« Étymologie de la langue française » : différence entre les versions

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Comme les autres, les "gros" mots ont une étymologie. Au cas particulier, le terme désigne initialement le sexe de la femme comparé à un terrier. En effet, en latin, cuniculus est le lapin qui donne coniglio en italien moderne et Kaninchen en Allemand (qui n'est pas le caniche) et konijl en néerlandais. En ancien-français on parlait de conil avant que le mot lapin n'apparaisse au XVème siècle.
 
La plupart des gros mots ont des origines liées au sexe, aux excréments (et par assimilation, en anglais, au sang menstruel d'où les bloody day, bloody guy) et, pour les plus anciens, au blasphème.
 
Leur grossièreté relative est fluctuante. Enfoiré est aujourd'hui imprimé sur des carnets de titres restaurant alors qu'il figurait dans le top 5 de la grossièreté à l'époque de nos parents. Le français connaît deux mots ''''foire'''' : un latin et un d'origine franque. Le mot latin est de la famille de ''férié''. Comme on ne travaille pas un jour férié, on en profite pour aller au marché et le marché des jours fériés est un peu plus fourni ; de là, la notion de foire. Le mot franc signifie ''diarrhée''. On le retrouve dans l'expression "le projet a foiré" c'est-à-dire "est parti en diarrhée". Lorsque Molière met en scène les Dr Purgon et Diafoirus tous les spectateurs de l'époque comprennent immédiatement qu'il s'agit des Dr Purge et Diarrhée. En ce sens, un enfoiré est quelqu'un qui a fait caca-culotte ; à ceci près que le mot inclut la cause de cet accident : une dilatation du sphincter anal supposée liée à la pratique régulière de la sodomie (entre garçon) à une époque où elle était très réprimée tant par les autorités civiles que religieuses. A la même époque, était également grossier le mot bougre (aujourd'hui en voie de disparition) qui signifiait Bulgare car l'on prêtait les mêmes conduites aux habitants de la Bulgarie.
 
''Faire la foire'' au sens de s'amuser vient de ce que le Moyen-Age n'ayant rien d'une société de consommation, les foires annuelles ou semestrielles étaient l'occasion de mieux manger qu'à l'ordinaire, de se coucher plus tard et de dépenser ses maigres économies en plaisirs variés.
 
Plus intéressants pour l'historien sont les gros mots transitoires issus de circonstances particulières. Par exemple, lorsqu'au début du XXème siècle un puceron, le phylloxéra (mot à mot : feuille séchée) anéantit quasiment toutes les vignes du Languedoc qui en constituaient la principale richesse, "phylloxéra" resta quelque temps une interjection de rage ou de colère. Plus avant dans le temps, la pomme de terre, importée du Nouveau Monde, fut mal accueillie par la population qui la réservait aux animaux - notamment au porc - et n'en consommait qu'en période de disette alors que certains agronomes tentaient d'en faire une nourriture de base. La pomme de terre s'appelait alors, par assimilation à la truffe (puisque toutes les deux poussent dans le sol), tartifle (étymologie conservée dans l'allemand moderne KartofelKärtofel à partir d'une forme originale cartofle). Appliqué à autre chose qu'une pomme de terre, tartifle était une grossièreté.
 
Pourquoi le mot lapin a-t-il remplacé le mot conil ? Jusqu'au XVème siècle, il y avait relativement peu de lapinlapins en France. Au XVème siècle, nos ancêtres connurent une pénurie de gibier et importèrent, pour y remédier, des lapins d'Espagne où ils étaient nombreux, car les lapins se reproduisent vite et sont faciles à attraper. Avec l'animal, ils importèrent son appellation ibérique de lapere (d'où lapereau) qui est une déformation de leporis (le lièvre en latin). Lapere donna vite lapin.
Les lapins s'endorment sous les diligences et partent avec elles. De là une vielle expression "voyager en lapin" pour dire "voyager sans payer". Parfois la fraude se caractérise par un arrangement entre le cocher et le client ; le lapin est alors le passager ou le colis que le cocher ne déclare pas. Ce passager non déclaré est, en quelque sorte, inexistant d'où l'expression apparue à la fin du XIXème siècle de poser un lapin, c'est à dire se montrer inexistant comme un passager clandestin.