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=== Période tunisienne (1904 - 1914) ===
 
Après des débuts très modestes dans une maison située tout près de la Grande Mosquée au 7, rue des Tamis, Lehnert & Landrock ont ouvert un studio au 17, avenue de France en 1907. Leur succès international à partir de 1910 leur permit d'ouvrir un autre magasin, plus important, dans l'ancien studio du photographe [[J. André Garrigues]] au 9, avenue de France. La Première Guerre mondiale entraîneentraîna la fermeture du studio et un séquestre sur les biens personnels des deux associés. Accusé d'espionnage, Lehnert fut emprisonné en Corse puis en Algérie. En 1916, il put enfin rejoindre la Suisse, où se trouvait déjà Landrock depuis le début de la guerre, à titre de réfugié sanitaire. Il s'y maria avec une jeune femme d'origine alsacienne, Jenny Schmidt.
 
=== Période allemande (1919 - 1924) - Orient Kunst Verlag, Leipzig ===
 
Après leur libération, tandis que Landrock rééditait les vues du [[Maghreb]] depuis Leipzig, Lehnert devint citoyen tchécoslovaque en 1919 et réussit à faire lever le séquestre à Tunis après un séjour de deux ans (1920 - 1922). Malgré son attachement à la Tunisiede, Lehnert décida de commencer une nouvelle carrière dans une Égypte politiquement stabilisée et bénéficiant alors des retombées médiatiques et touristiques de la découverte de la tombe de Toutânkhamon.
 
=== Période égyptienne (1924 - 1930) - Lehnert et Landrock, Cairo ===
 
Après un début comme grossistes qui se heurta à une très forte concurrence locale, Lehnert et Landrock évitèrent de peu la faillite, puis ouvrirent un magasin de détail et se concentrèrent sur le marché local avec les [[carte postales]] du Maghreb, d'Égypte et de Palestine.
 
=== Seconde période tunisienne (1930 - 1939) - Rudolf Lehnert seul, Tunis et Carthage ===
 
Après une demande de nationalité française déposée en 1929 et obtenue en 1931 et le rachat de ses droits par son associé dans des conditions qui entraînèrent une brouille définitive entre les deux hommes, Lehnert revint à Tunis pour renouer avec son activité de [[portrait]]iste. D'abord installé dans un studio-appartement 22, rue d'Italie, il ouvrit un studio dans le tout récent complexe du Colisée, avenue Jules-Ferry, et s'installa dans une maison qu'il fit construire à Sainte-Monique, face à la colline de Sidi Bou Saïd. Considéré d'ailleurs comme « le » photographe de Sidi Bou Said, dont plusieurs photographies parurent dans la revue ''Tunisie'', il prit sa retraite en 1939 et, devenu veuf, termina sa vie auprès de sa fille dans la petite ville de Redeyef où son gendre avait été nommé directeur en chef de l'hôpital des mines de phosphates. Il y décéda le 16 janvier 1948 et fut inhumé ultérieurement auprès de son épouse, le 20 octobre 1949 au cimetière de Carthage.
 
== L'œuvre photographique et sa diffusion ==
 
Après avoir été oublié pendant près d'un demi-siècle, Rudolf Lehnert est aujourd'hui mondialement reconnu pour ses vues d'Afrique du Nord (Algérie, Tunisie), ses paysages sahariens et ses scènes de genre, ainsi que pour de remarquables portraits et des études académiques orientales « révélant » la sensualité de « l'Orient », imaginaire jusqu'alors surtout exploité par les peintres et les écrivains [[orientalistes]].
 
Les photographies de la période égyptienne sont davantage « documentaires », la production se résumant surtout à l'édition de cartes postales sur les sites de l'Égypte pharaonique et les quartiers du Caire moderne. De belles réussites se trouvent cependant dans les vues du vieux Caire ou de Jérusalem. Une série moins connue d'héliogravures et decartes postales concerne l'Italie et une autre plus rare la Tripolitaine-Libye. Enfin, des photos pour des albums de croisière illustrent la plupart des grandes escales méditerranéennes, hors du Maroc. On y trouve en particulier quelques photos de Nice, de Marseille et de la Corse.
L'œuvre de Lehnert a été très abondamment diffusée, tant en superbes tirages photographiques au bromure et en héliogravures sépia qu'en chromolithographies et multiples séries de cartes postales. Elle se trouve en cela au carrefour du [[pictorialisme]], de l'art nouveau et de la reproduction quasi industrielle. Elle a également été reproduite dans des ouvrages de nature très variée : revues et livres d'art, guides touristiques, encyclopédies, études ethnographiques, livres d'inspiration coloniale et parfois même racistes, etc.
 
Jadis mondialement diffusée, l'œuvre de Rudolf Lehnert était tombée dans l'oubli jusqu'à sa redécouverte dans les années 1980 avec le dépôt au [[Musée de l'Élysée]] à [[Lausanne]] des plaques de verre exhumées d'un placard du magasin Lehnert & Landrock qui existe toujours au Caire. Ce magasin est dirigé depuis 1939 par la famille Lambelet, héritière directe par alliance d'Ernst Landrock, suite à la vente définitive à son profit survenu en 1954. Une exposition Lehnert & Landrock a été consacrée en 2006 en plein centre de la médina de Tunis tandis que l'œuvre égyptienne, dont sont exclues les photographies de [[nu]] réalisées au Maghreb, fait partie du patrimoine historique de ce pays.
 
== Problématique ==
 
L'œuvre de Rudolf Lehnert et de Landrock est l'exemple le plus emblématique de la photographie orientaliste car elle est la seule qui regroupe toutes les composantes de ce courant. Elle se trouve donc aujourd'hui au centre de tous les questions : art et commerce, orientalisme et colonialisme, photographie et carte postale, ethnographie et [[pictorialisme]], représentation de la [[femme]] et du corps nu en pays musulman, illustration de la pédérastie et de l'homosexualité au Maghreb, évocation de l'esclavage, photographies (confidentielles) de bondage, etc. Ses mises en scènes très élaborées sont jugées entièrement factices par les uns alors que d'autres y voient, au contraire, la recherche d'une vérité au-delà des simples apparences, peut-être sous l'influence de la théosophie et de [[w:Rudolf Steiner|Rudolf Steiner]], vu l'intérêt attesté de Lehnert pour la [[photographie transcendantale]]. La problématique de cette œuvre concerne donc les conditions historiques de sa réalisation, les thèmes abordés, les moyens de diffusion et ses caractéristiques tant esthétiques qu'informatives.
 
Un débat s'est récemment instauré autour de la publication de photographies de nus inédites et de l'identification d'une carte postale « Lehnert & Landrock » d'un éphèbe tunisien légendée ''Mohamed"'' (carte n° 106) comme matrice de posters édités et diffusés en Iran depuis les années 1990 pour représenter le Prophète Mahomet à visage découvert dans son adolescence. À la suite des expositions ''L'Image révélée'' à Tunis (2006) et ''Controverses'' à Lausanne (2008) et Paris (2009), l'œuvre de Lehnert & Landrock est ainsi devenue le support privilégié pour savoir en quoi la subjectivité de ces photographies peut traduire une quelconque réalité en Orient et pour une interrogation qui la dépasse au moins autant et qui concerne le droit à l'image dans des pays anciennement colonisés. Parallèlement à ces questions, une recherche biographique sur le photographe et son associé a lieu depuis 2005 pour tenter d'apporter de nouvelles pistes de compréhension et d'interprétation.
 
En France et dans le monde, si l'on excepte des expositions dans des galeries privées et l'exposition de Tunis en 2006, aucune rétrospective publique n'a encore présenté des tirages originaux. Il ne s'agissait en effet que de retirages modernes d'après les plaques conservées à la Fondation de l'Élysée à Lausanne, à l'image des premières expositions organisées dans les FNAC en 1986 et dont, pour l'Égypte, il est désormais prouvé que Lehnert ne fut pas toujours l'auteur.
 
== Bibliographie ==
 
* CARDINAL, Philippe .- Lehnert et Landrock - L'orient d'un photographe .- Lausanne, Favre, novembre 1987 ISBN 2-82890-321-4