« Philosophie/Liberté » : différence entre les versions

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La question de la liberté peut être considérée comme la question [[métaphysique]] par excellence dans la mesure où elle concerne le statut de l'[[homme]] au sein de la [[nature]]. La liberté qualifie en effet la relation de l'homme en tant qu'agent et du [[monde]] [[Philosophie/Physique|physique]], relation notamment considérée dans son rapport à un déterminisme supposé ou réel. Cette question concerne donc particulièrement l'immanence et la transcendance de la volonté humaine par rapport au monde.
 
La liberté s'oppose en général (ce n'est donc pas toujours le cas) au [[déterminisme]], au [[fatalisme]] et à toute doctrine qui soutient la thèse de la nécessité du devenir. Le concept de liberté divise très schématiquement les philosophes en deux camps : ceux qui en font le fondement de l'action et de la morale humaines ([[Philosophie/Épicure|Épicure]], [[Descartes]], [[Kant]]), et ceux qui nient une quelconque transcendance de la volonté par rapport à des déterminismes telle que la sensibilité ([[Démocrite]], [[Spinoza]], [[Introduction à la pensée de Friedrich Philosophie/Nietzsche|Nietzsche]]) :
:''Il existait deux opinions sur lesquelles se partageaient les anciens philosophes, les uns pensant que tout se produit par le destin, en sorte que ce destin apportait la force de la nécessité (Démocrite, Héraclite, Empédocle, Aristote étaient de cet avis), les autres pour qui les mouvements volontaires de l’âme existaient sans aucune intervention du destin ; Chrysipe, en position d’arbitre officieux, me paraît avoir choisi la position intermédiaire ; mais ils se rattache plutôt à ceux qui veulent voir les mouvements de l’âme libérés de la nécessité.'' ([[Cicéron]], ''Du destin,'' §39).
 
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Ces deux critiques mettent en lumière plusieurs points importants. En premier lieu, la liberté ne peut se réduire à l'indépendance par rapport au [[monde]] extérieur ; il faut également une autonomie intérieure réelle par laquelle nous nous donnons volontairement des règles d'actions. Ainsi, alors que l'indépendance concerne les causes externes (définissant ce que je ''peux''), l'autonomie concerne les causes qui sont la source de la [[volonté]] (définissant ce que je ''veux''). La réflexion philosophique intériorise le problème et cherche à en trouver les conditions internes, en niant que la liberté soit dépendante en quoique ce soit du monde extérieur.
 
En second lieu, il n'est pas certain que tout lien soit contraire à l'indépendance. Être ''relié'' n'est pas toujours négatif, car l'intersubjectivité est peut-être plus fondamentale que l'indépendance du moi, dans la mesure où le moi est relation aux autres. Ainsi, pour [[Introduction à la pensée de Friedrich Philosophie/Nietzsche|Friedrich Nietzsche]] (et de même pour [[Hegel]]), le ''toi'' est antérieur au ''moi''. Il ne semble donc pas possible de concevoir une liberté indépendance comme un état monadique, où l'[[individu]] serait une totalité fermée, atome qui n'aurait que des relations qui lui seraient externes ou étrangères. Les relations humaines seraient donc plutôt à la fois des sources de conflits et d'aliénation, et des conditions de liberté sociale et [[Philosophie/Politique|politique]].
 
=== Les sens philosophiques fondamentaux du mot "liberté" ===
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Le [[christianisme]] vient ensuite modifier cette conception, avec l'idée d'un [[dieu]] qui est volonté et qui crée, l'idée d'un dieu artisan (cf. [[Paul de Tarse]]). Cette idée de l'artisan se rencontre déjà chez [[Philosophie/Platon|Platon]], mais ce n'est pas une conception créationnist : la [[théologie]] antique fait plutôt de Dieu un intellect non impliqué dans la création de la matière, même s'il peut y être engagé, par exemple pour y mettre de l'ordre. L'action va donc prendre de la valeur, ou changer de valeur, dans la mesure où le libre arbitre est maintenat métaphysiquement valorisé : cette valorisation a une origine [[Philosophie/Morale|morale]], en particulier pour l'explication du [[péché]]. Le prix à payer de la [[théodicée]] (pour conserver la [[volonté]] juste de Dieu), c'est la malédiction de la liberté humaine, qui fait de l'homme un coupable par [[nature]].
 
Le ''liberum arbitrium'' chrétien apparaît nettement chez [[Augustin d'Hippone]] (''De Libero arbitrio''). Sa finalité était de fonder une théodicée ; ce concept permet en effet de disculper Dieu de la responsabilité du mal (c'est là l'invention de l'intériorisation du péché dénoncée par [[Introduction à la pensée de Friedrich Philosophie/Nietzsche|Friedrich Nietzsche]]). La motivation est donc théologique et non anthropologique. Par la suite, le libre-arbitre deviendra un trait fondamental de l'anthropologie de [[Thomas d'Aquin]].
 
On voit, par ce bref historique, que le problème de la liberté en [[Occident]] n'est pas séparable de l'[[histoire]] du [[concept]] de Dieu. Ceci est encore valable même au [[XXe siècle|XX<sup>e</sup> siècle]], chez [[Sartre]] par exemple (voir plus bas), lorsqu'il renverse le rapport de l'[[essence]] et de l'[[Philosophie/Existence et temps|existence]].
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Cette difficulté peut être contournée de plusieurs manières :
*on peut nier le problème, en disant que la liberté n'existe pas. Le problème ne se pose donc pas, puisque dans cette perspective, il ne s'agit que d'un non sens métaphysique. Cette première solution implique que l'on réduise la [[volonté]] à une causalité naturelle, ou qu'on la nie ; par exemple, pour [[Introduction à la pensée de Friedrich Philosophie/Nietzsche|Friedrich Nietzsche]], il n'y a ni volonté ni non volonté, mais notre [[action]] n'est qu'une résultante de processus physiologiques.
*mais on peut chercher à la sauver en en faisant un être transcendant l'expérience et une condition de cette expérience. Cette seconde solution paraît contradictoire : en faisant de la liberté un [[être]] transcendant, ne retire-t-on pas en fait à l'homme toute liberté en la situant au-delà de son expérience, bien qu'elle soit pensée comme une condition ? Elle semble inintelligible et l'on risque de ne plus savoir si l'on est libre ou non. La liberté, dans ce cas, peut faire l'objet d'une foi rationnelle, dans la mesure où nous jugeons qu'elle est une nécessité morale, et qu'on ne saurait s'en passer sans refuser du même coup toute dignité à l'homme. La liberté pourrait ainsi être comprise comme une illusion transcendantale, i. e. comme un concept de la raison que cette dernière ne peut pas ne pas penser, bien qu'aucun objet et aucune action ne viennent (et ne puissent) confirmer son existence.