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{{Cynologie}}
L’'''insuffisance cardiaque''' représente une maladie grave du [[chien]]. On estime qu’elle affecte jusqu’à 10 % de la population canine globale. Si cette affection reste complexe et grave, la connaissance de sa physiopathologie a énormément progressé ces dernières années, rendant son diagnostic plus facile, et permettant à de nouvelles thérapeutiques de voir le jour. Le pronostic s’en est trouvé nettement amélioré et il n’est pas rare maintenant de voir des chiens survivre plusieurs années avec une insuffisance cardiaque.
 
Le but de cet article est de faire un point sur les connaissances actuelles sur l’insuffisance cardiaque du chien et son traitement, en tenant compte des données scientifiques publiées et accessibles et de leur pertinence, dans une optique de [[médecine vétérinaire basée sur les faits]] (‘evidence-based medicine’).
 
== Physiopathologie ==
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La suite de cet article ne portera que sur les insuffisances cardiaques consécutives à une cardiopathie.
 
L’insuffisance cardiaque est un '''syndrome clinique''', qu’il faut bien distinguer de la cardiopathie, affection cardiaque généralement à l’origine de l’insuffisance cardiaque. Les symptômes observés sont liés à la baisse du débit cardiaque et de la perfusion tissulaire et à l’augmentation de pression en amont du cœur (fatigabilité, toux, syncopes…) et non à la cardiopathie.
 
Les symptômes observés sont liés à la baisse du débit cardiaque et de la perfusion tissulaire et à l’augmentation de pression en amont du cœur (fatigabilité, toux, syncopes…) et non à la cardiopathie.
=== Les déterminants de la performance cardiaque ===
Pour répondre aux besoins métaboliques des tissus, l’appareil circulatoire doit assurer une pression de perfusion suffisante pour favoriser la diffusion de l’oxygène et des nutriments du compartiment vasculaire vers les tissus. Cette pression sanguine dépend de deux facteurs, le débit cardiaque (quantité de sang pompée par unité de temps) et les résistances périphériques (résistance à l’écoulement du sang dans les vaisseaux et les tissus, dépendant principalement du tonus vasculaire).
Cette pression sanguine dépend de deux facteurs, le débit cardiaque (quantité de sang pompée par unité de temps) et les résistances périphériques (résistance à l’écoulement du sang dans les vaisseaux et les tissus, dépendant principalement du tonus vasculaire).
 
Le '''débit cardiaque''' (DC, exprimé en ''l/min'') est conditionné par l’équation suivante :
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Lorsque la '''fréquence cardiaque''' augmente, le débit cardiaque augmente. Ce phénomène devient cependant autolimitant (cf. fig. 1). En effet, la durée de la systole étant pratiquement constante, une augmentation de fréquence cardiaque se fait toujours au détriment de la durée de la diastole. Lorsque la fréquence cardiaque devient excessive, le raccourcissement de la diastole entraîne une diminution du remplissage ventriculaire, ainsi qu’une baisse de l’irrigation du myocarde, à l’origine d’une baisse du volume d’éjection systolique.
 
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Le '''VES''' est conditionné par 5 déterminants (cf. fig. 2, 3 et 4):
 
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==== Le Système Rénine Angiotensine Aldostérone (SRAA) ====
La baisse de perfusion rénale résultante de la baisse du débit cardiaque entraîne la sécrétion par l’appareil juxtaglomérulaire d’une hormone, la rénine. Cette hormone libérée dans le compartiment vasculaire clive l’angiotensinogène, un peptide inactif présent dans le plasma, en angiotensine I, prohormone également inactive. Dans les capillaires, l’angiotensine I rentre en contact avec une enzyme transmembranaire située à la face luminale des cellules endothéliales, l’Enzyme de Conversion de l’Angiotensine (ECA), qui la dégrade en angiotensine II, peptide vasoactif à l’origine d’une très forte activité vasoconstriction artérielle et veineuse, résultant en une augmentation de la précharge et de la postcharge.
 
Dans un second temps, l’angiotensine II déclenche la sécrétion par la corticosurrénale d’une hormone minéralocorticoïde, l’aldostérone, qui agit sur le tube contourné distal en augmentant la réabsorption de sodium et l’élimination de potassium. L’hypertonie plasmatique résultante stimule d’une part la réabsorption d’eau et augmente ainsi la volémie (augmentation de la précharge et de la postcharge), et d’autre part contribue à activer la sécrétion de rénine, renforçant ainsi le SRAA. L’aldostérone a également une activité vasoconstrictrice directe, ainsi qu’un effet profibrotique (facteur de croissance) sur le cœur et le rein.
Enfin, l’hypertonie plasmatique entraîne la libération par la neurohypophyse d’Hormone Anti-Diurétique (ADH), qui favorise la rétention d’eau et contribue ainsi à remonter la volémie et augmenter ainsi précharge et postcharge. Les effets de l’activation du SRAA sont donc une augmentation de la précharge et de la postcharge, par le biais d’une vasoconstriction et d’une hypervolémie.
Les effets de l’activation du SRAA sont donc une augmentation de la précharge et de la postcharge, par le biais d’une vasoconstriction et d’une hypervolémie.
 
[[Image:Fig5 MecanismesCompensateurs.png|center|frame|Fig. 5 : les mécanismes compensateurs]]
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=== La progression de l’insuffisance cardiaque ===
[[Image:Fig6 CercleVicieux.png|thumb|Fig. 6 : progression de l'insuffisance cardiaque]]
Les mécanismes compensateurs contribuent donc à soutenir le débit cardiaque (augmentation de la fréquence cardiaque, de la contractilité et de la précharge) et la perfusion tissulaire (augmentation de la postcharge) lors d’une baisse de la performance cardiaque (cardiopathie) et sont donc à court terme bénéfiques. Cependant, leur activation augmente la dépense énergétique du myocarde et ces mécanismes s’avèrent rapidement délétères à long terme, en contribuant à la progression et l’aggravation de la cardiopathie. La performance cardiaque chute alors de plus en plus, et les mécanismes compensateurs s’amplifient progressivement.
Cependant, leur activation augmente la dépense énergétique du myocarde et ces mécanismes s’avèrent rapidement délétères à long terme, en contribuant à la progression et l’aggravation de la cardiopathie. La performance cardiaque chute alors de plus en plus, et les mécanismes compensateurs s’amplifient progressivement.
 
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=== Compensation et décompensation : L’insuffisance cardiaque congestive ===
[[Image:Fig7 Decompensation.png|thumb|Fig. 7 : Mécanismes compensateurs, débit cardiaque, décompensation et congestion]]
Tant que les mécanismes compensateurs permettent de maintenir un débit cardiaque et une perfusion tissulaire suffisants, il n’y a aucun symptôme clinique ; l’insuffisance cardiaque est dite asymptomatique ou compensée. Lorsque les mécanismes compensateurs sont dépassés, la perfusion tissulaire et le débit cardiaque ne peuvent plus être assurés et les premiers symptômes cliniques commencent à apparaître. C’est la phase d’Insuffisance Cardiaque Décompensée ou Symptomatique.
 
Lorsque les mécanismes compensateurs sont dépassés, la perfusion tissulaire et le débit cardiaque ne peuvent plus être assurés et les premiers symptômes cliniques commencent à apparaître. C’est la phase d’Insuffisance Cardiaque Décompensée ou Symptomatique.
Dans la très grande majorité des cas, les symptômes sont d’abord liés à l’augmentation de la précharge, qui se traduit par une stase veineuse en amont du cœur, avec dilatations vasculaires, œdème pulmonaire et épanchements pleural et/ou abdominal. On parle de congestion ; l’insuffisance cardiaque est alors dite Congestive. Dans la majorité des cas, l’insuffisance cardiaque est d’abord gauche. La congestion se manifeste donc primitivement dans le territoire pulmonaire.
Dans la majorité des cas, l’insuffisance cardiaque est d’abord gauche. La congestion se manifeste donc primitivement dans le territoire pulmonaire.
 
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===Les classifications de l’insuffisance cardiaque===
Afin de faciliter l’évaluation et le suivi de l’insuffisance cardiaque, divers classifications ont été proposées. Actuellement, les deux les plus utilisées sont la NYHA (New-York Heart Association) modifiée<ref>Knight DH. Pathophysiology of heart failure. In: Ettinger SJ, editor. Textbook of internal medicine. Philadelphia / WB Saunders, 1989: 899</ref> et l’ISACHC (International Small Animal Cardiac Health Council)<ref>ISACHC. Recommendations for the diagnosis of heart disease and the treatment of heart failure in small animals. In: Miller MS, Tilley LP. Manual of Canine and Feline Cardiology, 2nd edition. Philadelphia : Saunders, 1995 : 469-502</ref>. Ces deux classifications font la différence entre une classe 1 asymptomatique, et les stades suivants représentant les insuffisances cardiaques congestives.
Ces deux classifications font la différence entre une classe 1 asymptomatique, et les stades suivants représentant les insuffisances cardiaques congestives.
 
[[Image:Tab1 ClassifIC.png|center|frame|Tab. 1 : les Classifications de l'Insuffisance Cardiaque]]
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=== Les cardiopathies congénitales ===
Il s’agit de malformations cardiaques congénitales. Elles sont variées, mais représentent moins de 5 % des cardiopathies. Elles entraînent généralement une insuffisance cardiaque précoce (entre 6 mois et 4 ans). Leur traitement est majoritairement chirurgical, mais le pronostic est généralement sombre. Parmi les cardiopathies congénitales les plus fréquentes, on trouve la persistance du canal artériel et les sténoses sous-aortique ou pulmonaire.
Parmi les cardiopathies congénitales les plus fréquentes, on trouve la persistance du canal artériel et les sténoses sous-aortique ou pulmonaire.
 
=== Les cardiopathies acquises ===
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* une baisse du volume d’éjection systolique
* une surcharge volumique dans l’atrium
Lorsque les lésions valvulaires progressent, on peut avoir également une atteinte et une rupture des cordages tendineux, qui aggrave la fuite valvulaire et le pronostic. Le premier moyen de détection de la MVD est l’auscultation ; avec la fuite mitrale apparaît un souffle (systolique apexien gauche), dont l’intensité est corrélée à l’importance de la régurgitation. Avec la progression de l’affection, on observe d’abord une dilatation atriale, puis une dilatation ventriculaire. Contrairement à ce qu’on pensait auparavant, on sait maintenant que la fonction systolique peut être déjà altérée chez des animaux peu symptomatiques (en revanche, aucune altération n'a été démontrée à ce jour chez les animaux asymptomatiques)<ref name = "note3">Borgarelli M, Tarducci A, Zanatta R, Haggstrom J. Decreased systolic function and inadequate hypertrophy in large and small breed dogs with chronic mitral valve insufficiency. J Vet Intern Med. 2007 Jan-Feb;21(1):61-7.</ref>.
Lorsque les lésions valvulaires progressent, on peut avoir également une atteinte et une rupture des cordages tendineux, qui aggrave la fuite valvulaire et le pronostic.
Le premier moyen de détection de la MVD est l’auscultation ; avec la fuite mitrale apparaît un souffle (systolique apexien gauche), dont l’intensité est corrélée à l’importance de la régurgitation. Avec la progression de l’affection, on observe d’abord une dilatation atriale, puis une dilatation ventriculaire. Contrairement à ce qu’on pensait auparavant, on sait maintenant que la fonction systolique peut être déjà altérée chez des animaux peu symptomatiques (en revanche, aucune altération n'a été démontrée à ce jour chez les animaux asymptomatiques)<ref name = "note3">Borgarelli M, Tarducci A, Zanatta R, Haggstrom J. Decreased systolic function and inadequate hypertrophy in large and small breed dogs with chronic mitral valve insufficiency. J Vet Intern Med. 2007 Jan-Feb;21(1):61-7.</ref>.
 
La MVD est de plus en plus considérée comme une maladie bénigne, dans la mesure où certainement une large majorité des chiens tolérera cette affection toute sa vie, sans jamais présenter de signes cliniques<ref>Borgarelli M et al. Survival Characteristics and Prognostic Variables of Dogs with Mitral Regurgitation Attributable to Myxomatous Valve Disease. J Vet Intern Med 2008;22:120–128</ref>. Dans les cas de décompensation, l’insuffisance cardiaque résultante est d’abord gauche, puisque c'est la valvule mitrale qui est majoritairement touchée ; elle concerne principalement le territoire pulmonaire (toux, œdème pulmonaire). Dans les cas avancés, l'insuffisance peut devenir globale. L’évolution de la MVD se compte toujours en mois ou en années.
Dans les cas de décompensation, l’insuffisance cardiaque résultante est d’abord gauche, puisque c'est la valvule mitrale qui est majoritairement touchée ; elle concerne principalement le territoire pulmonaire (toux, œdème pulmonaire). Dans les cas avancés, l'insuffisance peut devenir globale.
L’évolution de la MVD se compte toujours en mois ou en années.
 
==== La Cardiomyopathie Dilatée (CMD) ====
Il s’agit d’une affection primitive du myocarde, qui touche principalement les grandes races (Doberman, Irish Wolfhound, Boxer, Terre-Neuve…). Elle présente également un caractère héréditaire dans certaines races. Dans sa forme classique, elle se manifeste par un amincissement des parois du myocarde ventriculaire et une dilatation des cavités cardiaques. L’atteinte de la fonction systolique est précoce et profonde. Un souffle est présent à l’auscultation dès l’apparition de la maladie ; il est lié à une régurgitation secondaire à la dilatation de l’anneau mitral. L’insuffisance cardiaque d’abord gauche est souvent rapidement globale ; l’ascite est donc fréquente dans les cas de CMD. La CMD est une affection d’évolution généralement très rapide, avec installation d’une insuffisance cardiaque congestive brutale et marquée.
Dans sa forme classique, elle se manifeste par un amincissement des parois du myocarde ventriculaire et une dilatation des cavités cardiaques. L’atteinte de la fonction systolique est précoce et profonde. Un souffle est présent à l’auscultation dès l’apparition de la maladie ; il est lié à une régurgitation secondaire à la dilatation de l’anneau mitral. L’insuffisance cardiaque d’abord gauche est souvent rapidement globale ; l’ascite est donc fréquente dans les cas de CMD.
La CMD est une affection d’évolution généralement très rapide, avec installation d’une insuffisance cardiaque congestive brutale et marquée.
 
=== Progression de l’insuffisance cardiaque ===
Quelle que soit la cardiopathie à l’origine de l’insuffisance cardiaque, il faut toujours distinguer l’évolution de la cardiopathie elle-même (lésions et fonction cardiaque) de celle de l’insuffisance cardiaque ; la corrélation entre les deux est souvent faible et très dépendante de la race et de l’affection causale. La dégradation de la cardiopathie se complique souvent d’arythmies, liées principalement à une perte de la conduction nerveuse intramyocardique (atteinte de la paroi atriale, des nœuds sinoatrial ou atrioventriculaire, ou du faisceau de Hiss) et à une hypoxie myocardique (atteintes vasculaires dans la paroi cardiaque). Les arythmies secondaires les plus fréquentes sont la fibrillation atriale et les extrasystoles et tachycardies supraventriculaires ou ventriculaires. Ces arythmies diminuent généralement l’efficacité de la systole et altèrent un peu plus le débit cardiaque.
La dégradation de la cardiopathie se complique souvent d’arythmies, liées principalement à une perte de la conduction nerveuse intramyocardique (atteinte de la paroi atriale, des nœuds sinoatrial ou atrioventriculaire, ou du faisceau de Hiss) et à une hypoxie myocardique (atteintes vasculaires dans la paroi cardiaque). Les arythmies secondaires les plus fréquentes sont la fibrillation atriale et les extrasystoles et tachycardies supraventriculaires ou ventriculaires. Ces arythmies diminuent généralement l’efficacité de la systole et altèrent un peu plus le débit cardiaque.
L’évaluation de l’évolution de l’insuffisance cardiaque reste principalement clinique.
 
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=== Diagnostic étiologique ===
Le diagnostic étiologique (c’est-à-dire de la cardiopathie sous-jacente), s’il n’est pas indispensable à la mise en place du traitement de l’insuffisance cardiaque (le syndrome clinique est le même, quelle que soit la cause), permet cependant de mieux préciser le pronostic et d’améliorer le suivi de l’animal. La distinction entre les 2 affections majeures (cardiopathies congénitales vs. acquises, MVD vs. CMD) repose déjà sur les commémoratifs :
 
Le diagnostic étiologique (c’est-à-dire de la cardiopathie sous-jacente), s’il n’est pas indispensable à la mise en place du traitement de l’insuffisance cardiaque (le syndrome clinique est le même, quelle que soit la cause), permet cependant de mieux préciser le pronostic et d’améliorer le suivi de l’animal.
La distinction entre les 2 affections majeures (cardiopathies congénitales vs. acquises, MVD vs. CMD) repose déjà sur les commémoratifs :
* âge d’apparition des signes : un animal jeune oriente plutôt vers une cardiopathie congénitale, un animal âgé vers une cardiopathie acquise. ;
* taille : un chien de petite taille orientera plutôt vers une MVD, un chien de race géante plutôt vers une CMD ;
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== Traitements ==
 
A l’exception de certaines cardiopathies congénitales traitables chirurgicalement, les cardiopathies rencontrées chez le chien sont irréversibles, progressives, et aucun traitement n’existe à l’heure actuelle pour entraîner une régression des lésions cardiaques.
Cependant, on a vu que les signes cliniques étaient liés à l’activation croissante des mécanismes compensateurs (augmentation de la précharge et de la postcharge) consécutifs à la baisse de la performance cardiaque, et que ces mécanismes entraient pour une part importante dans le dégradation continue de la fonction cardiaque. Le traitement de l’insuffisance cardiaque devra donc viser d’une part à diminuer l’hyperactivation des mécanismes compensateurs (diminution de la précharge et de la postcharge, diminution de la fréquence cardiaque) et d’autre part à augmenter l’efficacité cardiaque (amélioration de la contractilité et de la relaxation).
Le traitement de l’insuffisance cardiaque devra donc viser d’une part à diminuer l’hyperactivation des mécanismes compensateurs (diminution de la précharge et de la postcharge, diminution de la fréquence cardiaque) et d’autre part à augmenter l’efficacité cardiaque (amélioration de la contractilité et de la relaxation).
 
=== Les modificateurs de la performance cardiaque ===
 
De nombreuses molécules sont utilisables en cardiologie canine, même si relativement peu sont enregistrées dans cette espèce. On ne s’intéressera par la suite qu’aux classes thérapeutiques d’usage courant en cardiologie canine. On peut les classer en fonction de leur action sur les 6 déterminants de la performance cardiaque (fréquence cardiaque, contractilité, relaxation, synergie de contraction, précharge, postcharge).
 
==== Le pimobendane ====
 
Seul représentant sur le marché de la classe des inodilatateurs, le [[:de:Pimobendan|Pimobendan]]<ref>Bomassi E. Principe actif : le Pimobendane. Le Nouveau Praticien canine, féline 2007 Nov/Déc/Jan (552) :60-63</ref>{{,}}<ref>Fuentes VL, Corcoran B, French A, Schober KE, Kleemann R, Justus C. A double-blind, randomized, placebo-controlled study of pimobendan in dogs with dilated cardiomyopathy. J Vet Intern Med. 2002 May-Jun;16(3):255-61.</ref>{{,}}<ref>Smith PJ, French AT, Van Israël N, Smith SG, Swift ST, Lee AJ, Corcoran BM, Dukes-McEwan J. Efficacy and safety of pimobendan in canine heart failure caused by myxomatous mitral valve disease. J Small Anim Pract. 2005 Mar;46(3):121-30.</ref>{{,}}<ref>Lombard CW, Jons O, Bussadori CM. Clinical efficacy of pimobendan versus benazepril for the treatment of acquired atrioventricular valvular disease in dogs. J Am Anim Hosp Assoc. 2006 Jul-Aug;42(4):249-61.</ref>{{,}}<ref name="note12">Kanno N, Kuse H, Kawasaki M, Hara A, Kano R, Sasaki Y. Effects of pimobendan for mitral valve regurgitation in dogs. J Vet Med Sci. 2007 Apr;69(4):373-7.</ref>{{,}}<ref name="note13">Ouellet M, Difruscia R, Bélanger MC. Evaluation of pimobendan in the treatment of early mitral valve disease. J Vet Intern Med. 2007;21:610.</ref>{{,}}<ref>Richard Woolley, Paul Smith, Elizabeth Munro, Sarah Smith, Simon Swift, Craig Devine, Brendan Corcoran, Anne French. Effects of Treatment Type on Vertebral Heart Size in Dogs With Myxomatous Mitral Valve Disease. Intern J Appl Res Vet Med. 2007;5 (1):43-8</ref>{{,}}<ref>US FDA. [http://www.fda.gov/OHRMS/DOCKETS/98fr/2007-141-273-fois001.pdf FOI Vetmedin Chewable Tablets - NADA 141-273, 30 Apr. 2007] </ref>{{,}}<ref>A.C. Vollmar, C. Trötschel, R. Kleemann, P.R. Fox. Clinical efficacy of pimobendan in comparison to benazepril and metildigoxin in irish wolfhounds with preclinical DCM; preliminary evaluation of an ongoing study after 6 years. J Vet Intern Med 2007;21:1420–1445</ref>{{,}}<ref>C.P. Sturgess, L. Ferasin. Clinical efficacy of pimobendan in 11 cats with systolic heart failure. J Vet Intern Med 2007;21:1420–1445</ref>{{,}}<ref name="Dobermann">M.R. O’Grady, S.L. Minors, M.L. O’Sullivan, and R. Horne. Effect of Pimobendan on Case Fatality Rate in Doberman Pinschers with Congestive Heart Failure Caused by Dilated Cardiomyopathy. J Vet Intern Med 2008;22:897–904.</ref>{{,}}<ref name="Quest">Häggström J et al. Effect of Pimobendan or Benazepril Hydrochloride on Survival Times in Dogs with Congestive Heart Failure Caused by Naturally Occurring Myxomatous Mitral Valve Disease: The QUEST Study. J Vet Intern Med 2008;22:1124-1135</ref>{{,}}<ref name="Ouellet">M. Ouellet, M.C. Bélanger, R. DiFruscia, and G. Beauchamp. Effect of Pimobendan on Echocardiographic Values in Dogs with Asymptomatic Mitral Valve Disease. J Vet Intern Med 2009;[early online]</ref> (''Vetmedin''®, [[Boehringer-Ingelheim Pharmaceuticals|Boehringer Ingelheim]])fait partie de la prise en charge thérapeutique de l’insuffisance cardiaque congestive.
 
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Le pimobendane est enregistré en Europe, au Canada et aux États-Unis pour le traitement de l’insuffisance cardiaque congestive liée à une MVD ou à une CMD. C’est actuellement la seule molécule inotrope positive utilisable au long cours.
 
À ce jour, au moins 4 études étudiant l’intérêt du pimobendane chez le chien atteint de cardiopathie spontanée symptomatique ont été publiées dans des revues internationales à comité de lecture. L'étude QUEST, en particulier, démontre la supériorité du pimobendane en termes de prolongement de la vie des animaux atteints d'insuffisance cardiaque avancée par rapport au traitement par un IECA. La qualité de vie est fortement améliorée et la survie prolongée. De plus, il a été montré que le pimobendane permettait de réduire les doses de diurétiques nécessaires pour le contrôle des phénomènes congestifs. Sa rapidité d’action en fait également un médicament de choix dans les décompensations aiguës.
 
Sa rapidité d’action en fait également un médicament de choix dans les décompensations aiguës.
 
==== Les inhibiteurs de l’Enzyme de Conversion de l’Angiotensine (IECA) ====
 
Les [[Inhibiteur de l'enzyme de conversion|IECA]]<ref>The IMPROVE Study Group. Acute and short-term hemodynamic, echocardiographic, and clinical effects of enalapril maleate in dogs with naturally acquired heart failure: results of the Invasive Multicenter PROspective Veterinary Evaluation of Enalapril study. J Vet Intern Med. 1995 Jul-Aug;9(4):234-42.</ref>{{,}}<ref>The COVE Study Group. Controlled clinical evaluation of enalapril in dogs with heart failure: results of the Cooperative Veterinary Enalapril Study Group. J Vet Intern Med. 1995 Jul-Aug;9(4):243-52.</ref>{{,}}<ref>Ettinger SJ, Benitz AM, Ericsson GF, Cifelli S, Jernigan AD, Longhofer SL, Trimboli W, Hanson PD. Effects of enalapril maleate on survival of dogs with naturally acquired heart failure. The Long-Term Investigation of Veterinary Enalapril (LIVE) Study Group. J Am Vet Med Assoc. 1998 Dec 1;213(11):1573-7.</ref>{{,}}<ref>The BENCH (BENazepril in Canine Heart disease) Study Group. The effect of benazepril on survival times and clinical signs of dogs with congestive heart failure: results of a multicenter, prospective, randomized, double-blinded, placebo-controlled, long-term clinical trial. Journal of Veterinary Cardiology 1999;1 (1), 7-18</ref>{{,}}<ref>Amberger C, Chetboul V, Bomassi E, Rougier S, Woehrlé F, Thoulon F, on behalf of the FIRST (First Imidapril Randomized Study) group. Comparison of the effects of imidapril and enalapril in a prospective, multicentric randomized trial in dogs with naturally acquired heart failure. Journal of Veterinary Cardiology 2004; 6 (2), 9-16</ref>{{,}}<ref name="note20">Kvart C, Haggstrom J, Pedersen HD, Hansson K, Eriksson A, Jarvinen AK, Tidholm A, Bsenko K, Ahlgren E, Ilves M, Ablad B, Falk T, Bjerkfas E, Gundler S, Lord P, Wegeland G, Adolfsson E, Corfitzen J. Efficacy of enalapril for prevention of congestive heart failure in dogs with myxomatous valve disease and asymptomatic mitral regurgitation. J Vet Intern Med. 2002 Jan-Feb;16(1):80-8.</ref>{{,}}<ref name="note21">Atkins C. et al. Results of the veterinary enalapril trial to prove reduction in onset of heart failure in dogs chronically treated with enalapril alone for compensated, naturally occurring mitral valve insufficiency. J Am Vet Med Assoc. 2007 Oct 1;231(7):1061-9.</ref> ont permis un progrès considérable dans le traitement de l’hypertension et de l’insuffisance cardiaque chez l’homme dans les années 80. Leur enregistrement en médecine vétérinaire dans les années 90 a également permis une avancée très importante en termes de qualité de vie et de survie.
 
Les IECA, comme leur nom l’indique, inhibent l’enzyme de conversion de l’angiotensine, bloquant ainsi la formation d’angiotensine II ; ils entraînent donc indirectement un effet vasodilatateur artériel et veineux et diminuent la précharge et la postcharge.
Leur action indirecte (dépendant de la saturation progressive de l’ECA et de la disparition de l’angiotensine II) et leur absence d’effets cardiaques fait que leur action est relativement lente à s’installer (de l’ordre de1 à 3 semaines).
Quatre molécules sont actuellement enregistrées en médecine vétérinaire en Europe : l’[[:en:Enalapril|Enalapril]] (''Enacard''®, Mérial ; ''Prilenal''®, CEVA), le [[:en:Benazepril|Benazepril]] (''Fortekor''®, Novartis), le [[Ramipril]] (''Vasotop''®, Intervet) et l’imidapril (''Prilium''®, Vétoquinol).
L’efficacité des IECA a été bien démontrée lors d’insuffisance cardiaque congestive liée à une MVD mais n’est pas aussi clairement prouvée dans les cas de CMD.
Différents essais menés en insuffisance cardiaque asymptomatique ont par contre tous conclu à l’inefficacité des IECA à prolonger le temps avant décompensation où la durée de survie.
 
L’efficacité des IECA a été bien démontrée lors d’insuffisance cardiaque congestive liée à une MVD mais n’est pas aussi clairement prouvée dans les cas de CMD. Différents essais menés en insuffisance cardiaque asymptomatique ont par contre tous conclu à l’inefficacité des IECA à prolonger le temps avant décompensation où la durée de survie.
==== La spironolactone ====
 
==== La spironolactone ====
La [[:en:Spironolactone|Spironolactone]]<ref>Pitt B, Zannad F, Remme WJ, Cody R, Castaigne A, Perez A, Palensky J, Wittes J. The effect of spironolactone on morbidity and mortality in patients with severe heart failure. Randomized Aldactone Evaluation Study Investigators. N. Engl. J. Med. 1999 Sep 2;341(10):709-17.</ref>{{,}}<ref>EMEA. [http://www.emea.europa.eu/vetdocs/vets/Epar/prilactone/prilactone.htm EPAR Prilactone-V-C-105, 20/06/2007]</ref> est un antagoniste des récepteurs de l’aldostérone. Longtemps considérée à tort comme un diurétique, elle est maintenant utilisée pour ses propriétés anti-aldostérone (limitation de la fibrose cardiaque et rénale).
 
En 2010, un étude chez 217 chiens cardiaques<ref>Bernay F., Bland J.M., Häggström J. et al.Efficacy of Spironolactone on Survival in Dogs with Naturally-occurring Mitral Regurgitation Caused by Myxomatous Mitral Valve Disease.Journal of Veterinary Internal Medicine (2010)</ref> a démontré l'efficacité de la spironolactone sur la morbi-mortalité (réduction du risque relatif de 55%). Cependant, la principale limitation de cette étude est le nombre très élevé de chiens n'ayant pas atteint le critère principal d'évaluation; elle ne permet donc pas de calculer une médiane de survie. Deux médicament contenant de la spironolactone (''Prilactone''®, CEVA - "Tempora"®, Sogeval) sont maintenant enregistrés. La spironolactone est recommandée chez les chiens cardiaques atteints d'insuffisance cardiaque congestive due à une maladie valvulaire, en association au traitement standard.
 
==== Les diurétiques ====
Les diurétiques restent actuellement le traitement de choix de la congestion : en favorisant l’élimination de l’eau, ils diminuent la volémie, limitent l’œdème pulmonaire et facilitent le travail du cœur. Cependant, de par la baisse de la volémie, ils contribuent à l’activation du SRAA. Le chef de file des diurétiques utilisés en cardiologie est le [[:en:Furosemide|Furosemide]], diurétique de l’anse, commercialisé en médecine vétérinaire par de nombreux laboratoires. Quelques autres molécules sont plus rarement utilisées, diurétiques de l’anse (bumétanide, torasémide) ou thiazidiques.
 
Les diurétiques restent actuellement le traitement de choix de la congestion : en favorisant l’élimination de l’eau, ils diminuent la volémie, limitent l’œdème pulmonaire et facilitent le travail du cœur. Cependant, de par la baisse de la volémie, ils contribuent à l’activation du SRAA.
Le chef de file des diurétiques utilisés en cardiologie est le [[:en:Furosemide|Furosemide]], diurétique de l’anse, commercialisé en médecine vétérinaire par de nombreux laboratoires. Quelques autres molécules sont plus rarement utilisées, diurétiques de l’anse (bumétanide, torasémide) ou thiazidiques.
Les diurétiques sont utilisés en cas de signes congestifs marqués (œdème pulmonaire, ascite…), à la dose la plus faible nécessaire. Ils représentent une véritable « variable d’ajustement » du traitement de l’insuffisance cardiaque, toujours utilisée en complément d’une thérapeutique de fond, pimobendane ou IECA.
 
==== La digoxine ====
La [[digoxine]] a été très longtemps considérée comme un inotrope positif. En fait, ses propriétés inotropes sont faibles, en particulier chez l’insuffisant cardiaque. La digoxine reste cependant le traitement de choix des arythmies supraventriculaires, en particulier de la fibrillation atriale. Avec l’arrivée du pimobendane et ses réelles propriétés inotropes positives, l’indication de la digoxine s’est d’ailleurs réduite à ces arythmies. La marge thérapeutique de la digoxine est relativement faible et il faudra parfois doser la digoxinémie pour équilibre le traitement.
 
La [[digoxine]] a été très longtemps considérée comme un inotrope positif. En fait, ses propriétés inotropes sont faibles, en particulier chez l’insuffisant cardiaque.
La digoxine reste cependant le traitement de choix des arythmies supraventriculaires, en particulier de la fibrillation atriale. Avec l’arrivée du pimobendane et ses réelles propriétés inotropes positives, l’indication de la digoxine s’est d’ailleurs réduite à ces arythmies.
La marge thérapeutique de la digoxine est relativement faible et il faudra parfois doser la digoxinémie pour équilibre le traitement.
 
=== Insuffisance cardiaque et polythérapie ===
Le principe même du traitement de l’insuffisance cardiaque congestive repose sur une polythérapie raisonnée : un traitement associant des molécules aux propriétés complémentaires assurera un meilleur contrôle de la maladie. Cependant, la multiplication des médicaments entraîne des contraintes multiples pour le propriétaire, de temps, de facilité d’administration et de coût, qui peuvent avoir tendance à faire baisser l’observance du traitement. Le mieux étant l’ennemi du bien, il conviendra donc de choisir les traitements utilisés pour essayer de maximiser l’efficacité en minimisant les contraintes.
 
Le principe même du traitement de l’insuffisance cardiaque congestive repose sur une polythérapie raisonnée : un traitement associant des molécules aux propriétés complémentaires assurera un meilleur contrôle de la maladie. Cependant, la multiplication des médicaments entraîne des contraintes multiples pour le propriétaire, de temps, de facilité d’administration et de coût, qui peuvent avoir tendance à faire baisser l’observance du traitement.
Le mieux étant l’ennemi du bien, il conviendra donc de choisir les traitements utilisés pour essayer de maximiser l’efficacité en minimisant les contraintes.
 
Le Collège Américain de Médecine Interne (ACVIM) a publié en septembre 2009 son Consensus sur la prise en charge et le traitement de la Maladie Valvulaire Dégénérative chez le chien<ref name="ACVIM">Atkins C. et al. ACVIM Consensus Statement: Guidelines for the Diagnosis and Treatment of Canine Chronic Valvular Heart Disease. J Vet Intern Med 2009; 23:1142–1150 </ref> et confirme ces principes :
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===Doit-on traiter les stades asymptomatiques ?===
 
C’est une question qui revient souvent et qui repose sur des bases physiopathologiques : lors de cardiopathie, on sait maintenant que la fonction systolique est altérée précocement et que c’est la stimulation des mécanismes compensateurs qui permet d’éviter pendant un temps l’apparition de symptômes congestifs. Il peut donc paraître judicieux d’essayer d’intervenir avant la décompensation (en stade 1) pour soutenir la fonction systolique et limiter les mécanismes compensatoires, en espérant donc avoir un bénéfice d’une part sur le temps jusqu’à la décompensation (en la retardant) et d’autre part sur la survie globale.
 
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* un abstract, présenté par A. Vollmar au congrès de l'ACVIM 2012 <ref>Vollmar AC et al. Comparison of pimobendan, benazepril or methyldigoxin monotherapy in Irish Wolfhounds with occult DCM or AF: a prospective, randomised, blinder, controlled 10-year-study. ACVIM 2012</ref>, semble indiquer également l'intérêt du pimobendane pour augmenter le temps avant décompensation ou mort subite chez l'Irish Wolfhound atteint de DCM occulte).
Au vu de ces différentes études, on peut donc raisonnablement conseiller, en l'absence d'AMM spécifique, l'utilisation du pimobendane en première intention chez les chiens atteints de CMD occulte.
 
== Pour en savoir plus ==
* Bomassi E. Vade-mecum de cardiologie vétérinaire. Med’Com, Paris, 2001. 145 p.
* Bomassi E. Guide pratique de cardiologie vétérinaire. Med’Com, Paris, 2004. 255 p.
* Chetboul V, Lefebvre HP, Tessier-Vetzel D, Pouchelon JL. Thérapeutique cardiovasculaire du chien et du chat. Masson, Paris, 2004. 229 p.
* [http://www.vetgo.com/cardio/index.php VetGo Cardiology]
* [[:de:Pimobendan|Pimobendan]]
 
== Références bibliographiques ==
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{{reflist}} <!-- aide : http://fr.wikipedia.org/wiki/Aide:Notes et références -->
{{Portail|médecine|chiens|zoologie}}
 
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