« Introduction à la sociologie/L'évolution de la pensée sociologique/L'histoire des idées sociologiques. La période classique de Comte à Weber » : différence entre les versions

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L'influence de Weber sur la sociologie sera très importante. Un auteur comme Schütz, créateur de la sociologie phénoménologique s'en inspirera très largement.
 
==== La sociologie qualitative de Georg Simmel ====
 
Autre penseur allemand considéré comme l'un des fondateurs de la sociologie contemporaine, Georg Simmel. Celui-ci pointe son analyse non sur les individus isolés ou sur les totalités sociétales, mais sur les actions réciproques, les interactions entre les individus. Mais il ne les aborde pas d'une manière unidimensionnelle, il les appréhende dans toutes leurs richesses, et notamment dans leur dimension affective et passionnelle, renouant en cela avec le romantisme allemand du 19ème siècle. Le fondement du rapport social chez Simmel peut se comprendre à travers la notion de forme qu'il emprunte à Kant. Pour lui, l'homme est confronté à la finitude subjective, et afin de donner sens à sa vie, il crée des formes abstraites (idées, valeurs, relations sociales, ...) qui ordonnent ses multiples passions. Mais ces formes en s'autonomisant finissent par faire obstacle au désir de liberté des individus. Chaque être cherche à détruire et à dépasser des formes existantes par d'autres formes. C'est dans ce mouvement que les individus trouvent leur identité. À l'origine de toute vie sociale, il y a une forme élémentaire : l'action réciproque. Elle semble être pour Simmel d'une importance capitale, car toute interaction peut être considérée comme un échange, et l'individuation se crée en fonction de ces interactions.
La sociologie devient donc la science des actions réciproques ou des formes propres à la vie sociale (conflits, solidarité, passions, associations, échanges, etc.). C'est à travers ces interactions vécues et des formes sociales que la vie en société se construit. Comment étudier ces formes sociales ? Simmel leur attribue certaines propriétés, mais toujours contextuelles. Elles sont, une fois inscrite dans la vie sociale douée d'une certaine autonomie, elles se reproduisent, se diffusent, se mêlent entre elles selon des logiques propres. En outre, les relations entre les formes se construisent dans un premier temps à partir d'un processus d'agrégation. Les formes complexes résultent de la combinaison de formes plus simples, et il revient au sociologue le rôle de décrire comment se déroule cette agrégation sans s'égarer dans l'universalisme. Par exemple la forme du secret se répercute à différents étages sociaux, et modèle aussi bien les interactions proches (ce qui est familier, ce à quoi on peut s'identifier) que les relations interindividuelles lointaines (ce qui est lointain et parfois incompréhensible : gouvernement, justice, étrangers, etc.). Même les changements sociaux de grande envergure se construisent donc dans les formes sociales les plus simples, car les mutations au niveau individuel se répercutent sur le niveau le plus général. L'étude des formes sociales requiert alors qu'on les étudie toujours dans leur singularité. Simmel s'oppose à une vision abstraite, froide et universaliste des relations sociales (ce qui l'oppose à Weber), ou à la détermination de régularités entre les enchaînements de formes. Les relations se construisent dans les sentiments et interfèrent avec toute sorte de phénomènes abstraits (religion, capitalisme, etc.). Cette limite théorique conduit Simmel à rompre avec une épistémologie fondée sur la preuve. Ce qui garantit la fiabilité d'une description sociologique, c'est sa capacité à éveiller chez l'individu une nouvelle ou une meilleure compréhension des phénomènes. Grâce à elle, il parvient à ordonner de manière synthétique certaines sensations et réflexions diffuses et chaotiques, un peu à la manière de ce qu'on éprouve quand on lit un roman. Simmel anticipe donc ici les développements ultérieurs de la sociologie interactionniste américaine et de la méthode qualitative; il constitue par conséquent un penseur charnière entre la sociologie classique et la sociologie contemporaine.