« Pour lire Platon/Études de quelques passages des dialogues » : différence entre les versions
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Platon dans cette Lettre7 pose les raisons qui ont motivé son engagement philosophique |
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=== Etude d'un extrait de la Lettre 7 ===
<blockquote>''"Mais, je ne sais comment cela se fit, voici que des gens puissants traînent devant les tribunaux ce même Socrate, notre ami, et portent contre lui une accusation des plus graves qu'il ne méritait certes point : c'est pour impiété que les uns l'assignèrent devant le tribunal et que les autres le condamnèrent, et ils firent mourir l'homme qui n'avait pas voulu participer à la criminelle arrestation d'un de leurs amis alors banni, lorsque, bannis eux-mêmes, ils étaient dans le malheur. Voyant cela et voyant les hommes qui menaient la politique, plus je considérais les lois et les moeurs, plus aussi j'avançais en âge, plus il me parut difficile de bien administrer les affaires de l'État. D'une part, sans amis et sans collaborateurs fidèles, cela ne me semblait pas possible. - Or, parmi les citoyens actuels, il n'était pas commode d'en trouver, car ce n'était plus selon les us et coutumes de nos ancêtres que notre ville était régie. Quant à en acquérir de nouveaux, on ne pouvait compter le faire sans trop de peine. - De plus, la législation et la moralité étaient corrompues à un tel point que moi, d'abord plein d'ardeur pour travailler au bien public, considérant cette situation et voyant comment tout marchait à la dérive, je finis par en être étourdi. Je ne cessais pourtant d'épier les signes possibles d'une amélioration dans ces événements et spécialement dans le régime politique, mais j'attendais toujours, pour agir, le bon moment. Finalement, je compris que tous les États actuels sont mal gouvernés, car leur législation est à peu près incurable sans d'énergiques préparatifs joints à d'heureuses circonstances. Je fus alors irrésistiblement amené à louer la vraie philosophie et à proclamer que, à sa lumière seule, on peut reconnaître où est la justice dans la vie publique et dans la vie privée. Donc, les maux ne cesseront pas pour les humains avant que la race des purs et authentiques philosophes n'arrive au pouvoir ou que les chefs des cités, par une grâce divine, ne se mettent à philosopher véritablement."''</blockquote><blockquote>Extrait de la lettre VII de Platon▼
<ref>Ensemble des Lettres http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/platon/cousin/lettres.htm</ref></blockquote>▼
▲Mais, je ne sais comment cela se fit, voici que des gens puissants traînent devant les tribunaux ce même Socrate, notre ami, et portent contre lui une accusation des plus graves qu'il ne méritait certes point : c'est pour impiété que les uns l'assignèrent devant le tribunal et que les autres le condamnèrent, et ils firent mourir l'homme qui n'avait pas voulu participer à la criminelle arrestation d'un de leurs amis alors banni, lorsque, bannis eux-mêmes, ils étaient dans le malheur. Voyant cela et voyant les hommes qui menaient la politique, plus je considérais les lois et les moeurs, plus aussi j'avançais en âge, plus il me parut difficile de bien administrer les affaires de l'État. D'une part, sans amis et sans collaborateurs fidèles, cela ne me semblait pas possible. - Or, parmi les citoyens actuels, il n'était pas commode d'en trouver, car ce n'était plus selon les us et coutumes de nos ancêtres que notre ville était régie. Quant à en acquérir de nouveaux, on ne pouvait compter le faire sans trop de peine. - De plus, la législation et la moralité étaient corrompues à un tel point que moi, d'abord plein d'ardeur pour travailler au bien public, considérant cette situation et voyant comment tout marchait à la dérive, je finis par en être étourdi. Je ne cessais pourtant d'épier les signes possibles d'une amélioration dans ces événements et spécialement dans le régime politique, mais j'attendais toujours, pour agir, le bon moment. Finalement, je compris que tous les États actuels sont mal gouvernés, car leur législation est à peu près incurable sans d'énergiques préparatifs joints à d'heureuses circonstances. Je fus alors irrésistiblement amené à louer la vraie philosophie et à proclamer que, à sa lumière seule, on peut reconnaître où est la justice dans la vie publique et dans la vie privée. Donc, les maux ne cesseront pas pour les humains avant que la race des purs et authentiques philosophes n'arrive au pouvoir ou que les chefs des cités, par une grâce divine, ne se mettent à philosopher véritablement.
▲<ref>Ensemble des Lettres http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/platon/cousin/lettres.htm</ref>
Cette lettre est une réflexion de Platon sur le gouvernement juste à partir de l’expérience qu’il a faite de l’injustice lors du procès de Socrate. La réflexion naît du choc de l’expérience vécue. Cette lettre est une lettre autobiographique écrite au soir de sa vie. Platon nous raconte comment la mort de Socrate l’a détourné de la politique et poussé vers la philosophie. Le texte se compose de trois moments : dans un premier temps, Platon rappelle les faits : la mort de Socrate, une mort injuste ; puis dans un second moment, il entreprend une critique radicale du régime politique de toutes les Cités ; enfin dans un dernier temps, il pose par une métaphore médicale ce qui lui semble juste comme régime politique. Le texte passe ainsi du fait, ce qui s’est passé, au droit, ce qui devrait être.
Dans le second moment du texte, Platon élargit la problématique. Il n’y a pas que la démocratie qui est impuissante à penser la justice. « Toutes les cités existant à l’heure actuelle, je me dis que toutes sans exception, ont un mauvais régime. » Par cette phrase Platon manifeste une certaine radicalité : aucun régime politique n’est capable de rendre justice, à moins que, comme il le dit fort ironiquement, le hasard ne fasse bien les choses « Sous de favorables auspices. » Autant dire qu’il y a fort peu de chances qu’un tel régime existe. Il s’agit donc de repenser le régime politique capable d’instituer des lois au service de la justice. Pour Platon, il faut trouver le remède, le bon régime au sens médical du terme, car la maladie n’est que « quasi-incurable ». Le philosophe se fait médecin. Il reste donc une chance de trouver une solution, mais cette dernière doit se réfléchir avant toute action. Aristote réfutera cette thèse de Platon dans les Politiques ou l’ Ethique à Nicomaque . Pour lui, la politique n’est pas affaire de science : on peut être un grand savant sans pour autant savoir comment agir. Dans un autre ordre d’idée, on peut être un grand architecte sans savoir pour autant construire une maison. Il y a une distinction très nette chez Aristote entre la Theoria (la science) et Poiesis (savoir-faire). On n’est pas artisan parce que l’on a des connaissances. De même, dans le champ politique, ce n’est pas parce que l’on a des connaissances sur la justice, qu’on saura forcement les appliquer dans le champ pratique (Praxis). La politique pour Aristote n’est pas une affaire de connaissances (il n’aurait pas apprécié l’expression Science-Po) mais de prudence. L’homme politique est celui qui pense les moyens de l’action et non une théorie de l’action. Platon est effectivement bien loin d’une telle conception. S’il est anti-démocrate, comme nous l’avons plusieurs fois souligné, il n’en est pas moins opposé aux régimes monarchiques, aristocratiques ou oligarchiques ambiants. Le fait ne fait pas le droit. Aucun régime existant ne correspond à un régime réellement juste, faute d’avoir réfléchi le sens du mot « juste ». Le mot ne fait pas le concept.
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