« Précis d'épistémologie/La perception, l'imagination et la réflexion » : différence entre les versions

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Les sensations sont les sources des processus ascendants de la perception, les concepts de base et les cadres conceptuels sont les sources des processus descendants.
 
== La perception de soi-même ==
 
La réflexion est la perception de soi-même. Elle est donc la production de représentations internes de l'agent lui-même.
 
La perception de son propre corps peut être considérée comme une sorte de réflexion. Par exemple les informations fournies par les capteurs de tension musculaire permettent de construire un modèle interne du corps, de la position des membres et des efforts auxquels ils sont soumis.
 
La réflexion est plus que la perception des diverses parties de l'intérieur du corps. Un agent peut se représenter lui-même en tant qu'agent, qui perçoit son environnement, qui imagine et qui agit.
 
Si je vois que le ciel est bleu, je suis pas seulement informé sur l'état du ciel, je suis également informé sur moi-même, sur ma relation à mon environnement, à savoir que je vois le ciel, je me connais moi-même en tant qu'être qui perçoit le ciel.
 
Pour percevoir l'environnement il faut des organes sensoriels qui relient l'intérieur à l'extérieur. Même pour la perception de l'intérieur du corps, il y a une une interface sensorielle entre le système nerveux et le reste du corps qui est perçu. Faut-il en conclure que la réflexion requiert des organes sensoriels ? Y a-t-il une interface sensorielle entre le moi perçu et le moi qui perçoit ? Lorsque je sais que je vois le ciel, est-ce un œil introspectif qui me montre que je vois le ciel ? Non, parce qu'il n'y a pas de séparation entre un moi qui perçoit et un moi perçu, entre un intérieur et un extérieur, donc pas d'interface sensorielle. Tout se passe à l'intérieur. Toutes les informations sur l'agent, en tant qu'il perçoit, qu'il imagine et qu'il agit, sont déjà présentes à l'intérieur de l'agent. Pour développer ses facultés de réflexion il lui suffit d'exploiter ces sources intérieures d'information. Un organe sensoriel de réflexion n'est pas nécessaire parce que les informations recherchées sont déjà présentes à l'intérieur.
 
La réflexion accompagne naturellement la perception du monde extérieur. Elle est presque une composante nécessaire de la perception parce qu'en percevant, on se connaît soi-même en tant qu'être qui perçoit. Une représentation n'apporte pas que des informations sur l'objet représenté, elle peut aussi en dire beaucoup sur la façon de le représenter. La connaissance du mode de représentation est de nature réflexive. On se connaît soi-même en connaissant sa relation à l'objet qu'on se représente. Par exemple, quand on se souvient, on sait qu'on se souvient, on se connaît soi-même en tant qu'être capable de se souvenir, et on ne pourrait pas faire la différence entre un souvenir et la perception du présent si on ne le savait pas.
 
Pour se préparer à l'action, connaître son environnement ne suffit pas, il faut aussi se connaître soi-même, ne serait-ce que pour connaître sa position et ses capacités. Un agent doit souvent imaginer comment agir avant d'agir. De cette façon, se savoir capable le rend capable. Dès qu'il anticipe correctement les résultats des actions qu'il pourrait entreprendre il se rend capable de les atteindre. C'est pourquoi la réflexion est au cœur de la préparation à l'action.
 
== Pourquoi les perceptions peuvent-elles êtres vraies ? ==
 
Lorsque nous percevons un objet avec nos sens nous croyons le connaître ainsi. Par exemple, si nous voyons que le mur est jaune, nous croyons naturellement qu'il est vraiment jaune. Mais n'est-ce pas une erreur ? Tout ce que nous savons c'est que nos yeux nous donnent une sensation de jaune. Le jaune semble être sur le mur mais il est en vérité sur nos yeux. Il se pourrait même que le mur n'existe pas, que nous ayons seulement l'illusion d'un mur jaune. Faut-il en conclure que nous ne connaissons jamais le monde extérieur, que nous pouvons seulement connaître nos sensations et nous-mêmes, que la perception est toujours introspective ?
 
La nature de la matière est d'interagir avec la matière. Les propriétés d'un morceau de matière (particule élémentaire, atome, molécule, matériau solide, liquide ou gazeux...) sont toujours déterminées par ses façons d'interagir avec les autres morceaux de matière. La matière fait toujours ça, interagir avec la matière, et rien d'autre. Il n'y a rien de plus à connaître sur la matière que ses interactions. Quand on sait comment des êtres matériels interagissent, on sait tout ce qu'il y a à savoir sur eux.
 
On est sensible à un être quand il agit sur nos sens. Nos organes sensoriels sont spécialisés pour subir l'action des objets extérieurs. Ils ne suffisent pas pour connaître tous les êtres matériels et toutes leurs interactions, mais ils apportent tout de même beaucoup d'informations très utiles. Les instruments d'observation et de mesure, et tous les systèmes de détection que nous pouvons construire, sont comme des prothèses sensorielles. Ils étendent le champ de la perception. Ils nous font connaître des êtres matériels auxquels les sens ne sont pas directement sensibles. Ils nous révèlent d'autres formes d'action et de sensibilité.
 
La matière peut toujours être détectée parce que sa nature est d'interagir. Dès qu'elle agit sur un autre morceau de matière, celui-ci est un détecteur. Nos sens, complétés par tous les systèmes de détection concevables, nous permettent donc en principe de connaître tous les êtres matériels et toutes leurs propriétés. Rien ne peut rester caché. Tout peut être perçu, parce que la nature de la matière est d'être perceptible (Dugnolle 2017).