« Philosophie/Aliénation » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Ligne 30 :
<blockquote>« L’objet de l’homme n’est rien d’autre que ''son essence objective'' elle-même. Telle est la pensée de l’homme, tels ses sentiments, tel son Dieu : autant de valeur possède l’homme, autant et pas plus, son Dieu. ''La conscience de Dieu est la conscience de soi de l’homme, la connaissance de Dieu est la connaissance de soi de l’homme''. A partir de son Dieu tu connais l’homme, et inversement à partir de l’homme son Dieu : les deux ne font qu’un. Ce que Dieu est pour l’homme, c’est ''son esprit'', son âme, et ce qui est le propre de ''l’esprit humain'', son ''âme'', son ''coeur c’est cela son Dieu'' : Dieu est l’intériorité manifeste, le soi exprimé de l’homme ; la religion est le solennel dévoilement des trésors cachés de l’homme, l’aveu de ses pensées les plus intimes, ''la confession publique de ses secrets d’amour''.</blockquote><blockquote>Mais si la religion, consciente de Dieu, est désignée comme étant la conscience de soi de l’homme, cela ne peut signifier que l’homme religieux a directement conscience du fait que sa conscience de Dieu est la conscience de soi de son essence, puisque c’est la carence de cette conscience qui précisément fonde l’essence particulière de la religion. Pour écarter ce malentendu, il vaut mieux dire : la religion est la ''première conscience de soi'' de l’homme, mais indirecte. Partout, par suite, la religion précède la philosophie, aussi bien dans l’histoire de l’humanité que dans l’histoire de l’individu. L’homme déplace d’abord ''à l’extérieur de soi'' sa propre essence avant de la trouver en lui. La religion est ''l’essence infantile'' de l’humanité ».</blockquote><blockquote>Ludwig Feuerbach, ''L’essence du christianisme(1841),'' traduction Jean-Pierre Osier, Maspero 1968, pp 129-130</blockquote>L’aliénation n’est plus chez Feuerbach l’oubli volontaire de soi d’un sujet dans un objet qu’il travaille à conquérir, elle est la perte involontaire, non-voulue, et donc ''subie'', d’un sujet dans un objet qui le domine. On ne se réalise soi-même que '''contre l'objet.''' Lutter contre l'aliénation pour Feuerbach exige une démarche critique.<blockquote>Pour surmonter sa perte dans son autre et s’approprier l’objet, le sujet hégélien travaille un contenu, une matière d’abord naturelle, puis historique et sociale, tandis que le sujet feuerbachien critique des représentations (religieuses, théologiques, mais aussi spéculatives et philosophiques).<ref>[https://rgi.revues.org/377#ftn2 Transformations du concept d’aliénation. Hegel, Feuerbach, Marx''' par Franck Fischbach''']</ref></blockquote>
 
Il n'y a pas chez Feuerbach une critique de la religion comme opium du peuple. En se projetant en Dieu à qui il attribue sa propre infinité,l'homme objective dans ce moment d'aliénation l'essence infinie de l'espèce humaine et lui confère existence. Cette négativité de l'objectivation est aliénation, moment où l'homme prend conscience de l'infinité de l'essence humaine. Il ne s'agit plus dès lors de réduire la religion à de la superstition ou de la perte de soi, mais de reconnaître dans ce moment, le surgissement de la première figure de la conscience de soi. La religion ainsi comprise ne cesse de renvoyer l'homme à lui-même et à sa propre infinité.
C'est le discours de la théologie qui va travestir cette priorité accordée à l'homme dans l'acte divin. Poser l'infinité de Dieu à l'image de l'infinité humaine, c'était faire de l'homme le but de Dieu.
La théologie en dissimulant ce rapport originel au religieux fait de l'homme un être soumis et fini.
 
<blockquote>L’aliénation apparaît ici comme l’opération par laquelle un sujet transfère sa qualité de sujet à un objet, se démet de sa subjectivité propre en se transformant en objet et s’assujettit à l’objet désormais considéré comme sujet.</blockquote>