« Philosophie/Thalès de Milet/Tannery » : différence entre les versions

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A côté des mercenaires et des commerçants arrivent de nombreux émigrants qui fondent de véritables colonies. Des Milésiens viennent avec trente navires et établissent un comptoir fortifié. II y a bientôt dans le Delta une caste formée par les interprètes. L'invasion pacifique s'étend sur l'Egypte entière ; il y a des Milésiens dans l'antique Abydos, des Samiens jusque dans la grande Oasis.
 
Quelque degré de civilisation que fussent déjà parvenus les Grecs, ils n'étaient encore que des enfants vis-à-vis des Egyptiens, comme Solon se l'entendait dire : leur curiosité avait donc beau jeu. Mais, sans aller demander l'enseignement des prêtres, sans doute malveillants en général pour ces étrangers et plus disposés à leur conter des fables qu'à faire part de leur savoir, il fut certainement bientôt facile à un Grec intelligent et séjournant suffisamment dans le pays, de faire une enquête sérieuse sur les connaissances pratiques et les opinions générales des Egyptiens. C'est au moins lerôle qu'on peut attribuer à Thalès t, qui, hé vers 640 avant JésusChrist, semble n'être revenu qu'assez tard à Ntilet pour y consacrer les loisirs de sa vieillesse aux travaux de l'intelligence.
 
L'historiette d'Aristote sur le monopole des pressoirs d'huile parait indiquer que tout d'abord la nature de ses occupations, absolument étrangères aux habitudes de ses compatriotes, fut loin de lui attirer leur considération. Mais il en fut bientôt tout autrement, lorsque le succès de la prédiction de l'éclipse solaire du 128 mai 585 avant Jésus-Christ rendit son nom célèbre dans tout le monde hellène. On lui décerne alors le titre de sage, et, surtout après la mort du tyran Thrasybule, il acquiert en Ionie une importance politique notable, qu'il conserve jusqu'à sa mort (vers 548 avant Jésus-Christ), au milieu des vicissitudes de sa patrie, sans toutefois se distraire des études qui avaient fondé sa gloire.
 
Voilà à peu près comme on peut reconstituer le cadre de sa biographie a. Sans doute les hypothèses y jouent leur rôle, mais l'ensemble est plausible et concorde suffisamment avec les données historiques que l'on possède.
 
Il n'est au reste qu'un point qui mérite une discussion sérieuse; il s'agit de la réalité de la prédiction de l'éclipse, fait souvent révoqué en doute, et auquel nous attachons d'autant plus d'importance qu'il semble vraiment, par la renommée qu'il valut à Thalès, avoir éveillé dans la race hellène l'amour de la science et l'émulation vers ce but de la vie.
 
M. Th.-H. Martin 3 a notamment combattu la réalité de cette prédiction. Il s'appuie sur un point d'ailleurs incontestable, que, pour essayer d'annoncer une éclipse solaire avec quelque chance de succès, il faut posséder certains éléments astronomiques qui n'ont été connus, et encore très approximativement, qu'au nie siècle avant Jésus-Christ (Aristarque de Samos), et mis en oeuvre dans ce but qu'au lie ;Hipparque). La prédiction faite par Thalès ne serait doncque le sage Milésien aurait connu l'explication des éclipses, et qu'il aurait peut-être tout au plus, d'après cette connaissance, annoncé la nécessité du retour de ce phénomène.
Si ingénieux que soient les arguments invoqués par l'illustre érudit à l'appui de son opinion, elle ne peut nous satisfaire. Tout d'abord, les textes anciens' parlent uniquement d'une prédiction, non d'une explication. Le récit, d'après Diogène Laërce, remonte d'ailleurs à Xénophane, presque contemporain de Thalès; il est difficile de demander plus pour cette époque, comme preuve historique.
 
A la vérité, il est possible, probable même, que Thalès a donné une explication du phénomène; mais il n'a certainement pas connu la véritable. Autrement, il serait inexplicable que, pendant un siècle après lui, tous les Ioniens aient épuisé leur imagination pour les solutions fantaisistes que nous rappellerons plus loin. C'est Anaxagore de Ctazomène qui, le premier, enseignera la doctrine scientifique, qui ne verra dans la lune qu'un corps obscur par lui-même, reflétant la lumière du soleil, qui expliquera ainsi du même coup les phases, les éclipses de lune et celles de soleil; et c'est lui qui le premier rendra, dans les fers, témoignage pour la vérité ".
 
Pour Thalès, la question est d'ailleurs beaucoup moins de savoir s'il a pu prédire une éclipse de soleil avec quelques chances de succès, que si, l'ayant annoncée, füt-ce comme nos almanachs populaires prédisent le temps, il a vu l'événement s'accomplir suivant sa parole.
 
Or on sait, à n'en pas douter, que les astrologues orientaux, dès le huitième siècle avant Jésus-Christ, prévoyaient les éclipses possibles et les annonçaient comme devant arriver; on nous permettra de citer ici un curieux texte cunéiforme déchiffré par M. Smith3.
 
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