« Théorie quantique de l'observation » : différence entre les versions

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le parallélisme du calcul quantique et la multiplicité des passés virtuels
peut-on avoir plusieurs passés ? incomposabilité
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Une mesure idéale est une façon de préparer un état, lorsque les résultats de mesure ont chacun un seul état propre. Si le résultat de la mesure est <math>i</math> alors on sait avec certitude que l'état du système observé est <math>|i\rangle_S</math> juste après la mesure. On peut le vérifier en répétant la mesure sur le système qu'on vient de préparer.
 
Afin d'échapper au théorème d'existence des destinées multiples, de nombreux physiciens affirment que les vecteurs d'état sont seulement des outils théoriques pour calculer des probabilités, et qu'ils ne représentent pas vraiment la réalité (Peres 1995). Mais lorsque le système observé a été convenablement préparé, on peut connaître avec certitude son vecteur d'état, on peut le vérifier sans que le moindre doute soit permis. NDésormais les physiciens savent préparer, manipuler et observer les vecteurs d'états qu'ils imaginent (par exemple, Haroche & Raimond 2006), n'est-ce pas suffisant pour affirmer que lequ'un vecteur d'état représente vraiment l'un état physique, réel, du système observé ?
 
=== DifférenceOrthogonalité et orthogonalitédiscernabilité incomplète des états quantiques ===
 
On dit parfois, improprement, que lorsqu'un être matériel est dans une superposition d'états telle que <math>\frac{1}{\sqrt 2}(|0\rangle + |1\rangle)</math> il est en même temps dans les états <math>|0\rangle</math> et <math>|1\rangle</math>. Par exemple, lorsqu'on commente l'expérience de Young, on dit que le photon passe par les deux fentes en même temps. Cela semble absurde. Si le photon est dans une fente, il ne peut pas être dans l'autre. Dire qu'il est dans les deux simultanément est donc une contradiction. On dit qu'il passe par les deux fentes seulement pour dire que si on cherchait à détecter son passage, on le trouverait dans une fente ou dans l'autre. Mais on ne le trouvera jamais dans les deux en même temps.
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Si un être est dans l'état <math>|0\rangle</math> il n'est pas dans l'état <math>|1\rangle</math> et inversement. Lorsqu'il est dans l'état <math>\frac{1}{\sqrt 2}(|0\rangle + |1\rangle)</math>, il n'est ni dans l'état <math>|0\rangle</math> ni dans l'état <math>|1\rangle</math>, mais dans un troisième état, différent des deux précédents (Griffiths 2004).
 
Si un être est préparé dans l'état <math>|0\rangle</math> il ne peut pas être détecté, immédiatement après la préparation, dans l'état <math>|1\rangle</math>, parce que <math>|0\rangle</math> et <math>|1\rangle</math> sont orthogonaux, c'est à dire que leur produit scalaire <math>\langle 1|0\rangle</math> est nul. En revanche si un être est préparé dans l'état <math>\frac{1}{\sqrt 2}(|0\rangle + |1\rangle)</math>, il y a une chance sur deux de le détecter dans l'état <math>|0\rangle</math> et de même une chance sur deux de le détecter dans l'état <math>|1\rangle</math>, parce que <math>|\langle 0|\frac{1}{\sqrt 2}(|0\rangle + |1\rangle)|^2= |\langle 1|\frac{1}{\sqrt 2}(|0\rangle + |1\rangle)|^2 = \frac{1}{2}</math>. Lorsque deux états sont orthogonaux, ils sont très nettement différents. Ils sont complètement discernables, parce qu'ils peuvent être tous les deux des états propres du même instrument de mesure. Lorsqu'ils ne sont pas orthogonaux, leur différence s'est partiellement estompée, d'autant plus que leur produit scalaire est proche de 1. Ils ne sont pas complètement discernables, au sens où il n'est pas possible de faire une mesure qui permettrait de les distinguer, parce qu'ils ne peuvent pas être tous les deux des états propres du même instrument de mesure.
 
On dit parfois que <math>|\langle \phi|\psi\rangle|^2</math> est la probabilité qu'un être dans l'état <math>|\psi\rangle</math> soit dans l'état <math>|\phi\rangle</math>. Cela sonne comme une absurdité, puisque si <math>|\psi\rangle</math> et <math>|\phi\rangle</math> sont différents, un être ne peut pas être dans les deux états en même temps. Mais si on l'entend charitablement, on comprend que cela veut seulement dire qu'un être préparé dans l'état <math>|\psi\rangle</math> a une probabilité <math>|\langle \phi|\psi\rangle|^2</math> d'être détecté dans l'état <math>|\phi\rangle</math>. C'est pourquoi on est tenté de dire que si <math>|\phi\rangle</math> n'est pas orthogonal à <math>|\psi\rangle</math>, un être dans l'état <math>|\psi\rangle</math> est partiellement dans l'état <math>|\phi\rangle</math>.
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Cela a du sens parce que même si A et B ne peuvent pas se rencontrer dans un certain lieu quand ils y passent tous les deux, ils peuvent tout de même rencontrer chacun un troisième être C présent en ce lieu. C ne rencontrera jamais A et B en même temps, seulement l'un ou l'autre, mais pas les deux. La destinée initiale de C bifurquera en deux destinées, l'une où il rencontre A, l'autre B.
 
La thèse d'Everett est parfois énoncée d'une façon qui semble un peu absurde : à chaque observation l'univers de l'observateur se séparerait en plusieurs univers indépendants qui correspondraient chacun à un résultat possible. On conçoit alors l'évolution de l'Univers comme une arborescence où chaque branche peut se diviser en plusieurs branches qui peuvent alors se diviser, et ainsi de suite. Cette image de l'arborescence est parfois utile (cf. chapitre 6) mais elle suggère à tort qu'il y aurait plusieurs espaces et plusieurs temps, plusieurs branches de l'écoulement du temps et plusieurs espaces où il s'écoule. La thèse d'Everett ne dit rien de tel. Elle prend la physique quantique telle qu'elle est, sans lui ajouter la moindre hypothèse. Elle admet donc qu'il y a un unique espace-temps. Elle constate seulement que la physique quantique attribue aux êtres matériels non une mais de nombreuses destinées qui sont toutes enchevêtrées dans un même espace-temps.
 
=== Action, réaction et pas de clonage ===
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== La croissance d'une forêt de destinées ==
 
=== L'arborescence des destinées d'un observateur idéal ===
=== Les observateurs idéaux ===
 
Un observateur idéal est défini comme un système physique capable de réaliser une succession de mesures idéales (cf. 2.2) et de conserver leurs résultats. Formellement on peut le considérer comme une collection d'instruments de mesure idéale, isolés de leur environnement sauf aux moments prédéterminés où ils détectent ce qu'ils doivent détecter.
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Idéal ici doit être entendu au même sens que dans mesure idéale. Il ne s'agit pas bien sûr d'un idéal de vertu, mais seulement d'une fiction théorique, simplifiée par rapport à la réalité, mais suffisamment semblable pour nous aider à la comprendre.
 
Un observateur idéal ne peut pas oublier. Bien sûr les observateurs réels (vivants ou mécaniques) oublient souvent ce qu'ils ont d'abord mémorisé. Mais en général l'information n'a pas été complètement perdue, elle leur est seulement devenue inaccessible. Si on complète l'observateur réel par une mémoire physique qui conserve toutes les informations qu'il oublie, on obtient un système qui ressemble davantage à un observateur idéal.
 
Aux hypothèses précédentes on ajoute un principe de communication idéale entre observateurs idéaux. Lorsqu'un observateur A observe directement un autre observateur B, les états pointeurs de B sont toujours des états propres de l'observation par A. De cette façon, lorsqu'un observateur en observe un autre, il ne fait que copier l'information mémorisée par le premier. En s'observant mutuellement, donc en communiquant, les observateurs idéaux peuvent alors partager des informations sur une réalité commune à leurs mondes relatifs respectifs (cf. 4.7).
=== Destinée absolue de l'observateur et destinée relative de son environnement ===
 
Une destinée complète d'un observateur idéal, est définidéfinie par la succession des résultats d'observation <math>x_i</math> aux instants <math>t_i</math>. Elle détermine une succesion d'états quantiques de l'observateur. Le premier état, à l'instant initial, juste avant la première mesure, est le produit <math>\prod_{i=1}^N |ready_i\rangle</math> des états initiaux de tous les instruments de mesure. Le second état est <math>|x_1\rangle \prod_{i=2}^N |ready_i\rangle</math> où <math>|x_1\rangle</math> est l'état pointeur du résultat <math>x_1</math>. Le <math>j</math><sup>ème</sup> état juste avant la <math>j</math><sup>ème</sup> mesure est :
 
<math>|x_1\rangle ... |x_{j-1} \rangle \prod_{i=j}^N |ready_i\rangle</math>
 
On appelle destinée soit une destinée complète, soit seulement un segment d'une destinée complète.
 
Les destinées d'un observateur idéal forment une arborescence. Le pied de l'arbre est l'état initial de l'observateur idéal. Entre deux observations, l'arbre grandit sans diviser ses branches. Lorsqu'une observation a lieu, une branche se divise en autant de branches qu'il y a de résultats de mesure dont la probabilité est non-nulle.
 
Dans le modèle de l'observateur idéal, deux branches qui se sont séparées ne peuvent pas se rejoindre à nouveau, parce que les observateurs idéaux gardent la mémoire. Ils ne peuvent pas avoir plusieurs passés parce qu'ils ne peuvent pas mémoriser plusieurs passés qui se contredisent.
 
=== Destinée absolue de l'observateur et destinée relative de son environnement ===
 
L'état initial de l'observateur et de son environnement est un état de l'Univers. Aux instants ultérieurs les états de l'Univers sont déterminés par des opérateurs d'évolution unitaire. Ils sont en général des états intriqués entre l'observateur et son environnement. A chaque état de l'observateur est donc associé un état relatif de son environnement. Un état initial de l'Univers et une destinée d'un observateur idéal suffisent donc pour déterminer la succession des états relatifs de l'environnement, qu'on peut identifier à la destinée de l'environnement relative à cette destinée de l'observateur.
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De cette façon, avec l'état initial de l'environnement et les opérateurs d'évolution on peut attribuer une probabilité à toutes les destinées d'un observateur idéal. On peut attribuer les mêmes probabilités aux destinées relatives de son environnement.
=== La croissance des arbres de destinées ===
 
=== L'incomposabilité des destinées ===
Les destinées d'un observateur idéal forment une arborescence. Le pied de l'arbre est l'état initial de l'observateur idéal. Entre deux observations, l'arbre grandit sans diviser ses branches. Lorsqu'une observation a lieu, une branche se divise en autant de branches qu'il y a de résultats de mesure dont la probabilité est non-nulle.
 
Une destinée d'un observateur idéal A et une destinée d'un autre observateur idéal B sont composables lorsque l'information mémorisée par l'une peut être copiée par l'autre. On ne demande pas qu'elle soit copiée, seulement qu'elle puisse l'être. Il faut qu'à la fin de la destinée de A on puisse ajouter toutes les observations sur B qui permettront à A d'acquérir les informations qui lui manquent. Les destinées de deux observateurs sont composables lorsqu'ils peuvent se mettre d'accord sur une réalité commune. La probabilité d'une rencontre entre deux destinées composables n'est jamais nulle.
Dans le modèle de l'observateur idéal, deux branches qui se sont séparées ne peuvent pas se rejoindre à nouveau, parce que les observateurs idéaux gardent la mémoire. Ils ne peuvent pas avoir plusieurs passés parce qu'ils ne peuvent pas mémoriser plusieurs passés qui se contredisent.
 
Deux destinées sont incomposables lorsqu'elles ne sont pas composables. Des destinées incomposables sont définitivement séparées. Elles ne pourront jamais se rencontrer. Ce livre introduit le néologisme d'incomposabilité parce que incompatibilité a déjà un autre sens en physique quantique (cf. 2.7). Si les destinées de deux observateurs idéaux contiennent des résultats d'observation mutuellement contradictoires alors elles sont incomposables. La probabilité d'une rencontre entre deux destinées incomposables est toujours nulle.
Lorsque des observateurs n'interagissent en aucune façon, ni de façon directe en s'observant mutuellement, ni de façon indirecte par l'intermédiaire d'un système quantique dans leur environnement, leurs arbres de destinées croissent de façon indépendante. Il faut pour cela que chacun observe des objets différents et complètement séparés, au sens quantique, des objets observés par les autres, c'est à dire qu'ils ne sont pas intriqués avec eux.
 
On peut définir l'incomposabilité d'une façon plus formelle, moins intuitive et plus aisée à utiliser mathématiquement. Formellement, tous les observateurs idéaux peuvent être réunis par produit tensoriel en un unique observateur idéal. Les suites <math>(O_{ij},t_{ij})</math> des observateur <math>j</math> permettent de définir une nouvelle suite <math>(O'_k,t'_k)</math> pour l'observateur qui les réunit tous. Chaque destinée de l'observateur total détermine une unique destinée pour chacun des observateurs ainsi réunis. Deux destinées de deux observateurs sont composables s'il existe au moins une destinée de l'observateur total qui les détermine. Elles sont incomposables sinon.
Lorsque deux observateurs interagissent, directement ou indirectement, ils enchevêtrent mutuellement les branches de leurs arbre de destinées, un peu comme Philémon et Baucis. On peut voir ainsi les destinées multiples de nombreux observateurs qui interagissent comme une forêt en croissance dont les arbres entremêlent leurs branches. Pour représenter une évolution quantique, la croissance d'une telle forêt doit respecter des règles très strictes de sélection des enchevêtrements possibles.
 
La superposition (cf. 1.1) et la discernabilité incomplète (cf. 2.6) des états, l'incompatibilité des mesures (cf. 2.7), l'intrication des parties (cf. 4.1), la relativité des états (cf. 4.3), la décohérence par l'intrication (cf. 4.16), la sélection des états pointeurs (cf. 5.4) et l'incomposabilité des destinées sont les principaux concepts, spécifiquement quantiques, sans équivalent en physique classique, qui permettent de comprendre la signification physique de l'équation de Schrödinger, ou de façon équivalente, du formalisme des opérateurs unitaires.
Aux hypothèses précédentes on ajoute un principe de communication idéale entre observateurs idéaux. Lorsqu'un observateur A observe directement un autre observateur B, les états pointeurs de B sont toujours des états propres de l'observation par A. De cette façon, lorsqu'un observateur en observe un autre, il ne fait que copier l'information mémorisée par le premier. En s'observant mutuellement, donc en communiquant, les observateurs idéaux peuvent alors partager des informations sur une réalité commune à leurs mondes relatifs respectifs (cf. 4.7).
=== La croissance desd'une arbresforêt de destinées ===
 
Lorsque des observateurs n'interagissent en aucune façon, ni de façon directe en s'observant mutuellement, ni de façon indirecte par l'intermédiaire d'un système quantique dans leur environnement, leurs arbres de destinées croissent de façon indépendante. Il faut pour cela que chacun observe des objets différents et complètement séparés, au sens quantique, des objets observés par les autres, c'est à dire qu'ils ne sont pas intriqués avec eux.
Une destinée d'un observateur idéal A et une destinée d'un autre observateur idéal B sont composables lorsque l'information mémorisée par l'une peut être copiée par l'autre. On ne demande pas qu'elle soit copiée, seulement qu'elle puisse l'être. Il faut qu'à la fin de la destinée de A on puisse ajouter toutes les observations sur B qui permettront à A d'acquérir les informations qui lui manquent. Les destinées de deux observateurs sont composables lorsqu'ils peuvent se mettre d'accord sur une réalité commune.
 
Lorsque deux observateurs interagissent, directement ou indirectement, ils enchevêtrent mutuellement les branches de leurs arbrearbres de destinées, un peu comme Philémon et Baucis. On peut voir ainsi les destinées multiples de nombreux observateurs qui interagissent comme une forêt en croissance dont les arbres entremêlent leurs branches. Pour représenter une évolution quantique, la croissance d'une telle forêt doit respecter des règles très strictes de sélection des enchevêtrements possibles.
Deux destinées sont incomposables lorsqu'elles ne sont pas composables. Des destinées incomposables sont définitivement séparées. Elles ne pourront jamais se rencontrer. Ce livre introduit le néologisme d'incomposabilité parce que incompatibilité a déjà un autre sens en physique quantique (cf. 2.7). Si les destinées de deux observateurs idéaux contiennent des résultats d'observation mutuellement contradictoires alors elles sont incomposables.
 
Lorsque la communication entre deux observateurs est idéale, leurs arbres de destinées s'enchevêtrent sans multiplier leurs branches, parce que les observations n'ont qu'un seul résultat possible. Chaque branche de l'un se retrouve alors séparée de toutes les branches de l'autre avec lesquelles elle est incomposable.
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Cet exemple a valeur générale (Deutsch 1985). Le calcul quantique permet toujours de calculer en une seule étape toutes les valeurs d'une fonction. Si par exemple, il dispose de 100 qubits de mémoire pour le registre de données, un ordinateur quantique peut calculer en parallèle et en une seule étape <math>2^{100} \approx 10^{30}</math> (mille milliards de millards de milliards environ) valeurs d'une fonction a priori quelconque. Mais la difficulté est de récolter les fruits de ce parallélisme. Il faut observer un état qui résulte de toutes les destinées virtuelles qui se produisent en parallèle, donc un état qui a de très nombreux passés virtuels.
 
=== Peut-on avoir plusieurs passés si on les oublie ? ===
 
Deux destinées réelles différentes d'un même observateur idéal ne peuvent jamais converger sur un seul état parce qu'un observateur idéal n'oublie jamais et parce qu'il ne peut pas conserver des souvenirs contradictoires. Mais s'il oubliait, pourrait-il avoir plusieurs passés, à la façon du qubit dans l'algorithme quantique de Deutsch ci-dessus ?
 
Pour qu'un calcul quantique parallèle puisse fournir un résultat il est nécessaire que le calculateur soit protégé contre la décohérence par intrication avec son environnement. Si une telle décohérence se produit, tout se passe comme si les destinées virtuelles parallèles étaient observées par l'environnement. Dans ce cas il ne faut plus sommer des amplitudes mais des probabilités pour calculer la probabilité du résultat final (cf. 4.17). Les états
<math>|x^+\rangle</math> et <math>|x^-\rangle</math> se produiraient avec la même probabilité quelle que soit la valeur de la fonction <math>f</math>, et il n'y aurait plus aucune raison d'affirmer qu'ils ont deux passés virtuels.
 
Comme nous sommes en permanence soumis à la décohérence par intrication avec notre environnement, tout se passe comme si nous étions observés en permanence par l'environnement. Quand nous oublions, les informations perdues ne le sont pas complètement. L'environnement en conserve toujours une trace. C'est pourquoi deux destinées réellement vécues ne peuvent pas converger sur un même état où elles se superposeraient, même si dans cet état nous avons oublié ce qui pourrait les distinguer.
 
=== Les autres destinées existent-elles ? ===
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La thèse d'Everett est ridiculisée quand on affirme qu'elle postule l'existence d'autres mondes, ou d'autres branches de l'Univers, qu'on ne pourra jamais observer, comme si elle était une sorte de mystique et non une véritable théorie physique. Elle est souvent injustement méprisée parce qu'on ne se rend pas compte qu'elle prend la physique quantique au sérieux (Wallace 2012). Elle ne postule pas l'existence des destinées multiples, elle les déduit à partir des principes quantiques (cf. 2.3). Pour étudier des destinées multiples il suffit de calculer une solution de l'équation de Schrödinger pour un système qui contient des instruments d'observation.
 
Mais si les autres destinées ne peuvent pas être observées (cf. 4.5 et, 4.14 et 6.4), quel sens y a-t-il à affirmer leur existence ? Et comment peuvent-elles être l'objet d'une théorie physique ?
 
Les autres destinées, que nous ne connaissons pas, sont des objets de la théorie au même titre que les destinées que nous connaissons. La théorie est inclusive. Elle décrit tout, ce que nous observons et ce que nous n'observons pas. Elle décrit un univers dans lequel de nombreux êtres matériels ont chacun de nombreuses destinées enchevêtrées avec les destinées des autres. Les destinées que nous ne connaissons pas sont des destinées d'êtres matériels. Il ne s'agit pas de matière indétectable, ce qui serait absurde (Dugnolle 2017). Elles sont observables mais pas par nous. Elles existent du point de vue d'autres observateurs mais pas du nôtre. Comme la physique quantique décrit tous les points de vue de tous les observateurs, elle doit décrire des destinées que nous ne connaissons pas.
 
La physique quantique attribue aux destinées des êtres matériels des probabilités de se rencontrer. Si cette probabilité est égale à un, c'est qu'elles se rencontrent certainement, qu'il est donc sûr que l'une existe du point de vue de l'autre. Si cette probabilité est égale à zéro, alors il est certain qu'elles ne se rencontreront jamais et qu'aucune ne pourra exister du point de vue de l'autre. Elles sont alors incomposables (cf. 6.4). Si la probabilité est intermédiaire alors ces destinées bifurquent en de nouvelles destinées dont certaines se rencontrent et d'autres non. La physique quantique permet en principe (cf. 2.4) de calculer toutes ces probabilités et donc de prédire tout ce qui peut exister du point de vue de tous les êtres matériels.
 
Bien sûr il est possible qu'une nouvelle physique montre la fausseté de la physique quantique et nous conduise ainsi à renoncer au théorème d'existence des destinées multiples. Mais jusqu'à nouvel ordre la physique quantique est notre meilleure physique. Si nous voulons la comprendre il faut évidemment étudier ce qu'elle décrit, il faut donc étudier l'intrication des multiples destinées d'un système d'observation avec les destinées de tous les autres (cf. chapitre 4).