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Nous pouvons nous faire une idée plus précise de la signification des composants du mot grec « philosophia » simplement en consultant un dictionnaire, bien que tous les sens ne nous serviront sans doute pas. Le verbe ''philein'' a ainsi le sens de ''donner un baiser'' et ''avoir coutume''. Si l'on considère les mot composés de la racine ''phil-'', on trouve que les sens suivants peuvent apparaître en fonction du suffixe : ami, amitié, passion, plaisir, se plaire à, bienveillance (être amical), servir, accueillir (par exemple un étranger). D'autre part, le verbe ''philosophein'' signifie ''chercher la culture, philosopher, être philosophe, étudier à fond, méditer.'' Et le mot ''philosophia'' signifie de même ''recherche de la culture'', ''étude profonde''.
[[Image:Sanzio 01 Pythagoras.jpg|thumb|200px|Pythagore, détail de ''l'École d'Athènes'' de Raphaël, 1509]]
On attribue l'invention du mot grec ''philosophe'' à [[ws:Auteur:Pythagore|Pythagore]], un philosophe et scientifique grec du VI{{e}} siècle avt. J.C. Pythagore refusait de se considérer lui-même comme un sage (''sophos''), car la possession de la connaissance est un privilège des dieux. Il préférait plus modestement être appelé « amoureux ou ami de la connaissance » (''philosophos''), c'est-à-dire amoureux des réalités divines. Avant Pythagore, on appelait ''sophoi'' ceux qui cherchaient à connaître les réalités divines et humaines, sans que ce mot soit péjoratif. À l'origine, on a donc d'un côté ceux que l'on appelle les sages (Thalès de Milet, etc.) et de l'autre ceux qui furent appelés philosophes.
 
Le mot ''sophiste'' a pris ensuite un autre sens, par opposition à la signification du mot « philosophe ». Le philosophe s'oppose en effet au sophiste, au sens péjoratif que lui a donné [[ws:Auteur:Platon|Platon]] : pour ce dernier, le sophiste est un marchand de connaissances frelatées, un faux-monnayeur qui prétend détenir la ''sophia,'' mais qui n'en possède que l'apparence.
 
La philosophie, d'après cette étymologie, n'est pas seulement ''l'amour de la connaissance, de la sagesse, du savoir'', c'est-à-dire une « recherche de la sagesse ou de la connaissance », c'est aussi une activité par laquelle on cultive les facultés de son esprit. Mais ces deux sens sont équivalents puisque la perfection d'une faculté comme la raison dépend de la recherche du savoir. Cette recherche s'oppose à l'érudition. La [[Philosophie/Culture|culture]] est en effet une éducation de l'esprit tournée vers la mesure et la droiture du jugement. L'érudition est au contraire (selon l'expression de [[w:Kant|Kant]]) l'intempérance de l'esprit : on apprend au hasard des rencontres et l'on mémorise un grand nombre de choses, mais l'on ne se forme pas l'esprit parce que l'on ne fait pas de tri dans ce que l'on apprend, tri qui suppose justement d'exercer son jugement. L'amour de la sagesse n'est donc pas l'étude de l'histoire de la philosophie (ce que un tel a pensé à telle époque), mais l'exercice de l'esprit au contact de certaines réalités. Il n'est bien sûr pas paradoxal d'affirmer que l'esprit peut se développer au contact de l'histoire, si ce contact ne se réduit pas à une accumulation stérile de connaissances.
 
Platon a analysé ce sens d'amour/recherche, c'est-à-dire de [[Philosophie/Désir|désir]], en en faisant le mobile de l'activité même de philosopher (cet érotisme de la philosophie est ainsi le sujet du ''[[s:Le Banquet (Platon)|Banquet]]''). En ce sens, Platon est le véritable inventeur de la philosophie, puisqu'il est le premier à en fournir une définition et une théorisation approfondie. Pour Platon, le désir naturel nous excite à la recherche de la beauté, et, en premier lieu, la beauté qui se trouve dans les choses sensibles, en particulier dans les beaux corps. Mais ce désir est finalement déçu par l'inconsistance de ses objets : celle-ci lui fait sentir la vacuité du devenir et l'impossibilité d'y trouver une satisfaction complète. Nous sommes alors portés à désirer des biens d'un autre ordre, des biens véritables, véritables objets de nos désirs, dont le monde sensible n'est qu'un reflet ou une manière d'être. Bien après Platon, [[ws:Auteur:Baruch Spinoza|Spinoza]] a écrit à ce sujet, dans son ''[[s:Traité de la réforme de l'entendement|Traité de la réforme de l'entendement]]'' (§1.) :
:« Quand l'expérience m'eut appris que tous les événements ordinaires de la vie sont vains et futiles, voyant que tout ce qui était pour moi cause ou objet de crainte ne contenait rien de bon ni de mauvais en soi, mais dans la seule mesure où l'âme en était émue, je me décidai en fin de compte à rechercher s'il n'existait pas un bien véritable et qui pût se communiquer, quelque chose enfin dont la découverte et l'acquisition me procurerait pour l'éternité la jouissance d'une joie suprême et incessante. »