« La ville opportunités ou menaces pour la faune nocturne ? » : différence entre les versions

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=== Structure et organisation du milieu urbain ===
 
Nous pouvons voir que plusieurs impacts majeurs issus de l’urbanisation ressortent telles les pollutions lumineuse et sonore. Cependant certains impacts plus indirects touchant plusieurs espèces sont à prendre en compte.
 
L’urbanisation entraîne des changements parfois moins flagrants que ceux évoqués précédemment car moins visibles. Ce sont par exemple des modifications de la température, la structure du bâti, l’organisation avec les espaces naturels, ou encore certaines activités d’entretien des espaces. Ces paramètres peuvent offrir aux espèces une opportunité de développement mais aussi représenter une menace. La construction de bâtiments a, par exemple, pour conséquences la modification de la circulation de l’air, l’augmentation de la température, mais aussi une imperméabilisation du sol et ainsi une perte de ressources pour la faune nocturne. Cela peut engendrer une perte d’habitats, d’espèces ou une réduction de la taille de la population et donc de biodiversité.
Au niveau des sources d’alimentation, le milieu urbain peut favoriser ou nuire certaines espèces. L’alimentation des papillons par exemple dépend de celle-ci mais aussi du stade auquel l’individu se trouve. Malgré les initiatives de “Village fleuri”, les villes offrent peu de fleurs à butiner, concourant à la formation d’une compétition à la fois intra-espèce et inter espèces. En outre, certaines sont généralistes, c’est-à-dire qu’elles peuvent se nourrir de végétaux différents, alors que d’autres ont une alimentation plus spécifique (Parisot et al., 2009) . Les mites par exemple s’alimentent de plumes, poils, fibres textiles comme le coton. L’alimentation en ville ne semble pas contraignante. Toutefois, ce n’est pas forcément le cas pour d’autres espèces. La végétation en milieu urbain n’est généralement pas celle originelle mais constituée d’espèces végétales exotiques. Deux conséquences possibles à cela, soit une perte de sources d’alimentation et d’habitats peut être observée, ou alors la possibilité de nouvelles sources de nourriture et d'abris (ex: arbre à papillons) (Hunter, 2007).
 
Les oiseaux quant à eux, tout comme certaines espèces de chauve-souris peuvent s’adapter à ce nouvel environnement. Les insectes étant malgré tout présents, cela leur fournit une alimentation parfois complétée par des restes de nourriture humaine. La ville est également un milieu où la stagnation d’eau, alliée à des conditions de températures favorables, permet le développement des larves de moustiques (Li et al., 2014). Les chauves-souris s’en trouvent favorisées.
Un autre problème se pose et entraîne de nombreuses conséquences sur la reproduction des insectes : la circulation de l’air qui, en milieu urbain, est modifiée.
Les édifices constituent des barrières à la circulation initiale de l’air et des allées dans lesquelles le vent s’engouffre, alors que le vent joue de nombreux rôles pour les insectes. Les papillons femelles émettent des phéromones en période de reproduction afin d’attirer les mâles (Retamoza et al., 2014). Or, si la circulation du vent est modifiée, les chances que ces hormones ne parviennent pas aux futurs partenaires sont accrues, impactant la pérennité de l’espèce (Abdullah et al., 2012). C’est le cas également des lampyres (vers luisants), les mâles peuvent repérer les femelles à une distance de près de 20 m (contre une centaine de mètres pour certaines espèces de papillons nocturnes). Cette étude a démontré qu’ils ont également besoin que le vent suive une direction constante et une certaine vitesse pour que la détection du partenaire soit optimale. Le milieu urbain, par ses nombreuses sources d’air, vient donc contraindre ce besoin. (De Cock, Matthysen, 2005).
De plus, les activités anthropiques inhérentes à la ville, mais également sa configuration et sa composition jouent un rôle sur la température. En effet, la température en milieu urbain a tendance à être plus élevée que celle en zone rurale. On parle souvent d’îlot de chaleur pour caractériser ce phénomène (Rizwan et al., 2008). La température joue un rôle prédominant dans les écosystèmes et le cycle de vie des espèces. Les œufs de papillon par exemple peuvent éclore au bout de quelques jours lorsque les températures sont douces, alors que cela peut aller jusqu’à plusieurs mois en cas de basses températures. Le froid peut également influer la période larvaire. Si celui-ci est trop intense ou dure trop longtemps, les larves meurent. Par ces conditions de température plus douces, la ville peut ainsi offrir un milieu favorable à la survie des individus en périodes de froid (ex: cas des larves de processionnaires qui “hibernent” l’hiver). Il peut aussi favoriser une levée plus rapide de la période de diapause dans laquelle était l’insecte (Mauchamp, 1988).
Une autre menace de grande ampleur touche directement et massivement les insectes : l’utilisation de produits phytosanitaires. Ceux-ci étaient, jusque ces dernières années, fortement utilisés en ville comme désherbant chimique par exemple, non seulement dans le cadre de l’entretien des espaces publics, mais également chez les particuliers. Or, les pesticides représentent un danger pour les populations d’insectes. Selon de nombreux chercheurs, ce sont la première source de mortalité des insectes en ville. En effet, les insecticides tuent directement les individus ou indirectement en intoxiquant leur alimentation, leur habitat, etc. (The Task Force on Systemic Pesticides, 2015) La pollinisation est par exemple remise en cause, impactant la biodiversité végétale mais également le reste de la chaîne alimentaire. En outre, les phénomènes de bioaccumulation et biomagnification posent problème, ils concernent toute la chaîne alimentaire et par là-même, les autres taxons (Kogan & Lattin, 1993).
Enfin, les édifices en ville eux-mêmes influent sur le cycle de vie des espèces. Malgré l’accroissement des milieux urbains et donc de la destruction de leur habitats naturels, les chauves-souris ont su s’adapter et créer leur habitat dans le bâti. Les chauves-souris dites anthropophiles trouvent refuge, pour tout ou partie de leur cycle biologique, dans les bâtiments publics ou privés. S'installant aussi bien dans les combles que sous la charpente, ces monuments servent de gîte pour l'élevage des petits en période estivale, de site d'hibernation ou encore de site de swarming (site précis où les chauves-souris d'une grande aire géographique se retrouvent pour l'accouplement lors de la saison de reproduction en automne) (Vienne Nature, 2014).Malheureusement, les chauves-souris font toujours l’objet de mauvaise croyance, engendrant une modification ou une réhabilitation des bâtis en défaveur de celles-ci : combles bouchés, grillages dans les églises. Certains grillages sont dangereux pour elles, ils peuvent d’une part piéger les grandes espèces de chauves-souris qui se coincent les avant-bras dans les mailles, mais également empêcher l’accessibilité des combles pour des espèces comme les Rhinolophes accédant aux bâtiments en volant. Certaines espèces parviennent tout de même à accéder au bâti malgré le grillage, comme les espèces rampantes : pipistrelles, les grands-murins, etc. Malgré leurs capacités d’adaptations, les espèces les plus communes restent les plus touchées par la construction de bâtiment. Dans le cas des chauves-souris, et malgré leurs efforts pour s’adapter aux activités anthropiques, les conséquences ne cessent de croître et de s’imposer sur la vie de ces espèces (Parc naturel régional des caps et marais d’opale, 2011).
 
Les aménagements et la construction même des villes impactent la faune nocturne. La principale menace pour les reptiles et les amphibiens correspond à la perte d’habitats remplacés par les villes. Un tiers des amphibiens sont menacés d’extinction, notamment à cause de la destruction des habitats d’eau douce (Beatty et al., 2011). De plus, les amphibiens sont d’autant plus exigeants en termes d’habitat puisqu’ils ont besoin de deux habitats (terrestre et aquatique). Cela augmente les impacts liés à la destruction du milieu initial. La deuxième cause du déclin de ces populations est due à la fragmentation des milieux par les infrastructures de transport.
 
En effet, la connectivité de l'habitat semble jouer un rôle clef dans la viabilité régionale des populations d'amphibiens (Cushman, 2006). Plus l’habitat est proche d’une route plus le risque de mortalité est important. Comme l’illustre l’étude sur la mortalité des tortues sur les routes de l’Outaouais, les lieux de concentration de tortues mortes sur la route se trouve le long de la rivière des Outaouais (le nombre atteint 4,38 tortues mortes/10 km). De plus, les échanges entre populations sont limités par ces infrastructures ce qui menace, à terme, la pérennité de l’espèce (Desroches & Picard, 2005).
 
 
D’après les études présentées dans cette première partie, nous pouvons constater que la ville a parfois des impacts positifs sur la faune nocturne. Cependant, ceux-ci ne restent effectifs qu’à court terme.
La plupart des impacts relevés sont négatifs comme les pollutions lumineuse et sonore qui, à court terme, influent sur le cycle de vie des espèces nocturnes, et à long terme, sur la pérennité de celles-ci.
L’homme étant diurne, la faune nocturne demeure plus discrète pour celui-ci. A travers les actuelles problématiques liées à la biodiversité, celles des espèces nocturnes n’attirent pas encore toute son attention. Il semble nécessaire aujourd’hui de minimiser ces impacts négatifs et ainsi définir la place que la faune nocturne pourrait avoir dans la ville de demain.
 
== Place de la faune nocturne dans la ville de demain ==