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L’ADN est globalement une molécule très stable, mais c'est aussi une molécule plastique. Cette plasticité est illustré par les {{w|Évolution_(biologie)|phénomènes évolutifs}} qui se sont déroulés depuis l’{{w|Origine_de_la_vie|apparition de la vie sur la terre}}, il y a 3.5 milliards d’années. Ce caractère plastique est également observé dans certaines lignées cellulaires comme dans la différentiation des {{w|lymphocytes}} ou différents processus de variabilité permettent le genèse de la variabilité des {{w|Récepteur_des_cellules_T|récepteurs des lymphocytes T}} (TCR) et des {{w|immunoglobulines}} .
Lésions de l'ADN
 
Comme toute {{w|biomolécule}}, l’ADN peut-être lésé par des processus très différens. Si les mécanismes de {{w|réparation de l’ADN}} ne rétablissent pas l’intégrité de la molécule, des {{w|Mutation (génétique)|mutations}} apparaissent. Elles peuvent être à l’origine de très nombreuses {{w|maladies génétiques}}.
 
Chaque jour, chaque {{w|Cellule_(biologie)|cellule}} doit faire face à des lésions de son ADN. Les erreurs de {{w|réplication de l'ADN}}, l’exposition des cellules aux {{w|Mutagène|agents chimiques mutagènes}}, aux {{w|rayons ultraviolets}} (UV) du soleil et aux {{w|radiations ionisantes}} naturelles du sol ou cosmiques fait que chaque cellule doit réparer plus de 10 000 lésions de l’ADN chaque jour.
 
On distingue les lésions endogènes et exogènes de l’ADN :
 
=== Les lésions endogènes===
 
Les processus cellulaires endogènes peuvent créer 4 grands types de lésions de l’ADN :
 
*les mésappariements de bases (mismatch) dûs à des erreurs de {{w|réplication de l’ADN}}
*l’{{w|oxydation}} de {{w|bases azotées}} (ou {{w|bases nucléiques}}), conduisant à des {{w|métabolites}} comme la {{w|8-oxo-2'-désoxyguanine}} (8-oxo-dG)
*la {{w|méthylation}} (ou {{w|alkylation}}) des {{w|bases azotées}}, conduisant à la formation de {{w|6-O-méthylguanine}}, de {{w|7-méthylguanine}}, ou de {{w|1-méthyladenine}}
*l’{{w|hydrolyse}} de bases azotées comme la {{w|dépurination}}, la {{w|dépyrimidation}} et la {{w|désamination}}
 
La {{w|dégradation de l'ADN}} peut se faire aussi par la dégradation spontanée et l’action des {{w|désoxyribonucléase}}s (ou {{w|DNAse}}s).
 
====Les misappariements de bases (mismatch) dus à des erreurs de réplication de l’ADN ====
 
Les lésions de l’ADN peuvent survenir à différents moments du {{w|cycle cellulaire}}, mais la {{w|réplication de l’ADN}} pendant la phase G1 constitue une période critique. La plupart des erreurs de copie de l’ADN surviennent spontanément pendant la phase G1 du cycle cellulaire, pendant laquelle se déroule la réplication de l’ADN. L’appareil de réplication de l’ADN possède néanmoins un appareillage moléculaire très puissant de prévention de ces erreurs et de leur réplication. Les anomalies de cet appareillage sont à l'origine de nombreuses maladies de prédisposition au cancer, comme celles liées au gène {{w|BRCA1}}.
 
====Oxydation des bases par stress oxydatif====
Les {{w|dérivé réactif de l’oxygène|dérivés réactifs de l’oxygène}} (Reactive oxygen species ou ROS ou {{w|radicallibre|radicaux libres}}) de sources endogènes ou environnementales induisent des lésions oxydatives de l’ADN et constituent une menace pour l’intégrité du génome. Les réactifs actifs de l’oxygène au contact des {{w|nucléotides}} cellulaires peuvent produire des molécules de 8-oxo-dGTP (8-oxo-7,8-dihydrodeoxyguanosine triphosphate), qui peuvent s’incorporer à l’ADN nucléaire, et induire des mutations. Ces lésions peuvent être réparées par la voie de {{w|réparation par excision de base}} ("base excision repair" ou "système BER") , système hautement conservé au cours de l’évolution, des bactéries aux humains.
 
====Action des DNAses====
 
La {{w|désoxyribonucléase}} (ou ADNase) est une {{w|enzyme}} catalysant l'acide désoxyribonucléique en {{w|nucléotide}}s ou {{w|polynucléotide}}s. Elle hydrolyse la {{w|liaison phosphodiester}} qui lie entre deux nucléotides complémentaires par leurs carbones 3’ et 5’ du {{w|désoxyribose}} ou du {{w|ribose}}.
 
L'{{w|endonucléase}} {{w|DNase I}} réalise une coupure de type a, de préférence sur les {{w|bases pyrimidiques}}. En présence d'ions {{w|manganèse}} (Mn2+), elle coupe les deux brins complémentaires d'ADN en bouts francs ; avec des ions {{w|magnésium}} (Mg2+) elle coupe un brin en petits fragments.
 
====Autres anomalies====
La {{w|méthylation}} (ou {{w|alkylation}}) de bases, conduisant à la formation de {{w|O6-méthylguanine}}, de {{w|7-méthylguanine}}, ou de {{w|1-méthyladenine}}.
 
L’{{w|hydrolyse}} de bases entraîne des processus comme la {{w|dépurination}}, la {{w|dépyrimidation}} et la {{w|désamination}}.
 
L’ADN peut aussi se dégrader spontanément et a une demi-vie mesurable. La {{w|dépurination}} spontanée peut ainsi générer des sites abasiques dans les brins d’ADN à un taux estimé de 2000 à 10000 lésions par cellule humaine par jour.
 
=== Les lésions exogènes de l’ADN===
 
Des processus exogènes peuvent également créer des lésions spécifiques de l'ADN.
 
*Les {{w|mutagène}}s chimiques créent des {{w|adduit}}s avec l’ADN en {{w|méthylation|méthylant}} certaines bases. Ils sont appelés "{{w|alkylation|alkylants}}".
* Les rayonnements {{w|ultraviolet}}s (UV) créent des {{w|dimère de pyrimidine|dimères de pyrimidine}} en liant des bases {{w|cytidine}} et/ou {{w|thymidine}} adjacentes.
* Les {{w|rayonnements ionisants}} créent des bris simple- et double-brin de l’ADN.
* La {{w|chaleur}} entraîne une {{w|dépurination}}, c’est-à-dire une perte de {{w|base purique|bases puriques}} le long du brin d’ADN.
 
====Les lésions exogènes de l’ADN par des agents chimiques====
 
Beaucoup d’agents chimiques peuvent causer des lésions sévères de l’ADN en formant des liaisons permanentes avec lui sous la forme d’{{w|adduit}}s. Ils sont appelés des {{w|génotoxique}}s. Ces adduits provoquent des erreurs de {{w|réplication}} de l’ADN à l’origine de {{w|mutation}}s.
 
Ces agents chimiques peuvent être des agents {{w|carcinogène}}s comme les {{w|hydrocarbures polycycliques}}, des {{w|agent chimiothérapeutique|Agents chimiothérapeutiques}} comme les {{w|agents alkylants}} ou des {{w|mycotoxines}} comme l’{{w|aflatoxine|aflatoxine-B1}}.
 
- Les hydrocarbures aromatiques polycycliques
 
Les {{w|hydrocarbures aromatiques polycycliques}} sont parmi les plus puissants agents {{w|cancéroiène}}s connus. Ils nécessitent une activation métabolique préalable à leur action toxique pour l’ADN. Ils peuvent induire des tumeurs de type divers selon leur mode d’introduction : déposés sur la peau, ils induisent des {{w|carcinome}}s cutanés; injectés sous la peau, ils induisent des {{w|sarcome}}s; introduits dans un organe, ils produisent un cancer profond dans ce site.
 
Les hydrocarbures aromatiques polycycliques sont un des produits de combustion du {{w|tabac}} et constituent donc un {{w|carcinogène}} très répandu, à l’origine de nombreux {{w|cancer du poumon|cancers du poumon}} ou de la {{w|cancer de la vessie|vessie}}. Ils sont également un produit des graisses animales grillées lors des grillades et sont présents dans les viandes et les poissons fumées. Ils pourraient ainsi participer à la genèse de {{w|cancer de l'estomac|cancers gastriques}}.
 
Exemple: Le benzopyrène
 
Le {{w|benzopyrène}} est un des produits de combustion du tabac et des produits végétaux. Un de ses dérivés se conjugue à l’ADN pour former un complexe moléculaire appelé « {{w|adduit}} ». En effet, les deux carbone de l’{{w|époxyde}} créé par le métabolisme du benzopyrène sont {{w|électrophile}}s, par un partage inégal des électrons avec l’{{w|oxygène}}. La molécule s’intercale alors dans l’ADN, se liant de façon covalente avec les {{w|guanine}}s {{w|nucléophile}}s en position N2. La {{w|cristallographie aux rayons X}} montre que cette liaison déforme la double hélice d’ADN. Les anomalies de {{w|réplication de l'ADN}} qui en découlent peuvent conduire à des {{w|mutation}}s dans la {{w|Séquence (acide nucléique)|séquence de gènes}} régulant la {{w|croissance cellulaire}} et la {{w|différentiation cellulaire}}, favorisant ainsi l’apparition d’une {{w|prolifération cancéreuse}}.
 
- Les agents alkylants
 
Les {{w|agent alkylant|agents alkylants}} sont ainsi dénommés car ils ajoutent un radical {{w|alkyl}} à de nombreux groupes électronégatifs intracellulaires ({{w|alkylation}}). Ils sont largement utilisés en thérapeutique anticancéreuse ({{w|agent alkylant antinéoplasique}, dont les pincipaux sont le {{w|busulfan}}, le {{w|chlorambucil}}, le {{w|melphalan}}, le {{w|carboplatine}}, le {{w|cisplatine}}}. Ils bloquent la {{w|croissance cellulaire}} en liant par liaison croiséee (cross linking) les {{w|guanine}}s. Les brins d’ADN sont alors incapables de défaire leur spirale et de se séparer. La {{w|réplication de l’ADN}} en G1 est donc bloquée, ainsi que la {{w|division cellulaire}}. Ces agents thérapeutiques agissent, comme la radiothérapie, de façon non spécifique. Certains d’entre eux, comme le {{w|cyclophosphamide}}, nécessitent une conversion en substance active in vivo. Comme les cellules cancéreuses se divisent plus rapidement que les cellules normales, elles sont donc plus sensibles aux lésions de l’ADN par les agents alkylants.
 
Les agents di-alkylants peuvent réagir avec deux résidus 7-N-{{w|guanine}} différents. S’ils sont situés sur des brins différents d’ADN, cette liaison entraîne une liaison croisée (cross linking) de la double hélice d’ADN qui empêche la séparation des deux brins. Si les deux résidus guanine sont situés sur le même brin, cette liaison empêche la fixation d’enzymes sur la molécule d’ADN.
 
Les agents mono-alkylants ne peuvent réagir qu’avec un seul résidu N7 de la guanine (monoalkylation). Ils n’inhibent donc pas la séparation des brins mais empêchent la fixation des enzymes régulant l’ADN, entrainant l’inhibition de la croissance cellulaire et l’activation de l’apoptose (mort cellulaire programmée).
 
- L’aflatoxine-B1
 
Les {{w|aflatoxines}} sont des {{w|mycotoxine}}s naturelles produites par les {{w|champignon}}s du genre {{w|Aspergillus}}, en particulier {{w|Aspergillus flavus}} et {{w|Aspergillus niger}}, qui parasitent fréquemment le mais, le riz et les arachides en décomposition. Les aflatoxines sont toxiques et carcinogènes chez tous les animaux, y compris les humains. Après ingestion, les aflatoxines sont métabolisés dans le foie en un {{w|métabolite intermédiaire}}, l’aflatoxine-M1, un {{époxyde}}. Celui-ci peut s’intercaler dans l’ADN, former des {{w|adduit}}s et {{w|alkylation|alkyler}} les bases par le groupe {{époxyde}}, en particulier sur le même {{w|Radical (chimie)|radical}} N7 de la guanine que les agents alkylants. Il provoque ainsi des erreurs de {{w|réplication de l’ADN}} à l’origine de {{w|Mutation (génétique)|mutations géniques}}.
 
Ces mutations peuvent inactiver des {{w|gènes suppresseurs de tumeurs}} comme {{w|TP53}} (qui code pour la protéine {{w|p53}}) et causer ainsi des {{w|cancers du foie}} ({{w|carcinome hépatocellulaire}}). Une forte corrélation a en effet été retrouvée entre les niveaux d’ingestion de l'{{w|aflatoxine}} et le développement de carcinomes hépatocellulaires en Afrique et en Chine. De plus, l’aflatoxine-B1 et le {{w|virus de l’hépatite B}} HBV peuvent collaborer dans la tumorigenèse hépatique et augmenter le risque cancéreux. En effet, l’HBV interfère avec la capacité des {{w|hépatocyte}}s à métaboliser les aflatoxines et augmente la durée de présence des adduits aflatoxine M1-ADN. Il augmente ainsi la probabilité d’altérer des gènes cibles comme TP53.
 
====Lésions de l’ADN par les rayonnements====
 
L’ADN peut également être lésé par deux types d’agents physiques, les {{w|rayons ultraviolet}} (UV) d’origine solaire et les {{w|radiations ionisantes}}, d’origine naturelle ou humaine.
 
Radiations UV et la formation des dimères de pyrimidine
 
Les rayons ultraviolets sont absorbés par le double lien entre les {{w| Pyrimidine|bases pyrimidines}} (la {{w|thymine}} et la {{w|cytosine}} dans l’ADN), ouvrant le lien et lui permettant d’interagir avec les bases voisines. La réaction la plus fréquente forme une liaison covalente entre 2 bases voisines, créant ainsi un {{w|dimère de pyrimidine}}. Parfois, un simple lien se forme entre deux atomes de carbone sur les anneaux, formant un photoproduit 6-4. Ces réactions sont très fréquentes : chaque {{w|kératinocyte}} de l’épiderme peut subir 50 à 100 réactions par seconde d’exposition solaire.
 
Les radiations UV forment ainsi dans l’ADN des kératinocytes des liaisons covalentes entre deux bases thymines adjacentes, produisant des dimères de thymine. Les dimères de thymine ne s’apparient pas normalement et peuvent entraîner des déformations de l’hélice d’ADN, des ruptures de la chaîne nucléotidique et des anomalies d’incorporation de {{w|nucléotide}}s. Ainsi, la formation de dimères de {{w|thymidine}} peut conduire à des mutations de gènes régulateurs de la {{w|croissance cellulaire}} ou de la {{w|différenciation cellulaire}}, et jouer ainsi un rôle dans la {{w|carcinogenèse}}.
 
Si la lésion de l’ADN n’est pas corrigée, l’information génétique peut être altérée de façon permanente, créant une mutation. Très souvent, les dimères ne posent pas de problème et sont lus correctement. Par exemple, les dimères TT s’apparient correctement avec deux bases adénine AA durant la réplication. Cependant, parfois les dimères TT s’apparient à tort avec un dimère CC et provoquent une mutation TT > CC, signature des mutations associées aux rayons UV. Ces mutations TT > CC peuvent intéresser des gènes suppresseurs de tumeurs comme TP53 et expliquent le lien clair entre l’exposition aux UV et l’apparition de carcinomes cutanées ou de mélanomes. Cependant, la plupart de ces lésions moléculaires sont corrigées quelques secondes après leur création, avant qu’elles ne causent des anomalies définitives.
 
Les cellules utilisent un mécanisme de réparation appelé "{{w|Réparation par excision de nucléotides}}" (ou système NER, nucleotide excision repair) (voir ‘{{w|Les anomalies de réparation de l’ADN}}’). Dans le système NER, des dizaines de protéines coopèrent pour recherches les bases altérées, dérouler localement la double hélice et découper un segment de 30 bases autour de la lésion. La machinerie normale de {{w|réplication de l’ADN}} comble ensuite le trou et restaure une séquence normale en prenant comme matrice l’autre brin d’ADN. Le système NER est notre seule défense contre les lésions causées par les rayons UV.
 
====Les lésions exogènes de l’ADN par les radiations ionisantes====