se reconnaît soi-même comme une âme. Mais on étend sa connaissance, par l'imagination, en se mettant à la place des autres âmes, de toutes les âmes que l'on peut imaginer.
 
Connaître autrui comme une âme, comme un être qui imagine, qui ressent et qui veut, en se mettant à sa place par l'imagination, permet d'anticiper les conséquences immédiates et les effets à long-terme de nos actes présents sur son comportement.
 
== Le savoir muet ==
 
Un agent A a un savoir sur un être X, ou A connaît X, lorsque A a une représentation interne vraie de X. Un savoir peut être défini comme une représentation interne vraie. Cette définition est en accord avec l'usage courant puisque n'importe quelle information vraie peut être considérée comme un savoir. Elle suffit aux besoins du présent chapitre. Le suivant montrera qu'au critère de vérité il faut ajouter un critère de justification pour définir plus strictement le savoir.
 
Évidemment les représentations internes ne sont pas toujours vraies. Les agents ont souvent des représentations fausses sans s'en rendre compte. Ils croient savoir sans savoir, et sans savoir qu'ils ne savent pas.
 
Le savoir, en tant que représentation interne vraie, et le savoir-faire, en tant que comportement intelligent, sont inséparables. S'il n'y avait pas de savoir il n'y aurait pas de savoir-faire, parce qu'un agent a besoin de représentations vraies pour agir. S'il n'y avait pas de savoir-faire il n'y aurait pas de savoir, parce que la production des représentations vraies fait partie du savoir-faire.
 
La perception et l'imagination du présent, la remémoration et l'anticipation sont toutes des formes du savoir, pourvu que les représentations internes qu'elles produisent soient vraies.
 
Par inférence un agent peut produire un nouveau savoir à partir du savoir déjà acquis. L'inférence est une production de savoir, pourvu qu'elle conduise à des représentations internes vraies. Les inférences muettes produisent du savoir muet de la même façon que les raisonnements produisent du savoir parlant.
 
== Les concepts ==
 
=== La détectionperception desest conceptsconceptuelle ===
 
Une représentation est conceptuelle lorsqu'elle attribue des concepts aux objets qu'elle représente. Les concepts sont des propriétés ou des relations. Une propriété, ou une qualité, est d'un unique objet. Une relation est entre plusieurs objets. Lorsqu'une relation est entre deux objets, on peut considérer qu'elle est une propriété du couple. Une relation entre trois objets est une propriété du triplet, et ainsi de suite pour les relations entre davantage d'objets.