« États généraux du multilinguisme dans les outre-mer/Discours/Cérémonie de clôture » : différence entre les versions
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==Discours de Monsieur Frédéric Mitterrand, Ministre de la Culture et de la Communication==
Vendredi 16 décembre 2011, 18h,
Monsieur le Préfet de la région Guyane, cher Denis Labbé,
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Monsieur le Vice-Président de la Région Guyane, cher Jocelyn Ho-Tin-Hoe,
Madame le Recteur de
Mesdames et Messieurs les élus, qui nous faites l’amitié d’être parmi nous ce soir,
Monsieur le Commissaire général de l'année des
Monsieur le Délégué général à la langue française et aux langues de France, cher Xavier North,
Monsieur le Directeur des
Et vous tous, chers amis, rassemblés autour des jeunes guyanais et des artistes dont vous avez voulu faire ce soir vos porte-parole,
En répondant nombreux à notre invitation - vous qui venez de tous les territoires ultramarins de la République – en acceptant de confronter vos expériences, vos convictions, vos expertises, pour jeter avec nous les bases d’une nouvelle politique des langues, vous avez fait de Cayenne, pendant trois jours, la capitale des
Ces rencontres de Cayenne marquent d’abord, me semble-t-il, un aboutissement, que je tiens à saluer au nom du Gouvernement.
Avec Daniel Maximin, nous étions avant-hier soir à la [[w:Cinémathèque française|Cinémathèque française]], à Paris, pour inaugurer le cycle de cinéma « Images des
Pourquoi parler d'anachronisme ?
Parce que je suis fondamentalement persuadé que les
Lorsque la France se revendique de la notion de diversité culturelle dans les enceintes internationales, ses représentants s'entendent souvent dire, vous me pardonnerez l'expression, qu’ils devraient commencer par « aller faire le ménage chez eux ». Ces critiques n'ont peut-être pas toujours tort.
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Le vent de l'histoire nous aura laissé son cortège de blessures. La blessure de la traite, des oppressions de tous genres, des discriminations. Il nous aura laissé également en héritage l'attachement à la République. Aujourd'hui, la diversité culturelle est devenue une valeur : que de chemin, en effet, parcouru en quelques décennies… Pour autant les cultures ultramarines souffrent encore d'un manque de visibilité et de reconnaissance dans notre République. C'est ce « déficit » qui fait par exemple que le cinéma ultramarin sera resté longtemps à l’état de promesse. C'est ce à quoi des personnalités comme [[w:Euzhan Palcy|Euzhan Palcy]] et tant d’autres s'attellent, [[w:Raoul Peck|Raoul Peck]] également qui dirige la [[w:FEMIS|FEMIS]], et qui nous apporte toute la richesse de sa perspective haïtienne sur la question.
J'ai voulu sur tous les fronts faire des cultures ultramarines une priorité de mon action à la tête du ministère de la Culture et de la Communication. C’est dans cet esprit que j’ai lancé, voilà plus d’un an, un plan d’action pour
Remédier au déficit d'images, ce n'est pas se contenter des symboles. Ceux-ci sont importants, voire essentiels, comme la cérémonie en l'honneur d'[[w:Aimé Césaire|Aimé Césaire]] au [[w:Panthéon|Panthéon]], auquel le président de la République a rendu hommage. Je pense également à toutes les formes de reconnaissance publique données aux artistes ultramarins, ou encore au classement du [[w:maloya|maloya]] au [[w:patrimoine immatériel|patrimoine immatériel]] par l'[[w:Unesco|Unesco]] : dans le domaine de la reconnaissance, on ne fera jamais assez. Ce sont autant de marques d'attachement à l’une des composantes essentielles de nos identités culturelles.
Les symboles, bien sûr, ne suffisent pas.
Lors de mes déplacements en
Dans le domaine du patrimoine, par exemple, les chantiers sont nombreux. Lorsque j’ai créé en septembre dernier le label des « [[w:Maisons des Illustres|Maisons des Illustres]] », qui met en réseau 111 lieux dans lesquels s'inscrit la mémoire des grandes figures des lettres, des sciences, de notre vie politique, sur l'ensemble des territoires français, j’ai veillé à ce que
Les enjeux patrimoniaux, ce sont aussi des projets comme celui de transformer, à Mayotte, le palais du Gouverneur en un musée de la culture et de l'histoire mahoraise, dont l’île a tant besoin. Stéphane Martin, le président du Musée du Quai Branly, m'a beaucoup aidé à définir les grandes lignes de ce projet.
Mieux prendre en compte les
Sur tous ces chantiers, je crois que nous avons atteint un point de non-retour, et ces dynamiques pourront être relayées d’ici peu par l'agence nationale de promotion des cultures ultramarines, dont je puis vous annoncer aujourd’hui le lancement officiel, par mon ministère et celui de
Aujourd'hui, c'est par les langues que nous terminons ce formidable coup de projecteur qu'aura été l'Année des
J'ai tenu également à ce que vos rencontres se tiennent ici, en Guyane.
Tout d'abord parce que les collectivités territoriales de Guyane - le conseil régional et son président Rodolphe Alexandre - sont fortement engagées dans un travail particulièrement nécessaire de reconnaissance des cultures dans leur diversité, en même temps que de décloisonnement des communautés. Nous avons développé des projets communs auxquels je suis particulièrement attaché, je pense à ce cœur culturel que l’ancien hôpital Jean-Martial, où je me rendrai demain avec Alain Tien-Liong, président du conseil général, et Rodolphe Alexandre, pourra représenter pour la création et la mémoire en Guyane, pour la recherche aussi, notamment dans le domaine linguistique et des traditions orales, ainsi que de la culture immatérielle. Nous allons également signer demain quatre conventions entre l’État et les collectivités territoriales guyanaises : une convention-cadre de développement culturel avec la Région, une autre entre cette dernière et le Centre national du cinéma et de l’image animée, une convention de développement culturel territorial avec Saint-Laurent-du-Maroni, et une convention « territoire et lecture » avec Maripasoula.
Parmi les raisons d’organiser à Cayenne les États généraux du Multilinguisme dans les
Ici, à Cayenne, pendant 3 jours, ce sont plus de 250 personnes venues des quatre continents qui se sont réunis. Chercheurs, enseignants, acteurs culturels, beaucoup d'entre vous œuvrent au quotidien à faire vivre ces quelque cinquante langues de France.
Venus des Antilles, de la Réunion, de Mayotte, de la Nouvelle-Calédonie - qui détient le record de la diversité linguistique des
Je tiens à saluer très chaleureusement la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, M. Xavier North et ses équipes, pour leur engagement remarquable, pour leur travail patiemment construit, bien en amont, par des réunions préparatoires, en Nouvelle-Calédonie, à la Réunion, aux Antilles, et bien sûr ici même, avec la complicité et le dévouement de mon ami Michel Colardelle, le Directeur des affaires culturelles de Guyane, et de son équipe, qui mènent ici en Guyane une action essentielle – et je crois que les représentants des collectivités territoriales n'en disconviendront pas. Rassembler des chercheurs, des linguistes, des responsables d’associations culturelles, des enseignants, des traducteurs ou des artistes, venus de trois océans pour dialoguer avec leurs homologues guyanais, n’était pas un mince défi. Ce dernier a pu également être relevé grâce au concours que leur ont apporté la région Guyane, le CNES, le Fonds social européen et - puisque cette soirée est retransmise en direct par la télévision – la chaîne Guyane Première, et je voudrais que nous leur témoignions ce soir notre reconnaissance.
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Je voudrais également remercier Florence Gendrier, Michel Alessio et Valelia Muni Toke, non seulement pour leur travail acharné auprès de Xavier North, mais aussi pour leur coordination du très beau numéro de Culture et Recherche, revue de mon ministère, pour un numéro qui rappelle, et je crois sans présomption, les meilleures heures du Courrier de l'Unesco.
Dans des pays où, à l’exception de Saint-Pierre-et-Miquelon, la langue française n’est pas la langue maternelle de la majorité de la population, les vieux clivages entre jacobins et girondins n'ont plus guère de sens. Les
Vous vous êtes penchés, pendant ces trois jours, sur tous les domaines où vous partagez la même conviction : l’équilibre des langues doit faire l’objet d’une démarche volontariste, pour une transformation du regard, pour une transformation pragmatique aussi. Cette conviction, je la partage pleinement avec vous.
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Vous vous êtes également penchés sur la place des langues ultramarines dans la vie culturelle et dans les médias. Notre patrimoine linguistique, à l’évidence, trouve son meilleur avocat dans sa mise en valeur par la création. Je pense aux passerelles multiples qui ne demandent qu’à être encore plus développées entre le spectacle vivant et le patrimoine immatériel – qu’il s’agisse du théâtre caribéen, du deba de Mayotte, du maloya à La Réunion. J'ai eu le plaisir de recevoir il y a un an Christine Salem et ses musiciens à mon ministère pour l’édition 2010 de la Fête de la Musique, à l'occasion de l'inscription du maloya sur la liste du patrimoine immatériel. Je pense aussi à tout le talent qui est investi dans l'organisation de festivals comme Transamazoniennes, qui fait tant, en Guyane, pour la renaissance des cultures bushinengé et amérindiennes. Je pense aux traditions orales, aux contes de l'enfance, à l'art oratoire tahitien… Les exemples abondent de cette extraordinaire richesse verbale, orale, onirique, sur laquelle il faut veiller, pour la préserver, pour la mettre au mieux en valeur, sans la dénaturer.
Dans le domaine du cinéma que j’ai brièvement évoqué, la baisse considérable des coûts rend la production et la réalisation beaucoup plus accessible qu'il y a trente ou quarante ans, où seuls quelques fous géniaux se jetaient à l'eau. Aujourd'hui, c'est toute une nouvelle génération de jeunes cinéastes qui émerge dans les
La promotion des langues ultramarines, c'est aussi évidemment la télévision. J'ai veillé à ce que figurent bien, dans le contrat d'objectif et de moyens de France Télévisions pour la période 2011-2015, des objectifs ambitieux et évaluables pour les Outre-mer Premières. Comme vous le savez, le passage à la TNT a permis d’enrichir largement l’offre de télévision en
Dans tous les domaines du multilinguisme ultramarin, vous avez fourni, durant trois jours, un travail considérable, dont je tiens tout d’abord à vous remercier chaleureusement. J’examinerai avec une attention toute particulière le relevé de conclusions auquel ont abouti ces États généraux, et dont une synthèse vient de nous être présentée. Je voudrais saluer d'abord le nombre et la qualité des recommandations produites dans les ateliers et en séance plénière. Ils témoignent à la fois d'un long travail de préparation « en amont », et d’un engagement que vous partagez dans l’ensemble des
Vous n'avez laissé de côté aucun domaine de développement ou de mise en valeur du multilinguisme ultramarin. Pour n'aborder qu'un seul sujet, au titre des langues dans la vie sociale en général, il convient de rappeler, comme vous le faites, que rien ne s'oppose à leur emploi, dès lors que celui-ci est assorti d'une version en langue française qui, seule, a valeur juridique. Cette possibilité d'expression est encore trop méconnue. Or elle est ouverte à tous, y compris aux services publics et aux administrations, particulièrement à l'échelon des collectivités territoriales. Il y a là un moyen formidable pour assurer la visibilité et, dirais-je, la légitimation des langues de France. La publication bilingue, par une commune, de la revue municipale, ou de textes émanant du conseil municipal, l'adoption des formes correctes et traditionnelles des noms de lieu, conjointement aux formes officielles qui s'en écartent parfois : autant de moyens de promotion du multilinguisme ultramarin sur lesquels les collectivités locales pourraient s’engager si elles le désire, et qui peuvent bénéficier de l’appui de l’État.
En matière de langues régionales, il faut le rappeler, l'article 75-1 de la Constitution, adopté en 2008, a introduit, par son inscription au Titre XII consacré aux collectivités territoriales, un principe de responsabilité partagée entre ces dernières et l'État. C'est tout un espace de concertation et de collaboration inédites qui s'ouvre, et qui doit prospérer. Nous avons déjà engagé un dialogue fructueux avec plusieurs régions de l'Hexagone autour de projets de développement linguistique. Il va sans dire que l'
Les idées que vous avez débattues, dont beaucoup relèvent d’un cadre interministériel, m’ont paru d'une grande pertinence, et j'ai bien entendu votre message ; il ne restera pas sans suite. Je ferai part à mes collègues du Gouvernement, parmi les mesures susceptibles d'être prises, de celles qui intéressent directement leur domaine d'intervention. Je me réjouis, à cet égard, de voir que de nombreux agents de l'Éducation nationale, à tous les niveaux de l'Administration, ont pris une part active aux « États généraux ». Je vous prie, Madame le Recteur, de les en remercier. Nous œuvrons dans le même sens : une collaboration avec les services de la Culture est indispensable à toute avancée sur la voie que nous traçons ensemble. Une demande est remontée très fortement au cours des ateliers de ces États généraux : celle d’adapter pour les
Enfin, comment ne pas souhaiter que l’histoire des arts réserve une place accrue aux monuments et aux expressions artistiques propres aux territoires ultramarins concernés ? Est-on bien sûr que les élèves, tous les élèves, quelle qu’en soit l’origine, sont initiés aux grandes dates de l’histoire de leur territoire ?
Dans mon propre champ de compétences, plusieurs mesures peuvent d'ores et déjà être envisagées. Je veux qu'elles se réalisent concrètement. Vous avez notamment insisté sur le fait que les langues d'
C’est pourquoi je demande d’ores et déjà aux musées relevant de la tutelle du ministère de la Culture de prévoir désormais des cartels et une signalisation qui informent le public dans la ou les langue(s) régionale(s) en usage dans le territoire d'implantation, et de prévoir des visites de conférenciers dans cette ou ces langue(s). Il me semble que les villes ayant le label « ville d’art et d’histoire » pourraient en faire autant, comme c’est déjà le cas à Saint-Laurent-du-Maroni.
Dans le champ du spectacle vivant, des dispositifs spécifiques pourraient être mis en place pour aider les pratiques d’amateurs ayant recours aux langues de
La lecture publique appelle un effort particulier. J’ai bien conscience que les langues parlées
La remarque vaut également pour les industries culturelles et pour les médias. Comme vous savez, s'agissant des services de radio, la loi autorise d’ores et déjà à comptabiliser les chansons en langues régionales au titre des quotas dévolus aux chansons d’expression francophone. Cette possibilité est insuffisamment exploitée. Quant aux dispositifs d'aide financière dont bénéficient les médias écrits et audiovisuels en français, ils doivent être également ouverts aux médias qui utilisent les langues régionales : compte de soutien à l'industrie des programmes cinématographiques et audiovisuels, fonds de soutien à l'expression radiophonique, etc. Je donnerai à ce propos des instructions fermes aux dirigeants de l’audiovisuel public – dispositions qui sont d’ailleurs inscrites d’ores et déjà dans leurs contrats d’objectifs et de moyens.
Et puisque nous sommes en Guyane – mais le propos pourrait être étendu à plusieurs autres territoires -, permettez-moi de revenir sur le pôle linguistique et du patrimoine immatériel : après l’étude Tertius qui a été réalisée à l’initiative de la Direction des affaires culturelles, et des demandes que vous avez vous-mêmes exprimées avec force hier et aujourd’hui, je m’engage à saisir le président du Conseil
Beaucoup d’autres initiatives sont possibles, et je compte sur vous pour m’en suggérer. Je pense aux traductions vers les langues ultramarines dans les sites internet des directions des affaires culturelles des
Le multilinguisme ultramarin constitue à mes yeux un axe fondamental de développement des territoires, au croisement des pratiques culturelles, des usages sociaux, des engagements politiques. À chaque fois que les collectivités voudront s’en saisir, je m’engage à ce que l’État soit là pour les appuyer, en prenant en compte la spécificité et la complexité de chaque configuration. C'est tout le sens de l'exigence que vous vous êtes fixée pendant ces trois jours : mettre en commun des convictions communes tout en gardant le cap du pragmatisme dans les mesures que vous proposez, afin de définir des coexistences efficientes, où le respect a évidemment toute sa place.
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