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Si le contenu de la sociologie peut varier d'un auteur à un autre, ce n'est pas seulement à cause du choix de l'objet d'étude ou de l'échelle d'observation. C'est également parce que le choix des facteurs qu'il faut retenir pour expliquer ou interpréter la nature et la dynamique de l'objet d'étude (par exemple, les facteurs qui permettent d'expliquer un changement social) est déterminant dans la délimitation de la discipline. Intégrer les facteurs biologiques ou économiques dans l'analyse sociologique implique par exemple une extension du domaine de recherche. Certains auteurs cherchent ainsi à incorporer ces différents facteurs dans des approches intégrées ([[w:Karl Marx|Karl Marx]], [[w:Karl Polanyi|Karl Polanyi]], [[w:Edgar Morin|Edgar Morin]], [[w:Bronislaw Malinowski|Bronislaw Malinowski]], [[w:Aaron Cicourel|Aaron Cicourel]], etc.). Par exemple, la distinction entre « nature et culture », traditionnellement admise comme un des fondements de la sociologie est très contestée. Certains auteurs n'hésitent pas à la transgresser (John R. Searle, 1995, Edgar Morin, 1973, Edward O. Wilson, 1979, etc.). On comprend toutefois que les sociologues aient pris l'habitude de se méfier des explications biologiques en sociologie, car elles ont donné lieu avec le darwinisme social à de nombreux excès.
En conséquence, même si certains auteurs parviennent à un accord temporaire sur le « contenu » de la sociologie, les approches pour l'étudier demeurent assez variables d'un courant à un autre. Pour fixer les idées, rappelons qu'on distingue traditionnellement les approches descriptives, interprétatives et explicatives. Les approches descriptives se contentent de décrire les phénomènes observés (ils sont définis et classés). [[w:Jean Piaget|Jean Piaget]] les regroupera sous l'appellation de sciences idéographiques. Il les opposera en cela aux sciences nomothétiques qui visent à expliquer les phénomènes (et à ''prouver'' si possible la validité de ces explications). Quant aux sciences interprétatives, elles servent à donner un sens, à relier dans un cadre conceptuel cohérent un ensemble de données disparates, souvent relatives à un même domaine d'étude. On prend généralement comme exemple-type, la psychanalyse,et le logoste.
À l'intérieur de ce triptyque, si de nombreux désaccords persistent entre les auteurs pour appréhender les phénomènes, c'est certainement l'étude des déterminants qui reste un des domaines les plus controversés. Autant les différences de point de vue au sein des sciences interprétatives n'entraînent pas de heurts trop violents entre chercheurs<ref>Pas forcément toutefois, si on pense au débat entre [[w:Sigmund Freud|Sigmund Freud]] et [[w:Carl Gustav Jung|Carl Gustav Jung]]. Ceci suggère que les conflits prennent naissance quand une théorie empiète sur le terrain d'une autre, à condition qu'elles aient toutes les deux au minimum un langage commun et un sujet commun.</ref>, car souvent des interprétations concurrentes peuvent cohabiter sans trop de remous, autant les désaccords sur les déterminants en sociologie dans le cadre des sciences nomothétiques provoquent de vifs débats. Et c'est parfaitement compréhensible. Il suffit pour cela de remarquer que ce qui détermine les caractéristiques des individus, des groupes sociaux et de l'environnement qu'ils produisent, constitue généralement un enjeu idéologique et politique majeur. Par exemple, affirmer que l'intelligence est héréditaire ou au contraire qu'elle est déterminée socialement, implique dans chacun des cas des conséquences très différentes sur la façon dont une politique éducative devra être menée. Une telle proposition théorique pourrait servir à légitimer la domination politique d'une ethnie sur une autre. Il en va de même pour les inégalités sociales. Considérer que les inégalités sociales sont la résultante normale de l'organisation économique (le système récompense les plus méritants) n'a pas les mêmes implications qu'une explication marxiste : les inégalités sont entretenues sciemment par la classe dominante... Autre exemple marquant : insister sur les déterminants sociaux de la déviance peut conduire à ôter toute responsabilité au criminel. À ce niveau, les convictions politiques des sociologues doivent très certainement les orienter dans leurs choix théoriques, et il s'en suit que l'étude des causalités en sociologie peut déchaîner des débats passionnés.