« Psychologie cognitive pour l'enseignant/L'apprentissage de la lecture » : différence entre les versions

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Puis, progressivement, les enfants font de moins en moins appel à un déchiffrage des lettres et commencent à reconnaître visuellement des portions de mots. Au lieu de traiter les mots lettre par lettre, ils sont capables de reconnaître des groupes de plusieurs lettres, qui correspondent à des syllabes. La lecture est alors de plus en plus rapide, et devient de plus en plus automatique. L'enfant qui a atteint ce stade a mémorisé l'orthographe des mots, qu'il peut alors reconnaître plus ou moins indirectement. L'enfant peut aussi utiliser ces connaissances orthographiques pour effectuer des analogies entre mots, et en déduire la prononciation de mots nouveaux en se basant sur des mots connus similaires. Cependant, les correspondances entre sons et suites de lettres sont encore utilisées dans certains cas particuliers, notamment pour les mots inconnus. L'enfant a alors atteint l''''étape orthographique'''.
 
==Le processus de lecture chez l'adulte==
==Accès au lexique mental==
 
L'accès au lexique mental, à savoir le processus de reconnaissance des mots, est activement étudié de nos jours. Une chose est certaine, ce processus ne voit pas des mots entiers , mais des morceaux de mots. En effet, notre œil ne peut voir précisément que sur une portion très limitée du champ de vision, la vision étant totalement floue en dehors de cette zone.
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[[File:Reading_Fixations_Saccades.jpg|centre|400px]]
 
===Le modèle à deux voies===
 
Reste qu'une fois perçus, les groupes de lettres doivent être traités, et activer un mot dans le lexique mental. Le modèle psychologique le plus utilisé à ce jour est le modèle du double codage. Ce modèle dit que les mots familiers sont reconnus par un processus visuel, tandis que les mots inconnus sont décodés phonologiquement. Le lecteur expert dispose ainsi d'une '''voie d'adressage''' visuelle et d'une '''voie d'assemblage''' phonologique. D'après la version la plus récente de ce modèle, les deux voies s'activent en parallèle lors de la lecture d'un mot, et c'est la plus rapide ou la plus adaptée qui l'emporte. Les observations sur des patients ayant des lésions au cerveau a montré qu'une voie peut être touchée dans que l'autre ne le soit.
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Lorsque notre cerveau fait face à un mot peu fréquent ou inconnu, c'est la voie d'assemblage qui doit prendre le relai. Celle-ci consiste en un décodage conscient du mot à lire, basé sur une utilisation des correspondances entre graphèmes et phonèmes. Les expériences qui attestent l'existence de cette voie portent sur des mots dont la prononciation ne varie que d'un seul phonème : on parle de voisins orthographiques. Dans ces expériences, on présente un mot indice durant un temps très court (quelques millisecondes), avant de présenter un mot cible. L'indice va s'activer et pré-activer les mots avec lesquels il est relié en mémoire, facilitant leur reconnaissance. Or, le mot cible est reconnu beaucoup plus rapidement avec un indice qui est un voisin phonologique, et les mesures des temps de réaction sont assez intéressantes. Cependant, cet effet n'a lieu que pour les mots relativement rares, et pas pour les mots fréquents. C'est la preuve que la lecture des mots fréquents se base sur un processus indépendant de la phonologie. De plus, les sujets qui ont de faibles résultats aux épreuves de reconnaissance de mots écrits ont plus souvent tendance à avoir un effet d’amorçage prononcé avec des voisins phonologiques : les moins bons lecteurs déchiffrent les mots avec des processus phonologiques, ce que ne font pas les bons lecteurs.
===Voie d'assemblage===
 
Lorsque notre cerveau fait face à un mot peu fréquent ou inconnu, c'est la voie d'assemblage qui doit prendre le relai. Celle-ci consiste en un décodage conscient du mot à lire, basé sur une utilisation des correspondances entre graphèmes et phonèmes. Le problème, c'est que les phonèmes ne sont pas l'unité de base du langage, du moins pour un sujet qui n'a pas reçu un entrainement spécifique. Des expériences faites par Savin et Becker (1970) ont montré que des élèves reconnaissent plus rapidement les syllabes que les phonèmes. Et c'est sans compter que l'on n'a pas pu observer de capacité à découper le langage en phonémes avant 6 ou 7 ans, l'âge auquel l'enfant apprend à lire. Il semblerait que l'unité de segmentation de la langue soit la syllabe, plutôt que le phonème. Ceci dit, les recherches sur la conscience phonologique montrent que celle-ci a une efficacité réelle sur l'apprentissage de la lecture. Le fait est que la conscience phonologique liée aux phonèmes n'est pas innée, et que l'entrainer est une étape importante de l'apprentissage de la lecture.
 
===Voie d'adressage===
 
La voie d'adressage est celle du processus de reconnaissance des mots fréquents. L'existence de cette voie ets attestée par deux effets expérimentaux, nommés effet de lexicalité et effet de fréquence. Le premier tient au temps de réaction suite à la présentation d'un mot ou d'une suite de lettres inconnue (un pseudo-mot). Il est observé que le temps de lecture est supérieur pour les pseudo-mots. Par exemple, nous reconnaîtrons plus rapidement le mot "pluriel" que "prugarmif". On parle d'effet de lexicalité. Le second stipule que les mots fréquents sont reconnus plus rapidement, ce qui indique un traitement non-phonologique des mots. On peut citer l'expérience de Catherine Martinet, de l'université de Grenoble, effectuée sur une classe de première année de primaire. Elle a commencé par étudier la fréquence des mots présents dans le manuel de lecture utilisé, et a sélectionné 36 mots : 18 mots fréquents, et 18 mots rares. Le résultat est clair : les mots fréquents sont bien orthographiés dans 78% des cas, contre seulement 55% avec les mots rares.