« Philosophie/Liberté » : différence entre les versions

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{{SommairePhilo}}
 
La '''liberté''' est une notion qui désigne d'une manière négative l'absence de soumission, de servitude et de détermination, i.e. qu'elle est une notion qui qualifie l'indépendance de [[homo sapiens|l'être humain]] ; d'une manière positive, elle désigne l'autonomie et la spontanéité d'un [[Philosophie/Sujet|sujet]] [[raison|rationnel]], i.e. qu'elle qualifie les comportements humains [[volonté|volontaires]] et en constitue la condition.
 
Cette notion est à la fois conçue comme une [[valeur]] abstraite et normative de l'[[action]] humaine et comme une [[réalité]] concrète et vécue. Ces deux perspectives se recoupent de diverses manières et peuvent provoquer des erreurs de catégories. Il existe ainsi de nombreuses confusions possibles à propos du terme de liberté. Il faut donc prendre soin de distinguer les différents sens de ce mot.
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La question de la liberté peut être considérée comme la question [[métaphysique]] par excellence dans la mesure où elle concerne le statut de l'[[homme]] au sein de la [[nature]]. La liberté qualifie en effet la relation de l'homme en tant qu'agent et du [[monde]] [[Philosophie/Physique|physique]], relation notamment considérée dans son rapport à un déterminisme supposé ou réel. Cette question concerne donc particulièrement l'immanence et la transcendance de la volonté humaine par rapport au monde.
 
La liberté s'oppose en général (ce n'est donc pas toujours le cas) au [[déterminisme]], au [[fatalisme]] et à toute doctrine qui soutient la thèse de la nécessité du devenir. Le concept de liberté divise très schématiquement les philosophes en deux camps : ceux qui en font le fondement de l'action et de la morale humaines ([[Philosophie/Épicure|Épicure]], [[Descartes]], [[Kant]]), et ceux qui nient une quelconque transcendance de la volonté par rapport à des déterminismes telle que la sensibilité ([[Démocrite]], [[Spinoza]], [[Introduction à la pensée de Friedrich Nietzsche|Nietzsche]]) :
:''Il existait deux opinions sur lesquelles se partageaient les anciens philosophes, les uns pensant que tout se produit par le destin, en sorte que ce destin apportait la force de la nécessité (Démocrite, Héraclite, Empédocle, Aristote étaient de cet avis), les autres pour qui les mouvements volontaires de l’âme existaient sans aucune intervention du destin ; Chrysipe, en position d’arbitre officieux, me paraît avoir choisi la position intermédiaire ; mais ils se rattache plutôt à ceux qui veulent voir les mouvements de l’âme libérés de la nécessité.'' ([[Cicéron]], ''Du destin,'' §39).
 
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=== Origine et analyses du problème ===
Le problème de la liberté surgit naturellement quand la [[raison]] humaine cherche à unifier les différents éléments de sa représentation du [[monde]]. En effet, si l'explication philosophique comprend la [[réalité]] dans son intégralité, au moins idéalement (et au contraire des [[science]]s qui ont une partie seulement du monde pour [[objet]]), alors un effort d'unification de notre connaissance par une causalité unique est exigible, et cela afin d'éviter les contradictions qui découle de l'hypothèse de l'existence de plusieurs causalités (psychique et physique) : il semble en effet impossible de penser l'interaction de deux causalités hétérogènes. Ce problème a particulièrement sollicité la reflexion des philosophes de l'Antiquité. La physique hellénistique est ainsi nettement [[déterminisme|déterministe]]. Mais cette unité causale a soulevé et soulève encore de jours des problèmes : si on unit les trois parties de la connaissance (physique, éthique, logique), et aujourd'hui les sciences humaines et les sciences de la nature, comment résoudre l'antagonisme entre destin et liberté ? Le problème qui se pose est essentiellement d'ordre [[moralePhilosophie/Morale|moral]]. [[épicurePhilosophie/Épicure|Epicure]] fut contraint d'inventer le ''clinamen'', et les [[stoïcismePhilosophie/Stoïcisme|stoïciens]] inventèrent des raisonnements très subtils pour tenter d'échapper à ce qui ressemble à une conséquence inévitable de ce qu'on appelle aujourd'hui le physicalisme.
 
L'unité de nos représentations serait alors une unité [[logique]]. Mais la question se pose : si tout dépend du destin, comment certaines choses peuvent-elles encore dépendre de nous ? Ou bien la [[nature]] est seule maîtresse des choses, ou bien l'homme est maître lui aussi au sein de la nature. Cette contradiction dans notre [[Philosophie/Connaissance|connaissance]] est la troisième antinomie [[Emmanuel Kant|kantienne]] : suis-je libre, ou suis-je conduit par le destin ? La nature est ici entendue comme un pur enchaînement causal ; il s'agit alors de concilier les deux affirmations : [[responsabilité]] [[Philosophie/Morale|morale]] et [[acte]]s déterminés.
 
Si on nie la causalité naturelle, on fait apparaître un [[concept]] de liberté qui implique la nouveauté absolue dans l'ordre de la nature : la liberté humaine doit pouvoir ouvrir des possibles en produisant des actions non-déterminées, indépendantes notamment des inclinations de notre sensibilité. Notre volonté n'a alors aucune cause antécédente. Mais dans ce cas, la liberté n'est pas une [[réalité]] intelligible : la liberté sort du [[néant]], elle une sorte de [[miracle]], d'où le caractère presque indicible de ce concept, puisque la liberté semble être dans ce cas au-delà de la portée de l'intellect humain.
 
Ainsi, en cherchant à unifier nos [[connaissancePhilosophie/Connaissance|connaissances]]s, soit on fait de l'homme un être déterminé, dont la volonté est immanente à la nature (donc on cherche à naturaliser l'humain), soit on fait de l'homme un être transcendant, irréductible en particulier à sa [[nature]] animale.
 
=== Définition et critiques ===
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En effet, contre la liberté indépendance, il existe au moins deux types de critiques :
*une critique moraliste : cette liberté relève de la licence, i. e. de l'abandon au [[Philosophie/Désir|désir]]. Or, il n'y a pas de liberté sans loi ([[Rousseau]], [[Emmanuel Kant]]), car la liberté de tous serait en ce sens contradictoire : les désirs universalisés s'annuleraient. La loi est donc nécessaire et il faut limiter l'extension de la liberté pour garantir son exercice. Ces limites sont dans l'intérêt même de la liberté, pour éviter la [[tyrannie]], les conflits et l'esclavage :
:''On pourrait, sur ce qui précède, ajouter à l'acquis de l’état civil la liberté morale qui seule rend l'homme vraiment maître de lui; car l’impulsion du seul appétit est esclavage, et l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté.'' ([[Rousseau]], ''Le contrat social'''').
 
On remarque que dans cette conception philosophique de la liberté, les limites ne sont pas des limites contraignant la liberté de la volonté humaine ; ces limites définissent en réalité un domaine d'action où la liberté peut exister, ce qui est tout autre chose.
 
*une critique [[déterminisme|déterministe]] : s'abandonner à ses [[désirPhilosophie/Désir|désirs]]s, n'est-ce pas leur obéir, et dès lors un tel abandon ne relève-t-il pas d'une forme déguisée de déterminisme ? Nous serions alors victimes d'une illusion de [[libre arbitre]] : nous aurions une fausse [[Philosophie/Conscience|conscience]] de la liberté de notre [[volonté]] parce que nous ignorons les véritables causes qui nous font agir. Ainsi, [[Spinoza]] écrit dans [[L'Ethique]] :
:« ''Telle est cette liberté humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste en cela seul que les hommes ont conscience de leurs appétits et ignorent les causes qui les déterminent. Un enfant croit librement appéter le lait, un jeune garçon irrité vouloir se venger et, s'il est poltron, vouloir fuir. Un ivrogne croit dire par un libre décret de son âme ce qu'ensuite, revenu à la sobriété, il aurait voulu taire. De même un délirant, un bavard, et bien d'autres de même farine, croient agir par un libre décret de l'âme et non se laisser contraindre'' ».
 
[[Philosophie/Nietzsche|Nietzsche]] reprendra cette critique :
:''Aussi longtemps que nous ne nous sentons pas dépendre de quoi que ce soit, nous nous estimons indépendants : sophisme qui montre combien l'homme est orgueilleux et despotique. Car il admet ici qu'en toutes circonstances il remarquerait et reconnaîtrait sa dépendance dès qu'il la subirait, son postulat étant qu'il vit habituellement dans l'indépendance et qu'il éprouverait aussitôt une contradiction dans ses sentiments s'il venait exceptionnellement à la perdre.''
 
Ces deux critiques mettent en lumière plusieurs points importants. En premier lieu, la liberté ne peut se réduire à l'indépendance par rapport au [[monde]] extérieur ; il faut également une autonomie intérieure réelle par laquelle nous nous donnons volontairement des règles d'actions. Ainsi, alors que l'indépendance concerne les causes externes (définissant ce que je ''peux''), l'autonomie concerne les causes qui sont la source de la [[volonté]] (définissant ce que je ''veux''). La réflexion philosophique intériorise le problème et cherche à en trouver les conditions internes, en niant que la liberté soit dépendante en quoique ce soit du monde extérieur.
 
En second lieu, il n'est pas certain que tout lien soit contraire à l'indépendance. Être ''relié'' n'est pas toujours négatif, car l'intersubjectivité est peut-être plus fondamentale que l'indépendance du moi, dans la mesure où le moi est relation aux autres. Ainsi, pour [[Introduction à la pensée de Friedrich Nietzsche|Friedrich Nietzsche]] (et de même pour [[Hegel]]), le ''toi'' est antérieur au ''moi''. Il ne semble donc pas possible de concevoir une liberté indépendance comme un état monadique, où l'[[individu]] serait une totalité fermée, atome qui n'aurait que des relations qui lui seraient externes ou étrangères. Les relations humaines seraient donc plutôt à la fois des sources de conflits et d'aliénation, et des conditions de liberté sociale et [[Philosophie/Politique|politique]].
 
=== Les sens philosophiques fondamentaux du mot "liberté" ===
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Une conséquence importante de cette conception ancienne de l'âme, c'est que l'action, ou au moins certains types d'action, a, pour les Grecs, une dignité moindre ; ce que montre par exemple l'esclavage et l'artisanat. Par nature, un être qui [[travail]]le n'est pas libre ([[Aristote]], '''Politiques''') car son activité déforme son corps et altère en conséquence les qualités de son âme. Ce qui a de la valeur, la finalité par excellence de l'activité humaine, c'est la [[pensée]], l'activité de l'intellect, conçue comme la finalité et le vrai bien de l'âme : la liberté de l'homme serait donc dans la contemplation qui nécessite d'ailleurs des conditions de vie d'hommes libres. Cette liberté n'est pas contraire à la nature et à sa nécessité, puisqu'elle est la réalisation parfaite de l'essence de l'homme (il ne faut donc pas confondre l'emploi qui est fait ici du mot liberté avec d'autres emplois qui sont faits ailleurs dans l'article).
 
Le [[christianisme]] vient ensuite modifier cette conception, avec l'idée d'un [[dieu]] qui est volonté et qui crée, l'idée d'un dieu artisan (cf. [[Paul de Tarse]]). Cette idée de l'artisan se rencontre déjà chez [[Philosophie/Platon|Platon]], mais ce n'est pas une conception créationnist : la [[théologie]] antique fait plutôt de Dieu un intellect non impliqué dans la création de la matière, même s'il peut y être engagé, par exemple pour y mettre de l'ordre. L'action va donc prendre de la valeur, ou changer de valeur, dans la mesure où le libre arbitre est maintenat métaphysiquement valorisé : cette valorisation a une origine [[Philosophie/Morale|morale]], en particulier pour l'explication du [[péché]]. Le prix à payer de la [[théodicée]] (pour conserver la [[volonté]] juste de Dieu), c'est la malédiction de la liberté humaine, qui fait de l'homme un coupable par [[nature]].
 
Le ''liberum arbitrium'' chrétien apparaît nettement chez [[Augustin d'Hippone]] (''De Libero arbitrio''). Sa finalité était de fonder une théodicée ; ce concept permet en effet de disculper Dieu de la responsabilité du mal (c'est là l'invention de l'intériorisation du péché dénoncée par [[Introduction à la pensée de Friedrich Nietzsche|Friedrich Nietzsche]]). La motivation est donc théologique et non anthropologique. Par la suite, le libre-arbitre deviendra un trait fondamental de l'anthropologie de [[Thomas d'Aquin]].
 
On voit, par ce bref historique, que le problème de la liberté en [[Occident]] n'est pas séparable de l'[[histoire]] du [[concept]] de Dieu. Ceci est encore valable même au [[XXe siècle|XX<sup>e</sup> siècle]], chez [[Sartre]] par exemple (voir plus bas), lorsqu'il renverse le rapport de l'[[essence]] et de l'[[Philosophie/Existence et temps|existence]].
 
==== [[Aristote]] ====
La première analyse de ce que l'on peut appeler libre-arbitre (en tant que spontanéité rationnelle) se trouve chez [[Aristote]] dans l' ''Ethique à Nicomaque'', livre III. [[Philosophie/Platon|Platon]] avait probablement déjà conçu, dans ''[[La République]]'', une réflexion sur la liberté, mais cette liberté est plutôt d'ordre [[métaphysique]]. Ce point sera développé un peu plus loin.
 
La réflexion d'Aristote se comprend d'après sa recherche de l'[[essence]] de la [[vertu]] : la vertu a trait aux actes volontaires. Mais quelle est l'essence du volontaire ? Pour le comprendre, il recherche ce qu'est l'involontaire de manière empirique et d'après ce qu'en dit le [[droit]]. Or, il y a deux causes de l'involontaire :
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On peut distinguer trois types d'actes :
*actes spontanés : efficience du [[Philosophie/Désir|désir]], par exemple je désire une [[pomme]]. C'est une cause interne dont je suis responsable.
*actes contraints : origine extérieure, sans ma collaboration. Mon efficience causale est anéantie ou paralysée. Par exemple, un prisonnier poings et pieds liés.
*actes mixtes : des actes contraints et spontanés. Je dois agir par mon [[pouvoir]] d'action, mais sous la menace d'un tiers. La [[responsabilité]] est atténuée mais non abolie.
 
Il est maintenant possible de préciser le [[concept]] de volontaire par inversion de ce qui a été dit : le volontaire c'est un acte spontané, accompli en [[Philosophie/Connaissance|connaissance]] de cause. Il y a la spontanéité du [[Philosophie/Désir|désir]] éclairé par l'intentionnalité de la [[raison]] :
*agir par soi ;
*en connaissance de cause.
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Le problème des futurs contingents est un problème de logique qui se présente sous la forme d'une alternative. Aristote analyse la proposition suivante : ''il y aura une bataille demain ou il n'y aura pas de bataille demain''. Comme l'un ou l'autre est nécessairement vrai, il semble nécessaire que l'un arrive et pas l'autre. En conséquence, cette nécessité logique se traduirait par une nécessité des événements eux-mêmes. En réalité, selon Aristote, la nécessité ne porte que sur le ''ou'', ce qui fait que les parties de l'alternative ne sont pas nécessaires en elles-mêmes.
 
==== [[Philosophie/Platon|Platon]] ====
Platon raconte dans un mythe comment les âmes choisissent leur futur incarnation. Cela peut être interprété comme une conception [[métaphysique]] de la liberté, conception qui ne semble pas très courante dans l'[[Antiquité]] (on trouve une allusion très courte chez [[Cicéron]]) :
:''Et l'on peut dire que parmi les âmes ainsi surprises, celles qui venaient du ciel n'étaient pas les moins nombreuses, parce qu'elles n'avaient pas été éprouvées par les souffrances; au contraire, la plupart de celles qui arrivaient de la terre, ayant elles-mêmes souffert et vu souffrir les autres, ne faisaient point leur choix à la hâte. De là venait, ainsi que des hasards du tirage au sort, que la plupart des âmes échangeaient une bonne destinée pour une mauvaise ou inversement. Et aussi bien, si chaque fois qu'un homme naît à la vie terrestre il s'appliquait sainement à la philosophie, et que le sort ne l'appelât point à choisir parmi les derniers, il semble, d'après ce qu'on rapporte de l'au-delà, que non seulement il serait heureux ici-bas, mais que son voyage de ce monde en l'autre et son retour se feraient, non par l'âpre sentier souterrain, mais par la voie unie du ciel.'' ([[La République]], livre X).
 
==== Période hellénistique ====
===== [[épicurePhilosophie/Épicure|Epicure]] =====
Epicure a inventé la notion de [[clinamen]] pour éviter le déterminisme qui découle de sa physique. Voir à l'article [[épicurePhilosophie/Épicure|Epicure]], section Physique.
:''Epicure a introduit cette explication parce qu’il a craint que, si l’atome se déplaçait toujours en vertu d’une pesanteur naturelle et nécessaire, il n’y ait en nous aucune liberté [nihil liberum nobis esset] puisque l’âme ne serait animée [animus moveretur] que par la contrainte du mouvement des atomes. Démocrite, l’inventeur des atomes, a préféré cette solution selon laquelle tout se produit par la nécessité, plutôt que de priver les corps indivisibles de leur mouvement naturel.'' ([[Cicéron]], ''Du destin'', §23).
 
===== [[Philosophie/Stoïcisme|Stoïciens]] =====
Pour le ''fatum'' stoïcien, voir [[Fatalisme]] : ''J'appelle destin (fatum) ce que les Grecs appellent ''heimarménè'', c'est-à-dire l'ordre et la série des causes, quand une cause liée à une autre produit d'elle-même un effet. (....) On comprend dès lors que le destin n'est pas ce qu'entend la superstition, mais ce que dit la science, à savoir la cause éternelle des choses, en vertu de laquelle les faits passés sont arrivés, les présents arrivent et les futurs doivent arriver'' ([[Cicéron]], ''De la divination'').
 
Aspect pratique de la liberté : il y a une dimension pratique de la liberté et une dimension qui concerne nos états psychologiques. Cette dimension concerne particulièrement les [[passion]]s de l'âme et la [[Philosophie/Morale|morale]]. La conception stoïcienne de la liberté est de ce point de vue une conception morale typique.
 
*[[épictète|Epictète]] :
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*Remarque:
 
Comme on le voit dans le tableau proposé, une [[philosophie]] de la liberté implique une distinction entre la [[volonté]] et le [[Philosophie/Désir|désir]] :
*le désir est inconscient de ses raisons et irresponsable ; il est velléitaire et n'implique pas l'[[action]] ;
*la volonté est [[consciente]] (il y a un pourquoi), elle est constante et ferme.
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====[[Descartes]]==== <br />
*"Je ne puis pas me plaindre que Dieu ne m'a pas donné un libre arbitre, ou une volonté assez ample et parfaite, puisqu'en effet je l'expérimente si vague et si étendue, qu'elle n'est renfermée dans aucunes bornes." ([[Philosophie/Méditations Métaphysiques|Méditations Métaphysiques]], IV).
*"La liberté de notre volonté se connaît sans preuves, par la seule expérience que nous en avons."
 
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**les perceptions peuvent être inconscientes et influencer notre arbitre à notre insu.
 
Pour Leibniz, l'aperception est la synthèse des petites perceptions, insensibles chacune en elle-même. L'[[Philosophie/Inconscient|inconscient]] leibnizien est donc fait de ces petites perceptions.
 
*Le principe de raison suffisante : il y a toujours une raison qui explique pourquoi un phénomène est ou n'est pas, et pourquoi il est ainsi et pas autrement.
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Par conséquent, il n'y a pas de liberté d'indifférence, car l'arbitre ne peut être dans un état d'équilibre entre deux objets puisqu'ils ne sont pas identiques. Il est impossible d'agir sans motif : notre comportement est donc nécessairment déterminé. Agir sans [[raison]] serait une imperfection, un [[acte]] aléatoire. Ainsi, être libre, c'est agir selon la plus parfaite des raisons que l'on puisse concevoir. La liberté est la plénitude d'une détermination rationnelle. Pourtant, cette surdétermination n'est-elle pas une aliénation ? La liberté étant en effet la plus parfaite raison, n'est-ce pas nier l'autodétermination du sujet ?
 
Il faut, selon Leibniz, distinguer le certain du nécessaire : il est certain que le sage agira pour le mieux, mais ce n'est pas nécessaire. La certitude n'implique pas la nécessité : l'obligation [[Philosophie/Morale|morale]] n'est pas nécessaire.
 
Cette conception de la liberté s'oppose à la conception [[scolastique]] : la philosophie des facultés hypostasie les facultés, elle pose en [[substance]] ce qui est en [[acte]] ; en disant que la volonté choisit, on lui prête une faculté qui appartient à l'[[entendement]]. Il n'y a donc pas de distinction entre [[volonté]] et entendement. La [[définition]] [[scolastique]] se réfute elle-même, c'est un schéma absurde. Pour Leibniz en effet, la volonté n'est jamais que l'intelligence qui choisit : la liberté appartient à la raison, et c'est '''la faculté du meilleur choix possible'''. Autrement dit c'est une '''autodétermination optimale.'''
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Dans l'épokhè, il s'agit pour la conscience d'éliminer de son champ tout ce qui ne lui est pas immédiatement connu. On a là le cogito et la [[métaphysique]] de [[Descartes]]. Il s'agit de faire apparaître ce qui constitue en propre la conscience. Et ce qui résiste, c'est la conscience constitutive de tout sens, objet ou être.
 
En plaçant entre parenthèses le monde objectif, l'épokhè relativise radicalement la psychophysiologie, pour atteindre une subjectivité trancendantale. Ainsi, loin d'être déterminée par un [[objet]], la [[Philosophie/Conscience|conscience]] investit l'objet de sens. Dans la réduction, l'idée de nature objective peut donc être écartée, car elle n'appartient pas à la conscience. L'épokhè dévoile la conscience comme un absolu irréductible et le [[monde]] objectif comme un terme relatif.
 
Cette thèse permet à [[Edmund Husserl]] de rejeter l'idée d'une détermination des états de la [[Philosophie/Conscience|conscience]] par les variations de l'organe central de la perception, le [[cerveau]]. Il admet pourtant que la conscience s'appuie sur un sousbassement sensible, et qu'elle peut même être conditionnée par certains processus physiques dans son activité perceptive. Mais il y a des limites à cette dépendance, car, comme l'épokhè l'a montré, on ne peut réduire la conscience : on ne peut faire l'économie de son point de vue sur elle-même dans lequel il n'entre aucun donné objectif.
 
Cette thèse peut être développée suivant deux aspects qui donne un statut transcendantal à la liberté :
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Pour Sartre, la liberté transcendantale de l'ego est rendue manifeste par l'[[imagination]]. Cette dernière suppose en effet que la conscience soit douée de liberté :
*La néantisation du monde impliquée par une telle [[Philosophie/Conscience|conscience]] capable d'imaginer rend possible un écart par rapport au monde objectif ; sans cet écart, nous resterions ''englués'' dans "l'en-soi" et entièrement déterminés.
*L'imaginaire permet de se donner à soi-même un objet : la conscience est donc totalement compromise dans la constitution du "monde".
 
 
La néantisation permet de conclure au primat de l'[[Philosophie/Existence et temps|existence]] sur l'essence : la célèbre formule de Sartre selon laquelle "''l'existence précède l'essence''" signifie que l'individu n'est pas [[déterminisme|déterminé]] d'après un sens qui d'avance le définirait en le "chosifiant". Car si l'homme appartient à l'en-soi et à ce titre est une chose, il est aussi et avant tout un "existant", un être qui opère continuellement des ''choix''. La liberté est donc inhérente à l'existence humaine ; elle en est la condition. Être homme, c'est être "''condamné à être libre''", condamné à assumer son existence libre. Le "pour-soi" peut bien être facilement tenté par la ''mauvaise foi'', forme exemplaire de l'inauthenticité niant toute responsabilité : ''je n'y suis pour rien'', prétend-il alors ; c'est ''la faute'' des "autres", c'est ''à cause de'' telle ou telle passion qui s'est emparée de moi et à laquelle je n'ai pu résister, voire parce que Dieu ou "le destin" l'a ''voulu''... Mais l'homme n'est pas libre d'échapper à la liberté : refuser la liberté, c'est encore la refuser librement. Et s'abstenir de choisir, c'est encore faire un choix − le choix de s'abstenir. Ainsi, à travers le suivisme ou la lâcheté prétendons-nous nier notre propre liberté − comme par le fanatisme nous prétendons nier celle des autres. Mais la liberté nous colle pour ainsi dire à la peau :
:"''Nous dirons donc que, pour le coupe-papier, l'essence — c'est-à-dire l'ensemble des recettes et des qualités qui permettent de le produire et de le définir — précède l'existence ; et ainsi la présence, en face de moi, de tel coupe-papier ou de tel livre est déterminée. Nous avons donc là une vision technique du monde, dans laquelle on peut dire que la production précède l'existence. ''[...]'' Nous voulons dire que l'homme existe d'abord, c'est-à-dire que l'homme est d'abord ce qui se jette vers un avenir, et ce qui est conscient de se projeter dans l'avenir. L'homme est d'abord un projet qui se vit subjectivement, au lieu d'être une mousse, une pourriture ou un chou-fleur ; rien n'existe préalablement à ce projet ; rien n'est au ciel intelligible, et l'homme sera d'abord ce qu'il aura projeté d'être.''"
<p align="right">''L'existentialisme est un humanisme''</p>
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Les différentes conceptions vues ci-dessus nous font connaître plusieurs conceptions de la liberté. Mais le problème de savoir s'il y a quelque chose de tel que la liberté reste entier. Il y a un problème épistémique de la liberté, qui peut être envisagé d'un point de vue [[théorie|théorique]] et d'un point de vue pratique.
 
==== La [[Philosophie/Connaissance|connaissance]] théorique de la liberté ====
S'il y quelque chose comme la liberté, quelle sorte de chose est-ce ? Est-ce une [[substance]], une [[essence]], une [[faculté]], un [[acte]], etc. ? Les auteurs examinés plus haut nous ont déjà fourni quelques réponses possibles.
 
Comment en a-t-on [[Philosophie/Connaissance|connaissance]] ? Avoir connaissance de quelque chose comme la liberté, cela ne suppose-t-il pas en même temps avoir la preuve de son existence ? La liberté serait donc dans ce cas observable et devrait faire partie des [[phénomène]]s. Pourtant si la liberté se manifeste en tant que phénomène empirique, il faut bien qu'elle se conforme aux [[loi]]s de la [[nature]]. Or, cela semble bien être une contradiction. Il semble que rien de tel que la liberté ne puisse être donné dans le monde ; mais il serait sans doute plus exacte de conclure que la liberté, comme objet de connaissance, nous échappe, et qu'elle n'est jamais un [[objet]] de notre [[expérience]].
 
Cette difficulté peut être contournée de plusieurs manières :
*on peut nier le problème, en disant que la liberté n'existe pas. Le problème ne se pose donc pas, puisque dans cette perspective, il ne s'agit que d'un non sens métaphysique. Cette première solution implique que l'on réduise la [[volonté]] à une causalité naturelle, ou qu'on la nie ; par exemple, pour [[Introduction à la pensée de Friedrich Nietzsche|Friedrich Nietzsche]], il n'y a ni volonté ni non volonté, mais notre [[action]] n'est qu'une résultante de processus physiologiques.
*mais on peut chercher à la sauver en en faisant un être transcendant l'expérience et une condition de cette expérience. Cette seconde solution paraît contradictoire : en faisant de la liberté un [[être]] transcendant, ne retire-t-on pas en fait à l'homme toute liberté en la situant au-delà de son expérience, bien qu'elle soit pensée comme une condition ? Elle semble inintelligible et l'on risque de ne plus savoir si l'on est libre ou non. La liberté, dans ce cas, peut faire l'objet d'une foi rationnelle, dans la mesure où nous jugeons qu'elle est une nécessité morale, et qu'on ne saurait s'en passer sans refuser du même coup toute dignité à l'homme. La liberté pourrait ainsi être comprise comme une illusion transcendantale, i. e. comme un concept de la raison que cette dernière ne peut pas ne pas penser, bien qu'aucun objet et aucune action ne viennent (et ne puissent) confirmer son existence.
 
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==== L'expérience de la liberté ====
 
Les problèmes théoriques soulevés par le [[concept]] de liberté amènent à se poser la question de savoir si la [[Philosophie/Conscience|conscience]] de la liberté, ou l'expérience que nous en avons, porte d'une manière certaine sur une réalité ?<br />
Si oui, à quelle genre de réalité a-t-on affaire ? L'expérience semble manquer de consistance pour le déterminer. En effet, si la conscience que nous avons de la liberté n'en est pas une connaissance, la liberté est soi une réalité métaphysique soit un concept vide.<br />
Si conscience et connaissance sont deux choses différentes, avoir conscience de quelque chose ne garantit pas son existence. Il faut donc plus que la conscience pour savoir si effectivement nous sommes libres. Ainsi, il peut sembler que non, notre expérience de la liberté ne porte pas sur une liberté, mais sur un type d'être dont la [[nature]] est hors de notre portée.<br />
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==== Enjeux métaphysiques et moraux de la liberté ====
L'ensemble de cette problématique et les différentes conceptions des [[philosophe]]s du passé permettent de voir plus précisemment en quoi la liberté est un concept [[métaphysique]] fondamental : ses conséquences [[moralePhilosophie/Morale|morales]]s sont en effet considérables.
*Etablir la possiblité de la liberté, c'est sauver la responsabilté et la valeur de l'homme, du moins dans une perspective humaniste.
*La liberté, comme condition des notions morales, donne un sens aux choix moraux en [[bien]] comme en [[mal]] : ou, autrement dit, l'essence de la liberté, c'est le devoir.
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*La liberté donne un sens à l'existence humaine : renoncer à la liberté, c'est renoncer à la qualité d'[[homme]].
 
On voit bien ici en quoi une détermination [[métaphysique]], en apparence très spéculative et difficile, peut se montrer décisive pour la [[vie]], pour l'[[Philosophie/Existence et temps|existence]] concrête. En effet, on pose ou on nie que la liberté soit un [[attribut]] essentiel : la liberté est ou non constitutive de la [[nature]] humaine. Nier la liberté, ce serait donc supprimer l'[[essence]] de l'homme. Pratiquement, la question serait de savoir si cela revient à dire que nier la liberté est une perspective dans laquelle on ne voit pas de contraintes [[moralePhilosophie/Morale|morales]]s qui empêchent quiconque de nier aussi l'humanité d'un autre homme. "Tout est permis" dit Nietzsche, assumant cette négation anti-humaniste de l'essence de l'homme. Mais les [[doctrine]]s de ce genre ont-elles nécessairement ces conséquences ? Nier la liberté, cela implique-t-il qu'il ne soit pas interdit de nier, opprimer, torturer ou détruire l'autre ? Si, en effet, la liberté implique l'existence du [[devoir]] comme sa condition, sa suppression entraînerait peut-être la suppression d'une distinction entre le bien et le mal :
:''Renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs. Il n'y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce à tout. Une telle renonciation est incompatible avec la nature de l'homme; et c'est ôter toute moralité à ses actions que d'ôter toute liberté à sa volonté. '' ([[Rousseau]], ''Le Contrat social'').
 
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== Bibliographie ==
*[[Philosophie/Platon|Platon]], ''[[La République]]''
*[[Aristote]], ''De l'interprétation''
*[[Aristote]], ''Ethique à Nicomaque''
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*[[Augustin d'Hippone]], ''De libero arbitrio''
*[[Hobbes]], [[Léviathan]]
*[[Descartes]], [[Philosophie/Méditations Métaphysiques|Méditations Métaphysiques]]
*[[Descartes]], ''Principes de la philosophie''
*[[Descartes]], ''Passions de l'âme''
Ligne 506 :
*[[Emmanuel Kant]], ''Critique de la raison pratique''
*[[Schopenhauer]], ''Essais sur le libre-arbitre''
*[[Philosophie/Nietzsche|Nietzsche]], ''Généalogie de la morale''
*[[Henri Bergson]], ''Essais sur les données immédiates de la conscience''
*[[Bertrand Russell]], ''Notre connaissance du monde extérieur'' (dernier chapitre)