« Mémoire/Représentations des connaissances en mémoire sémantique » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
mAucun résumé des modifications
Ligne 41 :
==Réseaux sémantiques==
 
Mais la mémoire sémantique n'est pas qu'une simple armoire de concepts empilés les uns sur les autres. Si c'était le cas, se rappeler quelque chose nécessiterait de rechercher le matériel à rappeler dans toute la mémoire sémantique : cette recherche serait vraiment longue et inefficace. Or, se rappeler de quelque chose n'est pas si difficile. Les modèles actuels de la mémoire sémantique résolvent ce problème en supposant que la mémoire est structurée de manière à faciliter le rappel. La mémoire à long-terme est (au moins en partie) intégralement constituée d'un '''réseau de connaissances''', reliées entre elles par des relations. Par exemple, un mot est associé au concept qui porte ce nom, plusieurs idées sont reliées entre elles par un lien logique, etc. L'ensemble de nos connaissances est mémorisé dans un gigantesque réseau de concepts, réseau qui mémorise le sens des choses, les liens entre concepts.
 
<gallery widths=400px heights=300px>
Mais quelle est cette structure qui permet un rappel si efficace ? Il suffit de se rappeler ce que l'on a vu au tout début de ce livre : les procédés mnémotechniques, qui favorisent la mémoire, se basent sur un principe qui veut que '''la mémoire fonctionne par association'''. La mémoire sémantique est intégralement constituée d'un réseau de concepts, reliés entre eux par des associations : l'ensemble forme ce qu'on appelle un '''réseau sémantique'''.
[[Fichier:Spreading Activation Model Mental Lexicon.png]]|Organisation en réseau de la mémoire déclarative.
Semantic Net fr.svg|Réseau mnésique possible, simplifié.
</gallery>
 
===Modèle de collins et Quillians===
[[Fichier:Spreading Activation Model Mental Lexicon.png]]
 
La recherche sur la mémoire dite sémantique (celle des concepts et des faits) a longtemps mis l'accent sur une forme d'organisation bien précise : les '''classifications'''. Les concepts seraient ainsi classés dans des hiérarchies de catégories, spécifiques à un domaine ou une discipline. On peut voir le tout comme un système de poupées russes : les catégories plus spécifiques sont incluses, emboîtées dans les catégories plus générales du niveau supérieur de la hiérarchie. Les concepts les plus concrets sont situés près de la base de la hiérarchie et les plus abstraits en haut. On peut préciser que les exemples sont intégrés dans ces hiérarchies : ils sont situés tout en bas et sont vus comme des catégories très spécialisées. Une telle hiérarchie est appelée une '''structure cognitive'''. Elle relie des concepts en faisant appel à trois types différents de relations :
===Modèles taxonomiques===
 
* les '''hyperonymies''' vont relier les catégories à des catégories plus générales, qui englobent la catégorie de base : le concept « Cocker » sera relié au concept « Chien », le concept « Chat » sera relié au concept « Animal », etc ;
D'après les théories hiérarchiques de classes, les catégories sont reliées entre elles par ce qu'on appelle des taxonomies. Dans celles-ci, si une catégorie est une sous-catégorie d'une autre, la sous-catégorie est appelée la catégorie fille, et l'autre la catégorie mère. Dans une taxonomie, une catégorie est reliée à une autre si elle est une catégorie-fille ou une catégorie-mère.
* les '''hyponymies''' vont relier chaque catégorie à ses catégories dérivées, les catégories plus concrètes qu'on obtient en spécialisant la catégorie avec l'ajout de propriétés : la catégorie « félins » sera reliée aux concepts de « chat », « tigre », « lion », « panthère », etc ;
* les '''relations structurales''', qui relient les catégories et exemples à leurs propriétés : c'est grâce à ces relations qu'on sait qu'un oiseau peut voler, qu'un canari est jaune, et ainsi de suite.
 
Un des premiers modèles de la mémoire sémantique, le '''modèle de Collins et Quillian''' se basait exclusivement sur de telles structures cognitives. Celui-ci dit que les propriétés peuvent être communes. Par exemple, les concepts « oiseau » et « canari » partagent les propriétés suivantes : les deux peuvent voler, ont des plumes, des ailes, etc. Cela vient du fait qu'un canari est un oiseau, et qu'il hérite donc des propriétés communes à tous les oiseaux : toute sous-catégorie hérite des propriétés des catégories plus générales auxquelles elle est reliée. Le modèle gère ces propriétés héritées en ajoutant une hypothèse : l''''économie cognitive'''. Cette hypothèse dit que seules les propriétés spécifiques à un concept sont reliées à celui-ci : les propriétés héritées d'un concept plus générales sont reliées uniquement au concept le plus général, mais pas aux autres concepts. Par exemple, les propriétés « peut voler », « a des ailes », « a des plumes » seront reliées au concept « oiseau », mais pas au concept « canari ». Ce mécanisme évite les duplications inutiles de propriétés.
[[Fichier : Hierarchical Model Mental Lexicon.png]]
 
[[Fichier : Hierarchical Model Mental Lexicon.png|centre|Organisation des classifications en mémoire.]]
Quelques observations semblent supporter cette théorie : toutes les cultures utilisent des hiérarchies de catégories de ce genre. Mieux : ces taxonomies sont presque identiques à travers les cultures. Des comparaisons ont étés faites sur les taxonomies d'animaux sauvages : entre les équipes de taxonomistes envoyés dans la jungle, et les taxonomies des cultures locales, il n'y a pas beaucoup de différences.
 
===Modèles taxonomiquesplus élaborés===
Les hiérarchies, les taxonomies, peuvent avoir un nombre indéfini de niveaux, regroupés en trois grands sous-ensembles, trois « niveaux d'abstraction » :
*le niveau superordonné, qui correspond aux catégories les plus générales ;
*le niveau basique, qui correspond aux sous-catégories du niveau superordonné ;
*et un niveau sous-ordonné, qui contient des sous-catégories des catégories du niveau basique.
 
Néanmoins, il est vite apparu que cette organisation rigide ne suffisait pas à rendre compte des résultats expérimentaux. Quelques expériences semblent toutefois montrer que la hiérarchie taxonomique n'est pas toujours respectée, même en dehors du rejet lié à des relations d'opposition. Ces expériences sont des expériences de chronométrie mentale. Le principe est simple : on donne une phrase à un cobaye, et il doit dire si celle-ci est vraie ou fausse. L'expérimentateur mesure le temps mis par le cobaye pour répondre : plus le temps mis à répondre est long, plus le cerveau a dû parcourir de nœuds dans la mémoire sémantique pour tomber sur le bon.
Plus on remonte dans la hiérarchie, plus le niveau devient sur-ordonné, et moins il devient sur-ordonné. Les niveaux basiques étant alors autant sur que sous ordonnés.
 
De ces expériences, il ressort quelques observations : plus un concept est familier, plus on peut vérifier les phrases qui y rapportent rapidement, sans que la position dans la hiérarchie taxonomique n'y change quoique ce soit. De plus, la hiérarchie est violée dans certains cas spécifiques. Par exemple, il est plus lent de vérifier la véracité de la phrase "un chien est un mammifère", que pour la phrase "un chien est un animal", alors que les théories hiérarchiques prédisent l'inverse. De nombreux phénomènes d'inversion de catégorie similaires ont étés documentés et seraient assez fréquents : ils montrent bien que la hiérarchie taxonomique n'est pas toujours respectée, et est au mieux approximative : d'autres types d'associations peuvent exister.
===Modèle à base de distance sémantique===
 
Les structures cognitives ne sont pas forcément aussi bien organisées, même si les classifications sont réellement des formes d’organisation courantes en mémoire sémantique. De plus, on sait aujourd'hui que d’autres formes de relations existent, qu'il s'agisse de relations de causalité entre évènements, de relations qui permettent de localiser des objets, et bien d'autres encore. Ces relations sont regroupées, par convention, dans un ensemble extrêmement hétérogène appelé '''relations thématiques'''. Ces relations, avec les relations taxonomiques (catégorielles), permettent de former une représentation de situations ou d'évènements.
Quelques expériences semblent toutefois montrer que la hiérarchie taxonomique n'est pas toujours respectée, même en dehors du rejet lié à des relations d'opposition. Ces expériences sont des expériences de chronométrie mentale. Le principe est simple : on donne une phrase à un cobaye, et il doit dire si celle-ci est vraie ou fausse. L'expérimentateur mesure le temps mis par le cobaye pour répondre : plus le temps mis à répondre est long, plus le cerveau a dû parcourir de nœuds dans la mémoire sémantique pour tomber sur le bon.
 
===Double codage===
De ces expériences, il ressort quelques observations : plus un concept est familier, plus on peut vérifier les phrases qui y rapportent rapidement, sans que la position dans la hiérarchie taxonomique n'y change quoique ce soit. De plus, la hiérarchie est violée dans certains cas spécifiques. Par exemple, il est plus lent de vérifier la véracité de la phrase "un chien est un mammifère", que pour la phrase "un chien est un animal", alors que les théories hiérarchiques prédisent l'inverse. De nombreux phénomènes d'inversion de catégorie similaires ont étés documentés et seraient assez fréquents : ils montrent bien que la hiérarchie taxonomique n'est pas toujours respectée, et est au mieux approximative : d'autres types d'associations peuvent exister.
 
De plus, certains chercheurs considèrent que ce réseau conceptuel doit être complété par d'autres réseaux complémentaires, qui mémorisent non pas des connaissances, mais des informations sensorielles, visuelles, auditives, etc. Par exemple, la '''théorie du double-codage''' stipule que la mémoire contiendrait un réseau verbal, qui mémorise des concepts et des faits, et un réseau visuel, qui mémoriserait des images mentales ou des représentations visuelles. Cette théorie a été inventée pour expliquer les différences de mémorisation entre concepts concrets et abstraits. Expérimentalement, il est observé que les concepts concrets sont plus faciles à retenir que les concepts abstraits. Cela viendrait du fait que les concepts concrets sont généralement visualisables, contrairement aux concepts abstraits. On peut s'imaginer mentalement à quoi ressemble un chat, alors qu'il est plus difficile de donner une representation des concepts de liberté ou de justice (sauf par métaphore ou analogie). Ainsi, les concepts concrets seraient représentés dans les deux sous-réseaux, tandis que les concepts abstraits le seraient uniquement dans le réseau verbal. La redondance des concepts concrets/imaginables les rendrait plus mémorables. Nous verrons quelles sont les conséquences pédagogiques dans le chapitre sur les supports pédagogiques.
 
<gallery widths=400px heights=300px>
Ducal coding process.png|Théorie du double codage. On voit que la mémoire est composée d'un réseau verbal/conceptuel, et d'un réseau pour les informations visuelles. Des relations dites référentielles permettent de connecter des concepts avec leur représentation visuelle, l'image mentale du concept. Celle-ci permettent de s'imaginer un concept.
</gallery>
 
==Schémas et scripts==